Les effets de la pandémie sur l'économie tricolore ne cessent de s'amplifier. Près d'un an après l'arrivée du virus sur le territoire européen, les entreprises et les salariés peinent à sortir de la torpeur. Selon un récente étude menée par les économistes de COE-Rexecode dévoilée ce mercredi 3 mars, la compétitivité française poursuit sa longue descente aux enfers.
"La principale inquiétude est sur le front des biens en France. Nos voisins européens ont stabilisé leurs parts de marché à l'export en 2020, alors que nous subissons une perte massive. Une des raisons possible aurait été une perte de compétitivité-prix mais la France a plus réduit ses prix que ses voisins ces dernières années. La structure de spécialisation de la France (aéronautique, luxe) pourrait aussi être un facteur d'explication.
En vérité, la France est en perte de vitesse sur la plupart des produits. Il n'y pas d'effet de destination export non plus. Enfin, les contraintes sanitaires n'ont pas été plus importantes qu'en Espagne ou en Italie" a expliqué l'économiste de COE-Rexecode Emmanuel Jessua interrogé par La Tribune.
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Un déficit record de la balance commerciale
Sans surprise, la propagation du virus sur l'ensemble de la planète a provoqué un coup d'arrêt sur les échanges commerciaux tout autour du globe. Cette déflagration a provoqué de nombreux courts-circuits en raison notamment de la fermeture des frontières, des ports, des portes conteneurs à l'arrêt, des pénuries dans les grandes puissance industrielles. La France a été frappée de plein fouet avec un déficit commercial record sur les biens de 7 milliards d'euros en 2020 pour atteindre 65 milliards d'euros au total.
Dans le même temps, la balance des services a fondu pour passer de 13,5 milliards à 8 milliards d'euros. Il s'agit du niveau le plus bas enregistré par la France selon les économistes. Au total, la balance des biens et des services a plongé l'année dernière de 25 milliards pour atteindre 54,7 milliards d'euros. "En particulier le déficit de la balance des biens s'est creusé de 0,9 point de PIB, pour atteindre -2,8% du PIB en 2020 soit son niveau le plus bas depuis 2011" explique l'institut dans son étude. Au total, le poids en valeur des exportations françaises dans le commerce mondial a donc encore baissé passant de 3,1% en 2019 à 2,8% en 2020, soit son plus bas niveau historique.
Des pertes de parts de marché abyssales
L'économie hexagonale a perdu des parts de marché importantes à l'export. Selon les chiffres communiqués par Rexecode, la part de la France dans les exportations de biens et services de la zone euro a chuté de 1 point entre 2019 et 2020 pour passer de 14,5% à 13,5%, soit son plus bas niveau depuis 20 ans. "Cette baisse représente pour la France une perte d'exportations de 46 milliards d'euros" expliquent les auteurs de l'étude. Chez nos voisins européens du Sud, la baisse est moins spectaculaire (-0,8 point en Espagne et -0,4 point en Italie) alors que la pandémie a fait vaciller des pans entiers de leur économie. En Allemagne, le gain est de 0,5 point. Outre-Rhin, l'industrie, qui a traversé de violentes difficultés avant la crise dans l'automobile notamment, a profité du redémarrage économique de la Chine en 2020. "Au total, sur l'ensemble des biens et services, les données des comptes nationaux indiquent que les exportations françaises de biens et services en valeur ont chuté de 19,3% en 2020, contre -13,2% pour l'ensemble de la zone euro" explique Rexecode.
"Cette crise est peut-être un révélateur des fragilités structurelles de la France à l'export. Pourtant, la France avait commencé à stabiliser ses parts de marché depuis 2017. 2020 sonne comme un signal d'alerte : la compétitivité doit rester un point de vigilance" ajoute Emmanuel Jessua.
Une longue désindustrialisation
La pandémie a jeté une lumière crue sur l'extrême dépendance de la France aux pays étrangers et asiatiques notamment pour les aspirateurs, les tests, les médicaments ou encore les masques. La pénurie de Doliprane au printemps 2020 est à cet égard particulièrement criante.
L'économie française a ainsi subi une très longue désindustrialisation depuis des décennies et cette pandémie pourrait encore accélérer ce mouvement inéluctable dans la plupart des économies développées. Si le gouvernement met l'accent dans son plan de relance sur la relocalisation de produits critiques sur le territoire, cette orientation ne change en rien sa volonté de poursuivre sa politique économique en faveur de l'offre. Bruno Le Maire a ainsi assuré que la baisse de 20 milliards d'euros des impôts de production allait se poursuivre au moins jusqu'en 2022.
A l'échelle européenne, la crise pourrait aggraver les déséquilibres macroéconomiques. En effet, l'Allemagne, qui affiche un surplus commercial depuis environ 20 ans en raison notamment d'une compression de la demande interne, pourrait prendre le large au milieu d'une Europe fragmentée.
Le plan de relance présenté en septembre dernier pourrait permettre à quelques secteurs de retrouver des couleurs mais pour l'instant la principale boussole demeure l'évolution de l'épidémie et les avancées de la campagne de vaccination.
"Le plan de relance par le biais des impôts de production va dans le bon sens. Même si ces baisses peuvent paraître insuffisantes, cela reste un effort important. L'équation budgétaire est compliquée pour trouver des marges de baisses supplémentaires" a conclu l'économiste.