Albert School : comment se différencie cette nouvelle école de commerce qui a séduit Bernard Arnault (LVMH) et Xavier Niel (Free)

Ouverte depuis la rentrée 2022, cette école souhaite former des experts du commerce ayant de solides compétences en analyse de données pour répondre aux demandes des entreprises en quête de digitalisation. Mais l’établissement disrupteur parviendra-t-il à se faire une place à côté de HEC, l’ESSEC et l’ESCP ?
Maxime Heuze
L'Albert School propose entre 5 et 9 heures de mathématiques à ses élèves de bachelor.
L'Albert School propose entre 5 et 9 heures de mathématiques à ses élèves de bachelor. (Crédits : Albert School)

La phase d'admission de Parcoursup a démarré. Depuis le 1er juin, les élèves de terminale reçoivent des propositions de la part des établissements préalablement sélectionnés. Ils peuvent ainsi les valider, ou non, via la plateforme. A l'heure des choix d'orientation, une école redouble d'efforts et de publicités sur les réseaux sociaux. Objectif affiché, attirer les nouveaux bacheliers en quête d'un établissement pour la rentrée 2023-2024. L'Albert School, qui vise à former des chefs d'entreprise, experts marketing, consultants et autres traders, n'est autre qu'une énième nouvelle école de commerce. Ses représentants se vantent toutefois de proposer un enseignement bien différent que l'ESSEC, HEC et l'Edhec.

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Leur promesse : une formation hybride entre école de commerce et d'ingénieur pour répondre aux besoins des entreprises.

Une école centrée sur les mathématiques et la data

Une proposition originale, voire étrange, à première vue. Elle a toutefois séduit le fondateur de Free Xavier Niel, le patron du géant du luxe LVMH, Bernard Arnault, et des dirigeants de startups. Les hommes d'affaires ont ainsi participé à la première levée de fonds de l'école de 8 millions d'euros, en décembre 2021. Ce premier tour de table devait permettre d'aboutir à la création d'un campus parisien dans le dixième arrondissement. Celui-ci a accueilli sa première promotion de 33 élèves en bachelor à la rentrée 2022.

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Pour la rentrée 2023, l'Albert School a décidé de passer à la vitesse supérieure. Pour ce faire, l'école de commerce a créé ses propres Master (certifiés par le ministère du Travail) pouvant accueillir un total de 200 élèves environ, répartis entre son campus parisien et son nouveau campus marseillais. Ce dernier va ouvrir ses portes à la rentrée. Il a, lui aussi, été financé par une récente levée de fonds (dont le montant n'a pas été dévoilé) soutenue par des chefs d'entreprises locaux, comme Rodolphe Saadé, patron de CMA-CGM.

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Les frais de scolarité s'élèvent à 12.000 euros par an pour un bachelor (6.000 euros pour les boursiers talents). Quant aux quatre Masters, obligatoirement en alternance, ils sont financés par les entreprises hébergeantes. Mais concrètement, comment l'Albert School se différencie-t-elle des prestigieuses écoles de commerce françaises?

« Avec le côté hybride commerce/ingénieur, notre école met beaucoup plus en avant les mathématiques et la data que les autres écoles de commerce », rétorque Grégoire Genest, fondateur et directeur de l'Albert School.

Ainsi, la moitié des cours proposés dans l'école sont des mathématiques (entre 5 et 9 heures par semaine en bachelor) et de sciences de la donnée (7 heures hebdomadaires). Le challenger des écoles de commerce propose également des cycles de 3 semaines au cours desquels « une entreprise est mise au cœur des cours », ajoute le directeur. Ainsi, pendant un temps donné, une entreprise vient donner des missions concrètes aux élèves, habituellement confiées à leurs équipes en interne. Une stratégie qui permet « d'orienter les élèves qui ne savent pas forcément ce qu'ils veulent faire en sortant du bac et qui peuvent alors découvrir de nombreux métiers et entreprises », affirme Grégoire Genest.

Une formation demandée par les entreprises

Toujours selon le fondateur de l'Albert School, si l'école a émergé l'année dernière, c'est parce qu'elle répond à une demande et à un besoin des entreprises.

« La data et l'IA sont importantes pour notre groupe et nos maisons, car ce sont des vecteurs-clé de productivité et des leviers d'amélioration, que ce soit dans la personnalisation de la relation client, dans l'efficacité des opérations et du manufacturing ou encore dans la gestion et l'optimisation des stocks », témoigne Franck Le Moal.

