Recensement inédit de sans-abris à Paris sur fond de polémique

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Recensement inedit de sans-abris a paris sur fond de polemique[reuters.com]
(Crédits : Eric Gaillard)

PARIS (Reuters) - La ville de Paris organise jeudi soir une opération inédite de recensement des sans-abris afin d'adapter l'offre d'hébergement d'urgence, sur fond de désaccord entre l'Etat et les associations sur les personnes en situation de grande exclusion.

Cette "Nuit de la solidarité", qui s'inspire d'opérations similaires menées à Bruxelles, New York ou Athènes, doit permettre le "décompte anonyme de nuit des personnes en situation de rue", explique la mairie socialiste, qui veut connaître "leurs besoins pour adapter les réponses proposées".

Plus d'un millier de bénévoles vont être mobilisés entre 20h et une heure du matin sur 350 quartiers de la capitale.

La dernière enquête, menée par l'Insee, remonte à 2012. Quelque 28.800 personnes sans domicile avaient alors été recensées, un chiffre en hausse de 84 % par rapport à 2001.

En l'absence de recensement officiel, les associations se basent depuis sur leurs maraudes pour établir des estimations. Selon le Samu social, chargé de gérer les hébergements d'urgence pour les sans-abris via le numéro 115, entre 2.500 et 3.000 personnes dorment chaque nuit dans la rue.

L'organisation, qui pointe un système "saturé" face au nombre de demandes d'hébergement, fait état "d'une réponse positive sur trois demandes pour les hommes, une sur huit pour les femmes et une sur quinze pour les couples."

CONFUSION ET POLÉMIQUE

La "Nuit de la solidarité" est organisée quelques semaines après la polémique soulevée par le député LaREM de Paris, Sylvain Maillard, qui a affirmé que "même dans les cas de grand froid, certains SDF ne souhait[aient] pas être mis à l'abri".

Ces propos avaient déclenché l'ire des associations, déjà échaudées par la confusion née des déclaration du secrétaire d'État à la Cohésion des territoires, Julien Denormandie, laissant penser que seule une cinquantaine d'hommes isolés dormaient dans la rue en Île-de-France.

Le secrétaire d'Etat avait par la suite précisé qu'il avait voulu parler du "nombre de personnes qui se voient refuser une offre d'hébergement faute de places.

Le président de la Fédération des acteurs de la solidarité, Louis Gallois, avait dénoncé - avant la mise au point de Julien Denormandie - des "propos insupportables" et déploré la "volonté politique de minorer le nombre de SDF".

"Je pense que les préfets se sentent liés par l'engagement pris par le président qu'il n'y ait plus personne à la rue fin 2017", avait-il dit, en référence au discours d'Emmanuel Macron en juillet à Orléans où il avait souhaité qu'il n'y ait "plus personne dans les rues, dans les bois, d'ici la fin de l'année".

Interrogé sur cet engagement mardi, le chef de l'Etat a précisé qu'il parlait de l'accueil des migrants - et pas des sans-abris - tout en reconnaissant "ne pas avoir réussi".

"Il y a une vraie difficulté pour convaincre, il y a des publics fragiles qui sont en dehors des politiques publiques mises en place", a-t-il dit lors d'une rencontre avec les journalistes de l'Association de la presse présidentielle.

"Face à cela, il ne s'agit pas de faire quelque polémique que ce soit", a-t-il ajouté. "Je crois qu'on cherche tous la même finalité, il faut donc l'organiser".

Le chef de l'Etat a demandé au gouvernement de mettre au point, avec les associations et les travailleurs sociaux, une méthode permettant "de mieux prendre en compte ceux en situation de besoin" afin de faire évoluer "au cours de l'année les plans de création de logements".

En 2017, plus de deux milliards d'euros ont été consacrés à l'hébergement d'urgence, dont 276 millions d'euros pour assurer la continuité de l'accueil y compris en période hivernale.

Début février, face à la vague de froid, le gouvernement a annoncé l'ouverture de 1.000 places supplémentaires d'hébergement d'urgence, dont 650 en Ile-de-France, pour les personnes sans domicile fixe.

(Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)