
La CGT aura été la plus forte. Certes, l'organisation de Sophie Binet a d'ores et déjà prévenu qu'elle ne signerait pas l'accord trouvé dans la nuit de vendredi à samedi, mais elle aura pesé de tout son poids sur la négociation. Notamment sur l'épineux dossier des Annexes 8 et 10 de la convention assurance chômage qui régit les intermittents du spectacle. En effet, ces derniers ont réussi à ne pas voir leurs conditions d'indemnisations durcies pour la prochaine convention de l'Unedic qui entrera en vigueur en janvier prochain.
Près d'un milliard d'euros de dépenses par an
Chaque année, les 130.000 intermittents du spectacle occasionnent un déficit à l'Unedic - en vitesse de croisière - de près de 950 millions d'euros. D'après les textes, les intermittents doivent toutefois négocier de leur côté pour les annexes 8 et 10, afin que le résultat de cet échange soit intégré dans la négociation interprofessionnelle de droit commun.
Reste que cette négociation entre les organisations syndicales du secteur (dominée par une CGT très forte) et les organisations patronales (dont le Syndeac, qui compte de nombreux employeurs subventionnés par la puissance publique) est restée lettre morte. Ne serait-ce que parce que leur point d'atterrissage consistait à rajouter 20 millions de dépenses sans faire d'économie par ailleurs. « Il nous était impossible de reprendre en l'état ce résultat », explique un représentant patronal qui participe à la négociation de droit commun.
Dans leur projet d'accord au niveau global, patronat et syndicats ont donc choisi de maintenir, pour les intermittents, les règles de la précédente convention. Soit le statu quo. « Nous ne voulions pas prendre le risque de voir le monde culturel descendre dans la rue. Et l'Etat nous avait fait passer le message qu'il ne souhaitait pas de remous non plus de ce côté », confie une source syndicale.
Les seniors et les cadres sacrifiés...
Pour le reste des salariés, en revanche, la potion est bien plus amère. En effet, avec la réforme des retraites qui repousse l'âge de départ dans le privé de 62 à 64 ans, les seniors au chômage verront leurs droits décaler de 55 ans à 57 ans. Autant dire un véritable serrage de vis.
Certes, une concertation spécifique sur les séniors est prévue, mais d'ores et déjà l'économie attendue sur les chômeurs les plus âgés s'élève à 440 millions d'euros pour la période de 2024 à 2027.
Idem pour les cadres qui voient leur dégressivité des allocations chômage maintenue. La CFE-CGC a eu beau monter au créneau sur ce sujet, rien n'y a fait. Elle est d'ailleurs sortie de la négociation en claquant la porte, assurant qu'elle ne signerait pas le texte en raison de ce point de litige.
Des modifications pour l'ensemble des inscrits
Les syndicats ont toutefois obtenu une petite amélioration pour les nouveaux inscrits : avoir travaillé au moins cinq mois et non six, au cours des 24 derniers mois. Les syndicats demandaient initialement un retour à quatre mois. La durée d'indemnisation minimale a été fixée à cinq mois. Ce changement profitera surtout aux primo-inscrits, notamment les jeunes et les saisonniers.
Mais, dans le même temps, l'allocation aux demandeurs d'emploi versée sera identique chaque mois, sur la base de 30 jours. Sur une année complète, les chômeurs perdront donc cinq jours d'indemnisation, et même six les années bissextiles, comme en 2024. Selon les calculs du patronat ce changement de calcul va rapporter 950 millions d'euros sur 4 ans à l'Unedic.
Les créateurs d'entreprise encore inscrits au chômage sont aussi dans le viseur. Les négociateurs ont décidé de traquer les effets d'aubaine. ce qui doit rapporter 870 millions d'euros.
Les autres gagnants : les patrons
Quant aux employeurs, ils ont obtenu une légère baisse des cotisations. C'était leur cible de guerre. Leur cotisation passera de 4,05 % à 4% du salaire brut, via la suppression d'une contribution exceptionnelle qui avait été mise en place en 2017. Soit une perte pour le régime de 1,5 milliard d'euros sur 4 ans.
Enfin, les employeurs ont obtenu une restriction du bonus-malus, système de cotisations modulé en fonction de la durée des contrats. Le texte restreint le type de fin de contrat soumis à ce dispositif à ceux déjà existant et ne prend en compte que les fins de contrat d'une durée inférieure à un mois. Une victoire pour le patronat, vent debout contre ce bonus-malus depuis sa création. Il a donc réussi à en atténuer la portée.
Un accord en attente de validation
Au total, l'accord prévoit plus de 2,2 milliards d'euros d'économies. Il doit encore être ratifié cette semaine par les organisations. La CFDT, la CFTC signeront. FO aussi, probablement, car le syndicat assure « que les lignes rouges sont tombées ». La centrale de Fréderic Souillot dit, toutefois, attendre la décision de son bureau confédéral lundi. La CGT et la CFE-CGC, elles, refuseront de cautionner cet accord.
Enfin, la délégation patronale unie apposera aussi son paraphe.
Reste à voir, si le gouvernement estimera que ce projet de convention est conforme à ses attentes. L'exécutif tient en effet à valider que ce texte soit bonne et due forme avec la lettre de cadrage qu'il a envoyée aux partenaires sociaux avant la négociation.