Jeux olympiques 2024 : Paris veut vivre la nuit pour répondre aux défis logistiques

A 260 jours des Jeux olympiques, la Ville de Paris vient d’actualiser sa stratégie 2022-2026 pour assurer une logistique du dernier kilomètre la plus décarbonée et la plus silencieuse possible. L’adjoint (EELV) d’Anne Hidalgo, David Belliard, pousse à la livraison nocturne. Encore faut-il que les acteurs économiques puissent jouer le jeu. Décryptage.
Des vélos avec des remorques de l'enseigne STUART, la plateforme de livraison à la demande stationne devant un supermarché Monoprix (Photo d'illustration).
Des vélos avec des remorques de l'enseigne STUART, la plateforme de livraison à la demande stationne devant un supermarché Monoprix (Photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

La problématique ne date pas d'hier. A moins d'un an de l'ouverture des Jeux olympiques, la ville de Paris a toutefois décidé de reprendre en main le chantier de la livraison urbaine. Avec 500.000 colis et marchandises livrés chaque jour dans la capitale pour un peu plus de 2 millions d'habitants, sans compter l'ensemble des flux logistiques - chantiers, déchets, cantines -, la mairie a élaboré, dès juin 2022, une stratégie. Objectif, faire en sorte que l'acheminement jusqu'au dernier kilomètre soit le plus décarboné, le plus silencieux et le plus simple possible.

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Un triple défi que l'adjoint (EELV) d'Anne Hidalgo, David Belliard, entend relever à 260 jours de la cérémonie d'ouverture. Son idée ? Privilégier les horaires décalés, tant pour désengorger le trafic routier, qui congestionne la capitale, que pour réduire les nuisances sonores pour les riverains.

Sur le papier, cette nouvelle méthode semble idéale pour répondre aux besoins des commerces. Les commandes sont délivrées en dehors des horaires d'ouverture, les commerçants ayant leurs colis prêts à être stockés ou mis en rayon. En outre, les horaires, tôt ou tardifs, permettent de réduire le trafic de poids lourds, qui peuvent circuler sur des chaussées dégagées.

Ne pas dépasser les trois décibels en période nocturne

Sauf que cette solution représente un défi d'organisation d'ampleur. Des entrepôts, aux véhicules sans bruit, jusqu'à l'installation de sas de livraison, la Ville doit composer avec plusieurs facteurs. A commencer par le Code de la santé publique. Selon ce dernier, le bruit émanant d'une activité professionnelle ne doit pas dépasser les trois décibels en période nocturne, donc de 22 heures à 7 heures.

Le cas échéant, le professionnel s'expose à une contravention de 1.500 euros. Un seuil de tolérance jugé très strict par l'élu écologiste chargé de la transformation de l'espace public, des transports, des mobilités, du code de la rue et de la voirie.

« Ce que nous cherchons à faire, c'est de réduire les nuisances sonores, mais si les acteurs ne respectent pas les dispositions, ça ne sert à rien » rappelle David Belliard à La Tribune.

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Un cahier des charges strict pour les transporteurs

C'est la raison pour laquelle l'association Certibruit délivre un label aux entreprises depuis 2012. En accord avec leur « charte livraison de nuit respectueuse des riverains », cette certification atteste de l'utilisation de matériel silencieux, de l'aménagement de la voirie et d'aires de livraison et dispense une formation aux travailleurs. L'association a aussi mis en place une ligne d'assistance téléphonique, accessible aux riverains. Les enseignes concernées disposent d'un affichage visible sur les vitrines.

Du côté des transporteurs, le cahier des charges est strict. Les camions, semi-remorques et transpalettes doivent être certifiés Piek. En clair, leurs pics de bruit ne doivent pas excéder les 60 décibels (télévision, machine à laver, ndlr). Pour ce qui est de la motorisation, ils doivent rouler au mieux au gaz naturel. Dans les faits, cette énergie ne représente que 1,5% des poids lourds immatriculés en 2023, d'après la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR). L'adjoint d'Anne Hidalgo les érige en « enjeux de santé publique majeure ».

Pour être au rendez-vous environnemental de Paris 2024, il ne suffira pas de faire rouler des véhicules silencieux et quasi-propres. Il faudra aussi décongestionner la ville. Interrogé par France Bleu en avril 2023, l'adjoint (PS) en charge du Sport avait indiqué attendre 16 millions de touristes pendant la compétition. Un flux « d'un ou deux millions supérieurs à d'habitude », a déclaré Pierre Rabadan. Cette affluence aura des répercussions immédiates sur la concentration dans les rues et les transports.

Une expérimentation a déjà eu lieu... il y a deux ans

Une expérimentation a déjà eu lieu entre mai et septembre 2021, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Selon la mairie, le bilan est positif avec une baisse de 18% de la congestion, mais aussi une réduction de 8% des gaz à effet de serre (GES).

Reste toutefois un dernier sujet à régler : les périmètres de sécurité, qui dépendent de la préfecture de police.

« Dès que nous les connaîtrons, nous pourrons organiser les flux et ainsi remédier à une éventuelle demande supplémentaire, notamment dans les zones très visitées », confie David Belliard à La Tribune.

Ultime frein à lever : le coût des opérations. Aujourd'hui, une aide financière de 3.000 euros est disponible pour toute enseigne souhaitant s'équiper pour les livraisons en horaires décalés et silencieuses. Dès janvier 2024, cette aide sera rehaussée à 10.000 euros.

Comment surmonter l'échec de Chapelle International

En juin 2018, la maire de Paris, Anne Hidalgo, inaugurait Chapelle International. Une grande gare de fret, aux portes de la capitale, censée permettre l'acheminement des marchandises, grâce aux chemins de fer. Depuis la gare, des véhicules électriques devaient permettre la redistribution des produits dans la capitale. Mais en cinq ans, pas un train n'est passé. Les 15.000 mètres carrés de la gare restent vides.

David Belliard « ne désespère pas que Chapelle International trouve une utilité pleine ». Cette solution nocturne, proposée par la ville de Paris, a vocation à durer sur le long terme. L'objectif étant de « continuer à pérenniser et à déployer, tout en créant un maillage cohérent sur Paris et la métropole », assure encore l'adjoint d'Anne Hidalgo.

Contactée par La Tribune, la déléguée francilienne de la Fédération nationale des transporteurs routiers, Pauline Martin, affirme que « l'usage de cette solution doit être modéré. Nous le savons, le travail de nuit est pénible et générateur de maladie. Cette méthode ne doit pas être la seule réponse pour les Jeux olympiques ».

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Commentaires 4
à écrit le 10/11/2023 à 14:13
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Quel progrès ! Réduire les nuisances sonores le jour pour les avoir la nuit ....

à écrit le 10/11/2023 à 8:28
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Voilà, les gueux travailleront la nuit et ils travailleront le jour aussi...

à écrit le 10/11/2023 à 7:51
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Je pense qu'on devrait s'amuser durant ces JO !

à écrit le 09/11/2023 à 15:14
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Lorsque l'on voit comment fonctionne le métro, panneaux qui change souvent les horaires, une manière de réduire le nombre de métro mais sans le dire ! casi impossible a partir de 16h de monter dans les métros sans être serré, voir attendre le suivan...

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