Anne Hidalgo et le gouvernement : la guerre ou la paix ?

La maire de Paris Anne Hidalgo fait feu de tout bois. Elle demande une redéfinition des pouvoirs respectifs de sa ville et de l'Etat. Elle s'est aussi engagée dans une passe d'arme avec le ministre Emmanuel Macron sur la question des zones touristiques internationales (ZTI) où le travail du dimanche sera autorisé.
Jean-Christophe Chanut
Anne Hidalgo, la maire de Paris, veut redéfinir le champ de compétences de la ville, par exemple sur la question de l'ouverture dominicale des commerces.

Ne dites pas à la maire de Paris que c'est une "frondeuse". Elle n'aime pas cette expression trop politiquement connotée. Anne Hidalgo se voit plutôt comme une non alignée. Elle sort vite de ses gonds face à tel ou tel ministre quand elle estime que les intérêts des Parisiens sont remis en cause ou lorsqu'on s'attaque à ses compétences d'édile de la capitale. La maire de la première ville de France tient par dessus tout à son autonomie. Et gare à qui la contesterait ! C'est d'ailleurs pour mettre les points sur les "i" qu'elle veut revoir totalement les liens unissant l'Etat et la capitale. C'est tout l'objet de la note "confidentielle" - dont La Tribune a pris connaissance - que la maire a envoyé il y a quelques jours au couple exécutif, François Hollande et Manuel Valls.

Revoir les pouvoirs respectifs de Paris et de l'Etat

Une note où elle réclame la fin du double statut -de fait un peu suranné- de Paris, à la fois commune et département. Mais surtout, Anne Hidalgo veut être la maitresse chez elle. La maire trouve ainsi inacceptable que ce soit le préfet de police qui ait le dernier mot quand elle décide un "plan vélo" pour la ville. Tout comme elle ne supporte plus que ce soit ce même préfet qui puisse gérer le trafic automobile sur les grands axes parisiens ou réglementer les débits de boissons. Autant de compétences qui devraient revenir à Paris. Anne Hidalgo, s'apprête aussi à déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), dénonçant le fait que la loi Macron sur la croissance a maintenu le régime dérogatoire applicable à Paris pour les ouvertures du dimanche. En effet, les "dimanches des maires" qui permettent l'ouverture dominicale des commerces (12 dimanches par an depuis la loi Macron, contre cinq auparavant) s'appliquent partout... sauf à Paris où l'ouverture du dimanche relève du... Préfet.

Anne Hidalgo veut donc tout remettre à plat, via un projet de loi qui refonderait le statut de Paris. Et toujours obnubilée par son souhait d'autonomie, elle n'hésite pas à déterrer la hache de guerre quand elle considère qu'un ministre empiète sur ses responsabilités. Ainsi, Il y a déjà eu une passe d'arme assez sévère entre Anne Hidalgo et Ségolène Royal, la ministre de l'Ecologie, a propos de l'instauration de la circulation alternée à Paris lors des pics de pollution. Un sujet sur laquelle la maire n'a pas la main, la décision finale revenant au ministère de l'Ecologie

"Sur ce sujet, après bien des atermoiements, on a en partie obtenu gain de cause avec la création d'une mission interministérielle chargée de réfléchir à une prise de décision délocalisée en matière d'instauration de la circulation alternée", précise Christophe Nadjovski, adjoint chargé de l'environnement et patron d'Europe-écologie-Les Verts à Paris.

Autre, exemple, Anne Hidalgo n'a pas supporté qu'on lui force la main pour imposer la candidature de Paris aux Jeux Olympiques de 2024, même si cette quasi injonction provenait de l'Elysée. La maire n'était pas opposée au principe de postuler mais elle voulait pouvoir en décider. Paris est maintenant à fond dans la compétition

Passe d'arme musclée avec Emmanuel Macron

C'est exactement la même choses avec les fameuses "zones touristiques internationales" (ZTI), prévues par la loi Macron sur la croissance, qui vont permettre à des commerces implantés dans certains quartiers très fréquentés par les touristes étrangers de rester ouverts tous les dimanches. Anne Hidalgo, en tant que maire, voulait en toute logique participer à la délimitation de ces zones. Or, cela ne s'est pas du tout passé comme çà. Aussi, furieuse -dixit son entourage-, la maire de Paris a écrit le 4 septembre une lettre au ministre de l'Economie Emmanuel Macron pour dénoncer "son fantasme d'une ville entièrement dédiée à un tourisme consumériste". La maire exprime aussi "son profond désaccord sur les principes comme sur la méthode imposant aux acteurs locaux la définition des règles régissant leur territoire". Mais ce que reproche le plus Anne Hidalgo au ministre de l'Economie c'est d'imposer de façon déguisée "la généralisation du travail du dimanche à Paris qui va fragiliser tout ce tissu économique local". Ambiance!

D'autant plus qu'après réception de la lettre, Emmanuel Macron a fait une offre de dialogue sur la délimitation des ZTI à la maire de Paris mais en posant des conditions: "Si c'est un avis constructif, j'en tiendrais compte. Si c'est un avis de principe qui cherche à faire polémique, il m'apporte pas grand chose et je crois qu'il n'apporte pas grand-chose aux Parisiens."... Ambiance décidément.

