Avec la pandémie, la compétitivité française dégringole

Les indicateurs de compétitivité de la France ont nettement reculé en 2020 par rapport à ses voisins européens, selon un bilan annuel publié par l'institut Rexecode.
Grégoire Normand
Il est trop pour dire si la rechute des indicateurs de compétitivité français, interrompue de 2017 à 2019, sera temporaire ou présage d'un retour à une tendance négative, conclut Rexecode.
Il est trop pour dire si la rechute des indicateurs de compétitivité français, interrompue de 2017 à 2019, "sera temporaire ou présage d'un retour à une tendance négative", conclut Rexecode. (Crédits : Reuters)

Les effets de la pandémie sur l'économie tricolore ne cessent de s'amplifier. Près d'un an après l'arrivée du virus sur le territoire européen, les entreprises et les salariés peinent à sortir de la torpeur. Selon un récente étude menée par les économistes de COE-Rexecode dévoilée ce mercredi 3 mars, la compétitivité française poursuit sa longue descente aux enfers.

"La principale inquiétude est sur le front des biens en France. Nos voisins européens ont stabilisé leurs parts de marché à l'export en 2020, alors que nous subissons une perte massive. Une des raisons possible aurait été une perte de compétitivité-prix mais la France a plus réduit ses prix que ses voisins ces dernières années. La structure de spécialisation de la France (aéronautique, luxe) pourrait aussi être un facteur d'explication.

En vérité, la France est en perte de vitesse sur la plupart des produits. Il n'y pas d'effet de destination export non plus. Enfin, les contraintes sanitaires n'ont pas été plus importantes qu'en Espagne ou en Italie" a expliqué l'économiste de COE-Rexecode Emmanuel Jessua interrogé par La Tribune.

> Lire aussi : Le commerce extérieur enregistre son pire déficit depuis 2012

Un déficit record de la balance commerciale

Sans surprise, la propagation du virus sur l'ensemble de la planète a provoqué un coup d'arrêt sur les échanges commerciaux tout autour du globe. Cette déflagration a provoqué de nombreux courts-circuits en raison notamment de la fermeture des frontières, des ports, des portes conteneurs à l'arrêt, des pénuries dans les grandes puissance industrielles. La France a été frappée de plein fouet avec un déficit commercial record sur les biens de 7 milliards d'euros en 2020 pour atteindre 65 milliards d'euros au total.

Dans le même temps, la balance des services a fondu pour passer de 13,5 milliards à 8 milliards d'euros. Il s'agit du niveau le plus bas enregistré par la France selon les économistes. Au total, la balance des biens et des services a plongé l'année dernière de 25 milliards pour atteindre 54,7 milliards d'euros. "En particulier le déficit de la balance des biens s'est creusé de 0,9 point de PIB, pour atteindre -2,8% du PIB en 2020 soit son niveau le plus bas depuis 2011" explique l'institut dans son étude. Au total, le poids en valeur des exportations françaises dans le commerce mondial a donc encore baissé passant de 3,1% en 2019 à 2,8% en 2020, soit son plus bas niveau historique.

Des pertes de parts de marché abyssales

L'économie hexagonale a perdu des parts de marché importantes à l'export. Selon les chiffres communiqués par Rexecode, la part de la France dans les exportations de biens et services de la zone euro a chuté de 1 point entre 2019 et 2020 pour passer de 14,5% à 13,5%, soit son plus bas niveau depuis 20 ans. "Cette baisse représente pour la France une perte d'exportations de 46 milliards d'euros" expliquent les auteurs de l'étude. Chez nos voisins européens du Sud, la baisse est moins spectaculaire (-0,8 point en Espagne et -0,4 point en Italie) alors que la pandémie a fait vaciller des pans entiers de leur économie. En Allemagne, le gain est de 0,5 point. Outre-Rhin, l'industrie, qui a traversé de violentes difficultés avant la crise dans l'automobile notamment, a profité du redémarrage économique de la Chine en 2020. "Au total, sur l'ensemble des biens et services, les données des comptes nationaux indiquent que les exportations françaises de biens et services en valeur ont chuté de 19,3% en 2020, contre -13,2% pour l'ensemble de la zone euro" explique Rexecode.

"Cette crise est peut-être un révélateur des fragilités structurelles de la France à l'export. Pourtant, la France avait commencé à stabiliser ses parts de marché depuis 2017. 2020 sonne comme un signal d'alerte : la compétitivité doit rester un point de vigilance" ajoute Emmanuel Jessua.

Une longue désindustrialisation

La pandémie a jeté une lumière crue sur l'extrême dépendance de la France aux pays étrangers et asiatiques notamment pour les aspirateurs, les tests, les médicaments ou encore les masques. La pénurie de Doliprane au printemps 2020 est à cet égard particulièrement criante.

L'économie française a ainsi subi une très longue désindustrialisation depuis des décennies et cette pandémie pourrait encore accélérer ce mouvement inéluctable dans la plupart des économies développées. Si le gouvernement met l'accent dans son plan de relance sur la relocalisation de produits critiques sur le territoire, cette orientation ne change en rien sa volonté de poursuivre sa politique économique en faveur de l'offre. Bruno Le Maire a ainsi assuré que la baisse de 20 milliards d'euros des impôts de production allait se poursuivre au moins jusqu'en 2022.