Directeur IT et Technologie du groupe LVMH, ce dernier estime ainsi que les managers et les équipes de demain maîtrisant ces compétences « pourront ainsi être plus efficaces que les équipes d'hier ». Même son de cloche dans les secteurs de la banque et de la finance.

« Les métiers du crédit utilisent de nouveaux outils qu'il faut apprendre à maîtriser. On a besoin de compétences en data, mathématiques et en numérique pour la fluidité des parcours clients, les algorithmes d'octroi de crédits ou encore l'analyse de risques », détaille de son côté Françoise Palle-Guillabert, déléguée générale de l'Association des sociétés financières (ASF).

Les écoles de commerce suivent le mouvement

Si l'Albert School fait office de disrupteur dans l'écosystème des écoles de commerce, ces concurrents tentent aussi de s'emparer de la question de la data. Depuis la rentrée 2022, l'Essec propose ainsi un partenariat avec l'Ecole des Mines de Nancy en Master, tout comme HEC et Polytechnique. Pour la rentrée 2023, la plus réputée des écoles de commerce de France a même annoncé un nouveau double diplôme Data Science for Business et le Master in Finance avec son école d'ingénieur partenaire, « soit une première mondiale dans le domaine de la Science des Données appliquée à la Finance », insiste l'école qui ne semble pas avoir dit son dernier mot.

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Ces grandes écoles historiques nouent aussi des partenariats avec des entreprises pour répondre au mieux aux nouveaux besoins de ces dernières et mieux adapter leurs étudiants au monde du travail.

Si les écoles de commerce commencent à prendre conscience de cette nouvelle demande, pour le directeur de l'Albert School « une formation hybride pendant seulement deux années de Master ne suffit pas pour avoir les compétences en commerce et en data demandées par les entreprises ». Preuve en est, en 2022, LVMH a lancé sa propre formation interne baptisée Data academy, dédiée à la formation de ses équipes à l'utilisation des données.

Une forte concurrence

Conscient de l'importance de la data pour les entreprises, l'Albert School affiche de grandes ambitions avec déjà une cinquantaine d'entreprises partenaires. Mais l'école commerce joue avec des acteurs bien plus gros qu'elle qui commencent à l'imiter et menacent de l'étouffer sous leurs offres.

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HEC dispose par exemple de 72 millions d'euros de fonds propres, soit presque dix fois le montant de la première levée de fonds du nouveau challenger. Un risque qui n'effraie pas Grégoire Genest. Il estime qu'« avec 600.000 étudiants qui sortent du bac chaque année, il y a de la place pour toutes les écoles ».

Si l'Albert School ne montre, en apparence, aucune inquiétude, elle fait tout de même face à des incertitudes sur son succès futur. Faute de Master jusqu'à la rentrée 2023, la jeune école n'est pas (encore) mentionnée dans les classements des grandes écoles de commerce, pourtant déterminant et quasi-unique gage de qualité pour les élèves et les entreprises.

Maxime Heuze
Commentaires 5
à écrit le 08/06/2023 à 9:36
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Parmi les 5 écoles de commerce les plus chères, on retrouve les parisiennes HEC, ESCP, et ESSEC. En moyenne, il faut compter 13 261 euros par an, ce qui fait un total d’environ 39 785 euros pour trois années d’études supérieures post-classes préparat...

le 08/06/2023 à 14:37
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Il existe une solution peu couteuse et appréciée des recruteurs les IAE devenues école de universitaire de management .

à écrit le 08/06/2023 à 7:34
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Ce n'est pas bête vu le niveau de ceux qui sortent de HEC et autres, inventer une nouvelle école afin de secouer cette léthargie oligarchique scolaire, parce que l'immobilisme s'y est répandue partout là dedans, l'effet nouveauté peut lui donner un c...

à écrit le 07/06/2023 à 17:39
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"experts du commerce " qui ne verront jamais un client physiquement de toute leur formation !!! vous pouvez bien avoir toutes les analyses possibles du data cela ne remplacera jamais un client bien réel avec ses attentes et surtout ses exigences , qu...

le 07/06/2023 à 19:36
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@ldx Bien d'accord! Et: Combien coute un cursus dans un tel établissement ? Cela doit tendre vers des sommes stratospheriques comme aux US. Réservé aux riches pour un entre soi de bon aloi.

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