Le moins que l'on puisse dire est qu'Anne Hidalgo n'a pas apprécié les conditions posées par le ministre. Elle a donc décidé de ne pas rencontrer Emmanuel Macron.

"On a plus aucun raison de rencontrer Emmanuel Macron, indique le cabinet de la maire, il n'y aurait politiquement que des coups à prendre. Nos partenaires du PCF et d'Europe-Ecologie-Les Verts, membres de la majorité qui dirige Paris, pourraient croire que l'on commence à faire des concessions. Le dialogue avec Macron aurait dû avoir lieu il y a des mois. Or, toutes les discussions se sont arrêtées lorsque Manuel Valls a décidé de recourir au 49-3 pour faire voter la loi Macron. C'est la loi qui a décidé de fixer par décret la définition des ZTI et c'est un arrêté qui fixera les zones. dès lors, pour nous il y a vraiment une question de méthode.L'indicateur principal aurait du être l'importance du chiffre d'affaires réalisé en détaxe. Trouvez vous normal que le centre commercial "Italie 2", située place d'Italie, dans le treizième arrondissement, soit classé en ZTI, alors qu'il fait moins de 1% de son chiffre d'affaires en détaxe. Nous voulions aussi évoquer les contreparties en termes d'emplois et nous réclamons une évaluation régulière du dispositif".

Emmanuel Grégoire, adjoint d'Anne Hidalgo, en charge des ressources humaines et Premier secrétaire de la section PS de Paris, va même plus loin: "La Mairie de Paris qui connait bien son territoire aurait du avoir la main. C'est délibérément que Bercy a décidé de porter le nombre des ZTI de quatre à douze, sans nous en informer".

Sans parler du fait que, sentant le coup venir, Anne Hidalgo, dès la fin 2014, avait constitué une mission d'information et d'évaluation (MIE) sur le travail du dimanche. Ses conclusions étaient claires: il convenait d'agir prudemment, notamment pour ne pas nuire aux tissu local des petits commerces déjà ouverts le dimanche et qui auront du mal à survivre à l'ouverture des grandes enseignes. "Les services d'Emmanuel Macron n'ont même pas lu les conclusions de cette enquête", regrette Christophe Nadjovski.

Dans l'entourage d'Emmanuel Macron, on dément tout passage en force. "Sur les ZTI, pendant un mois, nous avons écouté les commerçants, les syndicats professionnels. nous n'avons jamais eu de propositions de la la Mairie. Et comme Anne Hidalgo n'a  pas répondu favorablement à l'invitation d'Emmanuel Macron, nous nous sommes alors concertés avec les mairies des arrondissements concernés par les ZTI. La carte des zone retenues sera connue à la toute fin septembre"... Çà va être chaud.

L'effondrement des aides à la pierre accordées par l'Etat

La question budgétaire est aussi très sensible dans les relations entre l'Etat et la capitale. Comme toute les collectivités locales, Paris est mise à la diète concernant les dotations de l'Etat. "Avec la baisse de la dotation, nous allons perdre annuellement 200 millions d'euros entre 2015 et 2017, précise Mathias Vicherat, directeur de cabinet d'Anne Hidalgo. Mais on marche sur la tête car, déjà, il n'y a plus de dotation au Département de Paris, ce qui est inconstitutionnel. En outre la dotation pour la ville est en baisse alors que le taux de pauvreté à Paris atteint 17%, contre 13% pour la moyenne nationale."

Le logement est aussi un sujet critique, via l'effondrement des aides à la pierre. En 2011, sous le gouvernement Fillon, Paris avait obtenu 100 millions d'euros de crédits de l'Etat pour financer 6.500 logements sociaux. En 2015, sous un gouvernement "de gauche", la ville ne dispose plus que de 60 millions d'aides pour... 7.500 logements sociaux.

Bref, les sujets de mécontentement s'accumulent entre l'Etat et sa capitale. Mais, tout l'entourage d'Anne Hidalgo le jure la main sur le cœur : la maire ne mène pas de croisade contre le gouvernement Valls. Elle n'est pas dans une démarche d'opposition pour prendre date, après 2017, au cas où...

"Elle est juste fidèle à ses engagements envers les Parisiens, indique l'un de ses très proches. Elle n'est pas en guerre contre le gouvernement mais elle est pugnace. En outre, nous sommes très fiers d'avoir une majorité plurielle à la tête de la ville, c'est une spécificité dont elle sait tenir compte."

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 4
à écrit le 23/09/2015 à 15:43
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Attention : le double statut commune/département est peut-être suranné, mais fusionner la commune et le département de Paris pour créer une collectivité territoriale à statut particulier, c'est le meilleur moyen de rendre impossible la fusion des dép...

à écrit le 23/09/2015 à 10:52
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Anne Hidalgo a raison, Paris compte actuellement des arrondissements disparates en surface et en densité. Un rééquilibrage serait le bienvenu pour une meilleure harmonisation. La création des arrondissements date de 1795 avec 12 arrondissements et mo...

le 23/09/2015 à 12:57
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Certes, il y a des disparités dans Paris, mais Est-ce si important Paris n'existe qu'avec la banlieue, comme capitale Or, on assiste a un entre soi de bobos nantis. Je Comprends Mme Hidalgo, elle soigne son électorat, mais, les parisiens ont déjà t...

à écrit le 22/09/2015 à 22:39
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Certes. C'est grave.

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