C'est un petit coup de tonnerre que vient de provoquer le gouvernement chez les partenaires sociaux. Matignon a choisi de ne pas agréer la convention d'assurance chômage que certains syndicats ( CFDT, CFTC, FO ) et le patronat (Medef, CPME, U2P). Et ont eu tant de mal à négocier cet automne. Du jamais vu depuis des années. En effet, l'exécutif estime ne pas avoir suffisamment de garanties concernant l'indemnisation des seniors, pour ratifier cet accord, tout juste conclu le 15 novembre.
L'emploi des seniors dans le viseur du gouvernement
Bruno Le Maire la semaine dernière sur France Info avait donné le « la ». Avant de s'envoler pour la Nouvelle Calédonie, le ministre de l'Economie avait lancé qu'il ne voyait pas pourquoi les seniors avaient une durée d'indemnisation différente du reste de la population. Les seniors sont en effet indemnisés plus longtemps que les autres demandeurs d'emploi. Les mots du locataire de Bercy avaient fait grincer dans le landerneau social. Mais, peu pensaient que c'était bien plus qu'un ballon d'essai, comme les politiques ont coutume d'en lancer.
C'était une façon de mettre la pression sur les partenaires sociaux. Et pour cause, ce lundi matin, plusieurs représentants syndicaux ont reçu un appel du gouvernement leur expliquant que le compromis trouvé lors de la dernière négociation sociale sur l'assurance chômage ne serait pas agréé en l'état.
La surprise des partenaires sociaux
Le gouvernement assure qu'il veut être sûr que des économies vont bel et bien être réalisées du côté de l'indemnité des demandeurs d'emplois de plus de 55 ans. Il faut dire que cette question spécifique des seniors a été renvoyée à une autre négociation (autrement dit : une négociation dans la négociation) qui doit s'ouvrir prochainement. N'ayant pas de garanties « en dur » que les partenaires sociaux vont bien négocier sur ce sujet et tenir parole, l'exécutif leur met donc une épée de Damoclès au-dessus de la tête. En effet, le gouvernement envisage de prendre un décret de droiture, pouvant couvrir jusqu'à 6 mois - c'est à dire jusqu'à juin prochain- pour qu'ils négocient sur l'emploi des seniors.
Les partenaires sociaux ont pourtant d'ores et déjà prévu dans la future convention de de réaliser 440 millions d'euros d'économie à l'Unedic sur l'emploi des seniors. « Le chiffrage nous semble crédible, l'intention nous convient, mais nous souhaitons que ce quantum comme la méthode ait des certitudes », assure Matignon. Il est vrai que l'accord n'est pas très explicite sur l'application de la réforme des retraites sur les règles d'indemnisation des demandeurs d'emplois les plus âgés. Autrement dit, les mesures concrètes pour y parvenir ne sont pas clairement inscrites dans l'accord. D'où cette analyse du gouvernement, « on attend de voir que le compte y sera bien. »
Les partenaires sociaux partagés
Reste que cette décision de mettre un sursis sur l'agrément de la convention met d'ores et déjà en émoi certains partenaires sociaux. Contactés par la Tribune plusieurs leaders syndicaux, - CGT et FO notamment - se disent choqués par cette décision. Pour eux, c'est un énième manque de respect du dialogue social par l'exécutif. « C'est un coup de canif dans le contrat de confiance que nous pouvions avoir », assure Michel Beaugas, de Force ouvrière. La CFDT ou le patronat se montrent plus nuancés. Ils préfèrent regarder le verre à moitié plein. « Ils auraient pu aussi ne pas agréer du tout, comme le veulent certains au sein du gouvernement », plaide une source patronale. « C'est entendable », plaide encore la centrale de Belleville.
« Qu'ils ne fassent pas semblant de mal comprendre, c'est au contraire une marque de confiance », assure, de son côté, une source gouvernementale. Et d'ajouter : « Nous avons fixé un cadrage. Nous ne pouvons pas valider un accord conditionnel. L'accord sera respecté dès lors que les syndicats auront mené la négociation sur laquelle ils se sont engagés ».
Fébrilité face aux agences de notation ?
Beaucoup voient aussi dans ce choix, une fébrilité extrême du gouvernement à l'égard des agences de notation. L'agence Standard & Poor's doit rendre sa note de la dette de la France ce vendredi 1er décembre. L'exécutif veut montrer qu'il peut encore réformer, et notamment trouver des économies du côté de l'Assurance chômage.
Surtout à un moment où le taux de chômage remonte, et où l'économie se contracte. Contrairement aux réformes du régime des intermittents, ou d'une réforme des retraites, susceptibles de créer des tensions sociales, et de mettre des Français dans la rue, le gouvernement sait que modifier les règles d'indemnisation des demandeurs d'emploi ne suscite aucune mobilisation dans l'opinion publique.
Or, l'exécutif tient à son objectif de plein emploi d'ici la fin du quinquennat. Matignon a d'ailleurs lancé une réflexion sur le sujet. Parmi les pistes étudiées, figure la possibilité de revoir les modalités de la rupture conventionnelle comme l'a révélé la Tribune Dimanche. Elisabeth Borne réunira ses ministres début décembre pour réfléchir à de nouvelles options de réformes en la matière.
En attendant, ce sont donc les règles en vigueur de l'Assurance chômage qui devraient se prolonger au -delà du 1er janvier et courir jusqu'au 1er juin 2024. A moins que les partenaires sociaux ne se mettent d'accord avant....