Loi Malraux : 14 établissements épinglés par l'Autorité de la Concurrence

L'Autorité vient d'infliger une amende de 10 millions d'euros pour entente dans la restauration des monuments historiques à 14 entreprises.
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Si votre client a investi en Loi Malraux en Haute-Normandie, Basse-Normandie ou Picardie, il pourrait avoir des problèmes. Même si, pour l'heure, aucun risque de requalification n'est évoqué, l'Autorité de la Concurrence vient d'épingler 14 entreprises travaillant sur la restauration de monument historiques dans ces régions.

Voici le communiqué de l'Autorité de la Concurence :

Informé de l'existence d'une procédure pénale ouverte devant le TGI de Rouen à l'encontre de dirigeants d'entreprises pour participation à des ententes dans le secteur de la restauration des monuments historiques, le Conseil de la concurrence, auquel l'Autorité de la concurrence a succédé, s'est saisi d'office, en 2007, du volet concurrentiel du dossier.

L'Autorité de la concurrence rend aujourd'hui une décision par laquelle elle prononce des sanctions à hauteur de 10 millions d'euros à l'encontre de 14 entreprises pour s'être réparties la quasi-totalité des marchés publics de restauration des monuments historiques (églises, cathédrales, abbayes, châteaux, patrimoine des villes...) dans trois régions : Basse-Normandie, Haute-Normandie et Picardie.

Des ententes ponctuelles ont également été mises en place dans les régions Aquitaine, Bourgogne, Nord-Pas-de-Calais et Île-de-France.

Les entreprises se partageaient les chantiers et organisaient des offres de couverture

Les éléments du dossier transmis par le juge pénal (auditions, documents saisis et écoutes téléphoniques) ont révélé l'existence de « tables rondes », au cours desquelles les sociétés se répartissaient les chantiers régionaux après consultation de la programmation annuelle établie par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC). Dix des vingt premières sociétés françaises du secteur ont pris part à ces ententes.

Le principe consistait à répartir les chantiers de la région entre les entreprises locales. Chacune faisait part de ses « souhaits » et obtenait une quote-part du montant annuel des marchés passés par la DRAC.

Ce partage obéissait à un critère géographique, les entreprises privilégiant les chantiers géographiquement proches de leur lieu d'implantation afin de limiter les frais, et à un critère fondé sur l'historique de l'entreprise, chacune restant sur le monument sur lequel elle avait l'habitude de travailler. La répartition tenait aussi compte du niveau d'activité des entreprises, c'est-à-dire des chantiers déjà obtenus et des consultations futures.

Avant le dépôt des offres, des échanges d'informations avaient lieu entre les entreprises pour « mettre en musique » les ententes et garantir ainsi l'attribution des marchés telle qu'elle avait été arrêtée. Des offres de couverture étaient aussi sollicitées auprès d'entreprises extérieures à la région visant notamment à « faire nombre » et donner l'apparence d'un degré de concurrence élevé auprès du maître d'ouvrage. En « échange de ce service », ces dernières étaient à leur tour couvertes dans leur région d'intervention.

Des pratiques qui ont renchéri le prix des offres

Ces pratiques, de l'aveu de nombreux dirigeants, étaient une « tradition » dans le secteur de la restauration des monuments historiques. Les éléments recueillis attestent que les trois ententes régionales ont été mises en ?uvre pendant au moins près de cinq ans en Haute-Normandie (d'avril 1997 à février 2002), plus de quatre ans en Basse-Normandie (de décembre 1997 à février 2002) et près de quatre ans en Picardie (février 1998 à octobre 2001) avec pour conséquence d'élever artificiellement le montant des offres.

Dès le démantèlement des ententes, les prix des prestations fournies par les mêmes entreprises ont d'ailleurs fortement baissé (de plus de 20 % en moyenne).

En faussant le jeu de la concurrence sur la quasi-totalité des chantiers lancés dans ces régions , les entreprises ont affecté particulièrement les comptes publics, les maîtres d'ouvrage étant à titre principal l'État, parfois pour le compte de particuliers, et des collectivités territoriales

Les sanctions prononcées : 9 803 590 ?

Au vu de ces éléments, l'Autorité de la concurrence a prononcé des sanctions pécuniaires. Pour les déterminer, l'Autorité de la concurrence a tenu compte de la gravité des pratiques en cause, de l'importance du dommage causé à l'économie et de la situation individuelle de chaque société (notamment la durée de leur participation à l'entente). Pour trois d'entre elles (Pradeau Morin, Lanfry et Coefficient), elle a accordé une réfaction de sanction comprise entre 10 % et 20 % pour ne pas avoir contesté les griefs et avoir pris des engagements susceptibles de prévenir la mise en ?uvre de telles pratiques à l'avenir.


Une société de géométrie expertise a aussi été sanctionnée

Le bureau d'études Coefficient est par ailleurs sanctionné à hauteur de 158 400 ? pour avoir établi, entre 1998 et 2002, pour le compte de la société Lefèvre et de ses filiales, des bordereaux de prix destinés à réaliser des devis de complaisance et des offres de couverture.

Entreprises          Montant de la sanction (en euros)
M. Lefèvre                               1 034 190
Georges Lanfry                         633 000
Quélin                                           20 000
H Chevalier Nord                      685 000
Payeux Invest                               12 000
Terh Monuments historiques 503 000
Faber SA                                     900 000
Pyramide (au titre des infractions commises par Dagand à laquelle elle a succédé 80 000
Charpentier PM                         240 000
Pradeau Morin                       4 500 000
Pavy                                             157 000
Degaine                                      536 000
Nouvelle Bodin                          136 000
Pateu & Robert                          209 000
Coefficient                                  158 400

L'Autorité de la concurrence rappelle que les victimes des ententes ont le droit de demander réparation de leur préjudice

Les sanctions, qui visent à punir les auteurs d'infractions aux règles de concurrence et à les dissuader de réitérer, afin de garantir l'ordre public économique, sont recouvrées au bénéfice du Trésor public. Mais les collectivités publiques et les particuliers victimes des ententes, disposent du droit de demander par ailleurs réparation du préjudice qu'ils ont subi auprès des tribunaux compétents.

Pour accéder au détail de la décision, cliquez ici
 

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