« Notre France sera plus forte par la relance de la natalité », a asséné le chef de l'Etat, mardi lors de sa conférence de presse. Alors que la France n'a jamais enregistré des niveaux de natalité aussi bas depuis la Seconde Guerre mondiale, le président entend non seulement lancer un grand plan contre l'infertilité, mais aussi proposer un nouveau dispositif : le congé de naissance, en remplacement du congé parental. Les contours restent toutefois à définir. Si l'on se fie à l'idée de l'Elysée, elle est « de débloquer les freins économiques et sociaux au désir d'enfant ».
Un congé plus court que le congé parental
Déjà annoncé en novembre dernier par Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités, ce congé de naissance se veut un nouveau droit offert aux parents. Concrètement, il s'agit de leur permettre de réduire - voire de s'arrêter de travailler - pour s'occuper de leur enfant tout en percevant une indemnisation.
Il viendrait remplacer l'actuel congé parental. Ce dernier permet aujourd'hui à un des parents de s'arrêter jusqu'aux trois ans de l'enfant (la durée varie en fonction du nombre d'enfants dans la famille). Dans les faits, ce congé parental, créé en 1977, est très peu utilisé par les pères - moins 1% d'entre eux le prennent. Avec une indemnisation qui ne peut dépasser 429 euros mensuels, il n'encourage pas les hommes - souvent encore mieux payés que leurs compagnes - à y recourir. Reste qu'à peine 14% des femmes s'en saisissent.
Le congé de naissance - ou « congé parental nouvelle version » - pourra être pris pendant six mois. Un temps plus court pour éviter d'exclure trop longtemps les parents du marché du travail. Surtout, ce congé de naissance sera ouvert aux deux parents en même temps - à temps plein ou à temps partiel -, afin que le partage de la parentalité et des tâches domestiques soient mieux partagées, en principe.
La question du montant (et donc du coût) encore en suspens
Pour l'heure, le gouvernement refuse de préciser le montant du futur congé de naissance. Seule certitude, cette somme sera supérieure aux 429 euros mensuels du congé parental. « On ira bien au-delà », a précisé Aurore Bergé, désormais en charge de l'Egalité des femmes et des hommes et de la lutte contre les discriminations. Interrogée au lendemain de l'annonce présidentielle, elle s'est toutefois refusée à donner plus de détails.
Et pour cause, se pose la question du coût de cette mesure. Ce congé sera-t-il entièrement pris en charge par la Sécurité sociale ? En d'autres termes, le ou les parents verront-ils l'intégralité de l'indemnité journalière prise en charge par cette dernière, avec compensation intégrale de la suspension de la rémunération, soit 100% du salaire journalier de base ? De cette interrogation en découle une autre : quel sera le montant de la facture pour les finances publiques ? Et par conséquent, comment financer ce dispositif, dans un contexte budgétaire tendu, avec une dette de 3.000 milliards d'euros ?
Pour ce faire, le gouvernement va-t-il devoir se tourner vers d'autres financements ? Par exemple, les entreprises seront-elles sollicitées ?
Les employeurs peu enthousiastes, de prime abord, à cette idée
Prudents, les employeurs, eux, sont loin de se réjouir de ce nouvel outil, aux contours encore flous. Dans les petites entreprises, ils s'inquiètent de la gestion des absences, à l'heure où la guerre des talents fait rage, et où il y a déjà des pénuries de main-d'œuvre.
« Une naissance, c'est positif, mais se posera la question du remplacement, de la gestion des plannings d'absence, toujours difficile dans les petites structures », souligne François Asselin, le président de la CPME.
La question du montant alloué à ce congé est aussi une source d'angoisse. « Si demain, on vous dit que vous pouvez toucher par exemple 80% de votre salaire pendant 6 mois pour vous occuper de votre enfant, beaucoup s'arrêteront de travailler... et ce n'est pas comme ça que l'on fera tourner nos sociétés », s'agace un grand patron, au point de juger la mesure comme étant « une fausse bonne idée », allant « à l'encontre du discours sur le travail porté par le Président ».
Une politique familiale plus large
Si la question de la relance de la natalité est un sujet aussi politique qu'économique, elle ne saurait se limiter à une seule mesure, comme la mise en place d'un congé de naissance. Parmi les freins à la natalité, sont souvent évoqués l'accès aux modes de garde, le manque de place en crèche, mais aussi les inégalités de salaires, les ralentissements de carrière que subissent les femmes qui ont des enfants, et qui se répercutent sur les pensions de retraite, etc.
Pour Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, « il y a un vrai coût économique sur le fait d'avoir des enfants, un coût qui pèse de façon démesurée sur les femmes ». Un coût que les politiques ont bien du mal à saisir, et à répercuter dans les politiques publiques.. De ce point de vue, la maternité, et plus largement, la parentalité, restent un véritable angle mort dans la construction des politiques publiques de natalité.