
[Article publié le 20.02.2023 à 14:15, mis à jour à 15:07 avec visite à Rungis]
Comment tourner rapidement la page d'une réforme des retraites qui est vécue comme sévère par une majorité de Français ? Comment adoucir la pilule et passer à autre chose ? Le gouvernement cherche la parade.
Alors que ses adversaires - syndicats en tête - lui reprochent de ne pas avoir suffisamment parlé des conditions d'emploi à l'occasion de la réforme des retraites, Emmanuel Macron a prévu un déplacement demain matin, mardi 21 février, à Rungis. Attendu sur le plus grand marché au monde de produits frais, le président souhaite mettre un coup de projecteur sur la valeur Travail, un des piliers du macronisme.
« Alors qu'on nous reproche de faire une réforme des retraites avec des mesures très salées, pour les travailleurs, il faut mettre du sucré quelque part, et vite. Ce projet de loi aura cet objectif », confie un ministre. Ouvrir une nouvelle séquence, plus positive, autour des conditions de travail, du « travailler mieux ». Avec l'espoir de calmer la grogne des Français.
Aussi, Renaissance, le parti macroniste, est-il chargé de plancher sur des propositions qui visent à adoucir la copie. Il devait les présenter ce lundi, en présence de ceux qui aujourd'hui incarnent la réforme des retraites : Élisabeth Borne, à Matignon, Olivier Dussopt, au Travail, et Bruno Le Maire, à l'Économie.
Des mesures autour du partage de la valeur
« Un des principaux volets de cette loi se fera autour de la question du partage de la valeur, parce que c'est une des promesses du président pendant sa campagne », poursuit encore ce ministre.
Avec une inflation qui promet d'être encore élevée ces prochains mois, la question des salaires et des rémunérations est la première préoccupation des Français.
Elle peut vite devenir une nouvelle source de conflit social, quand, dans le même temps, le CAC 40 atteint des sommets et que les bénéfices de la plupart des grandes entreprises sont historiques.
Reste que, en matière de partage de la valeur, syndicats et patronat ont toutefois réussi à trouver un accord, il y a dix jours, sur ce sujet, après des mois de négociation. Aussi les partenaires sociaux veillent-ils au grain.
Au point que Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, demande au gouvernement de reprendre en l'état les termes de leur compromis :
« Tout détricotage de cet accord sera vécu comme un coup de poignard dans le dos. »
Les partenaires sociaux sont unanimes pour rejeter tout dispositif de dividende salarié obligatoire, comme le souhaite Emmanuel Macron. À leurs yeux, il s'agit d'un concept marketing, ils croient bien plus à la possibilité qu'ils ont actée d'élargir la participation aux plus petites entreprises.
Autre concept, un brin marketing aussi selon eux, mais que le gouvernement souhaite porter dans sa future loi : la semaine de quatre jours... des 35 ou 36 heures en quatre jours. L'exécutif a lancé des expérimentations en région.
Des mesures pour les seniors
Conscient que l'emploi des seniors fait partie des sujets les plus irritants de la réforme des retraites pour l'opinion, le gouvernement tient absolument à ouvrir un débat sur ce sujet. Avec, là encore, des propositions dans sa loi, pour mieux encourager le cumul emploi retraite, mais aussi généraliser le compte épargne temps universel, sorte de « banque du temps », inspirée de la CFDT, qu'un salarié pourrait actionner tout au long de sa vie, et notamment en fin de carrière.
Matignon souhaiterait aussi inscrire des sanctions pour les entreprises qui licencient, probablement en augmentant les indemnités des ruptures conventionnelles pour les salariés les plus âgés quand ces dernières sont à l'initiative des employeurs.
Et pour les femmes, une réflexion autour du service de la petite enfance
Du côté de la carrière des femmes, aussi, le gouvernement cherche à faire quelques gestes. Au moins pour la forme, étant donné qu'il n'a pas prévu d'amender son texte de réforme des retraites, notamment sur l'effort demandé aux femmes qui ont travaillé, tout en ayant des enfants (et qui, avec le recul de l'âge, voient leurs bonifications pour trimestres amoindries).
Sous l'impulsion du Modem, il réfléchit donc à une revalorisation (financière) de la pension des mères (probablement celles qui ont eu au moins 3 enfants), et dont les pensions sont basses.
Un chantier sur la mise en place d'un meilleur service de la petite enfance, pour les aider à mieux articuler vie personnelle et vie professionnelle, sera aussi lancé.
Calendrier serré
Ce projet de loi devrait être proposé dans la foulée du débat sur la réforme des retraites, pour une adoption cet été. Il devrait être porté par Olivier Dussopt, le ministre du Travail.
Le risque de ce texte étant toutefois d'apparaître comme une liste très opportuniste de mesures qui ne changeront pas la situation des salariés dans les entreprises avant de longues années.
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