A l'échelle européenne, la crise pourrait aggraver les déséquilibres macroéconomiques. En effet, l'Allemagne, qui affiche un surplus commercial depuis environ 20 ans en raison notamment d'une compression de la demande interne, pourrait prendre le large au milieu d'une Europe fragmentée.

Le plan de relance présenté en septembre dernier pourrait permettre à quelques secteurs de retrouver des couleurs mais pour l'instant la principale boussole demeure l'évolution de l'épidémie et les avancées de la campagne de vaccination.

"Le plan de relance par le biais des impôts de production va dans le bon sens. Même si ces baisses peuvent paraître insuffisantes, cela reste un effort important. L'équation budgétaire est compliquée pour trouver des marges de baisses supplémentaires" a conclu l'économiste.

Grégoire Normand
Commentaires 16
à écrit le 14/03/2021 à 19:43
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C'est dans les moments de crise grave que l'on reconnaît la résilience des populations mais aussi celle Etats-Nations. Alors que le monde entier est frappé par la pandémie depuis 2020, pourquoi la France a-t-elle perdu plus de parts de marché à l'int...

à écrit le 04/03/2021 à 10:23
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le problème de la France est en fait qu'elle est trop compétitive : le pays le plus équilibré/vertueux (investissement public/privé, entrepreneuriat, compétences/R&D, environnement, défense, fécondité/garde d'enfants, hausse des salaires réels/financ...

à écrit le 03/03/2021 à 20:18
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Voilà les résultats ordinaires de la politique de Macron de lrem, une France clouée au sol. Qui d 'autre est responsable de la situation sinon celui qui a passé trois années à faire du blabla dans les médias courtisans et grippant le ...

le 04/03/2021 à 8:56
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3 ou 4 ans n’est pas significatif en économie sauf pour donner éventuellement une ligne politique directrice. Le gouvernement actuel est fasciné par les startup ce qui est bien, mais ne suffit pas pour un petit pays comme le notre pour bousculer notr...

le 04/03/2021 à 9:37
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J'ajoute qu'il sévissait déjà en économie, étant ami avec le précedent "président".

le 04/03/2021 à 19:44
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Mais , il a consulté les stats du commerce extérieur avt de pondre son article, ce journaliste ??!! Sachant que le ppal secteur exportateur, l'aéronautique a chuté de près de 50%, que les exports auto ont baissé de 20%, que le solde des services tou...

à écrit le 03/03/2021 à 20:05
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La France est n’a pas la même place dans l’ordre mondial que l’Allemagne ou l’Angleterre par conséquent il est normal que la France n’a pas la même compétitivité sauf pour les produits mondialement connus qui font sa renommée.

à écrit le 03/03/2021 à 19:49
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Pour réindustrialiser la FR, il faut un plan, et un haut commissaire au plan et à l'attractivité à temps plein, et Ministre d'Etat second du gouvernement. Certainement pas ce politique politicien pervers ignorant et indifférent, mais un profil d...

à écrit le 03/03/2021 à 19:42
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Trop de salarié(e)s inutiles, mal formés (et souvent au management) qui sont des intermédiaires sans technicité et bardés de diplômes qui grippent la machine économique, entretenue par certaines officines (politiques) qui souhaitent que cela continue...

à écrit le 03/03/2021 à 18:41
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La France depuis le Général de Gaulle a misé sur la grande industrie au détriment de la moyenne. En France beaucoup de PME PMI et ETI dépendent de ces fameux grandes groupes . Autre point la France produit en moyenne gamme, le plus bel exemple l’auto...

le 03/03/2021 à 21:31
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Les grands groupes comme vous dites sont ceux qui en France ont dévasté les PMU..

à écrit le 03/03/2021 à 17:54
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on espere que la france arrivera en productivite au niveau ou elle est au pisa ( a long terme ca risque d'etre co integre econometriquement) au pays de la glandouille et du nivvellement par le bas pour tous...

à écrit le 03/03/2021 à 17:25
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le nombre d'entreprises industrielles grimpe en France, alors que le déclin est marqué chez Allemagne/Italie/pologne notamment (Eurostat). heureux comme un patron allemand en France, pouvait-on lire dans la presse française il y a quelques mois (su...

le 03/03/2021 à 17:42
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"la bonne fécondité favorise aujourd'hui l'Hexagone" Presque : Le taux de fécondité a baissé à 1,84 enfant par femme en France en 2020, contre 1,86 en 2019. Le nombre de bébés nés dans l'année, autour de 740.000, est au plus bas depuis la fin d...

à écrit le 03/03/2021 à 16:32
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c'est largement dû à l'aéronautique. et puis ces dernières années, la France est bien plus dynamique que les autres pays (forte création d'entreprises, croissance importante du nombre d'entreprises manufacturières, investissement public/privé dynam...

à écrit le 03/03/2021 à 16:25
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Performance incroyable. C'est difficile de réussir les plus mauvaises variations quand on est déjà les plus mauvais (nous) parmi les plus mauvais (les européens), mais la France est très ambitieuse dans son déclassement et elle veut aller vite. Le ...

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