Le prix du fret maritime s'enflamme et menace la reprise en Europe

Depuis près d'un an, le prix du fret maritime s'envole. La pénurie de conteneurs liée à la crise sanitaire a provoqué une flambée du coût du transport. Selon Euler Hermes, le prix des importations en provenance de Chine devrait croître de +6% d’ici fin avril 2021 pour les entreprises européennes, et de +2% d’ici fin juillet pour les entreprises américaines.
Grégoire Normand
Le Freightos Baltic Index, un indice qui mesure le prix du transport par conteneurs a presque quadruplé en trois mois pour la route de la Chine vers l'Europe, passant de 2.119 dollars le 1er novembre à 7.827 dollars la semaine dernière.
Le Freightos Baltic Index, un indice qui mesure le prix du transport par conteneurs a presque quadruplé en trois mois pour la route de la Chine vers l'Europe, passant de 2.119 dollars le 1er novembre à 7.827 dollars la semaine dernière. (Crédits : Reuters)

La pandémie continue de faire disjoncter les circuits du commerce mondial. Selon une récente étude du spécialiste de l'assurance-crédit Euler Hermes, le prix du fret maritime en provenance de Chine pour les firmes européennes pourrait flamber de 6% d'ici la fin du mois d'avril en Europe. Du côté des Etats-Unis, cette hausse serait plus contenue (+2%). Depuis maintenant plusieurs mois, de nombreux industriels et économistes tirent la sonnette d'alarme sur ces risques. Certains sites freinent leur production en raison des pénuries de conteneurs.

La pénurie de conteneurs fait flamber les prix

Le marché du fret maritime est actuellement sous haute tension. En effet, de nombreux porte-conteneurs et conteneurs sont actuellement bloqués dans les ports en raison notamment de la mise en oeuvre des restrictions sanitaires. Résultat, il n'y a actuellement pas assez de caissons en Chine pour assurer les livraisons vers le reste du monde. Ce qui fait flamber les prix du fret à l'échelle du globe. Le Freightos Baltic Index, un indice qui mesure le prix du transport par conteneurs a presque quadruplé en trois mois pour la route de la Chine vers l'Europe, passant de 2.119 dollars le 1er novembre à 7.827 dollars la semaine dernière. Du côté du cabinet de conseil Drewry, l'indice mondial du conteneur s'est envolé ces derniers mois. "Le prix du fret maritime entre l'Europe et l'Asie a pratiquement quadruplé et celui entre les Etats-Unis et l'Asie a doublé ces derniers mois" explique Françoise Huang, économiste Asie chez Euler Hermes interrogée par La Tribune.

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drewry indice du fret maritime

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Les mesures sanitaires plus strictes à l'intérieur des ports, des centres logistiques ou encore des dépôts de stockage de conteneurs vides, à l'œuvre dès les débuts de la pandémie de Covid-19, ajoutent toujours leurs grains de sable à chaque étape de la chaîne logistique pour créer in fine de véritables goulets d'étranglement.

"La pénurie peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Les reprises économiques dans les grandes régions du monde ont eu lieu à des moments différents. La consommation en Europe et aux Etats-Unis a repris pendant la seconde partie de l'année, soutenant les importations en provenance d'Asie et Chine, où la production a rebondi plus tôt et plus vite. A partir du second semestre, il y a eu une reprise des flux de containers d'Asie vers l'Amérique du Nord et l'Europe mais les conteneurs ont mis du temps à revenir en Asie. La pénurie était tellement importante que certains conteneurs revenaient à vide" a ajouté Françoise Huang. Cette situation de pénurie pourrait continuer pendant encore quelques mois. Certaines enquêtes menées auprès des transporteurs montrent qu'ils s'attendent à un impact d'au moins trois mois. De notre côté, nous prévoyons des répercussions sur les prix au moins jusqu'à l'été."

Un risque sur l'inflation ?

L'augmentation du coût du transport a d'abord un impact sur les marges des entreprises. Si les firmes de transports tirent leur épingle du jeu, les autres pourraient rogner sur leurs marges. "L'activité a repris en Chine plus vite, ce qui a provoqué des déséquilibres. L'appréciation du Yuan a eu des répercussions sur le prix des importations des partenaires commerciaux. Nous prévoyons une hausse de 6% en glissement annuel. d'ici pour les entreprises européennes et de 2% d'ici juillet aux Etats-Unis. Cette hausse du coût de transport devrait d'abord avoir un impact sur les marges des entreprises. Les entreprises de fret ont vu leurs marges augmenter. En revanche, les entreprises importatrices en zone euro pourraient voir leurs marges baisser entre -4,5 et -7 points de pourcentage et aux Etats-Unis entre -2 et -4 points de pourcentage selon les scénarios de transmission sur les prix consommateur. Cela dépend du choc subi par les ménages pendant la crise" a-t-elle indiqué. Il est encore difficile à ce stade de faire des paris sur l'évolution des prix à la consommation. "A court terme, c'est d'abord un choc sur les marges des entreprises. A moyen terme, la pandémie a accéléré la place de la Chine dans l'économie mondiale. Son centre de gravité s'est rapidement déplacé vers l'Asie. Compte tenu du poids économique grandissant de la Chine, cela pourrait avoir un impact sur l'inflation mais il est encore difficile à ce stade de faire des scénarios. Il pourrait y avoir plus de volatilité sur certains produits comme les semi-conducteurs." Plusieurs industriels dans l'automobile souffrent actuellement de graves pénuries de composants et puces électroniques.

> Lire aussi : Automobile : cinq questions pour comprendre la crise des semi-conducteurs

L'Allemagne et la France exposées

En Europe, les entreprises allemandes dépendantes de la Chine pourraient accuser de lourdes pertes de l'ordre de 36 milliards d'euros au cours du premier semestre 2021. Du côté de la France, les entreprises importatrices devraient également voir leurs marges fondre avec un manque à gagner estimé à 23 milliards d'euros au cours des six premiers mois de l'année. "Cette pénurie, couplée à d'autres facteurs (réorganisation des chaines de valeur, interruptions de la production, renforcement des restrictions sanitaires), a pour conséquence de rallonger les temps de livraison. Nous estimons que ce rallongement des temps de livraison pourrait coûter -1,2 point de croissance au PIB de la zone euro en 2021, et -0,7 point de croissance au PIB des USA", ajoute Ana Boata, directrice des recherches macroéconomiques d'Euler Hermes.

Interrogé il y a une semaine par La Tribune, le ministre délégué en charge du commerce extérieur, Franck Riester, assure avoir échangé à plusieurs reprises avec les transporteurs maritimes comme CMA-CGM. "Malgré la baisse des échanges de volumes mondiaux, il y a eu un renchérissement des coûts en lien notamment avec les mesures sanitaires [...] Les pénuries de conteneurs ont contribué à augmenter les coûts. Il faut une meilleure appréhension des mesures de transport. Pour les armateurs, il y a un enjeu pour stabiliser le coût du transport maritime. Les contraintes sanitaires ont eu un impact. Les entreprises travaillent actuellement sur un réajustement de leurs capacités" a-t-il précisé.

> Lire aussi : Le commerce extérieur enregistre son pire déficit depuis 2012

La Chine fait la course en tête

La propagation du virus sur l'ensemble des continents depuis plus d'un an a fortement secoué les chaînes de valeur mondiales. L'extrême dépendance des pays occidentaux à la Chine et aux pays asiatiques pour les produits critiques notamment a jeté une lumière crue sur les limites de l'hyper-mondialisation commerciale poussée à l'extrême. Certains observateurs estiment que cette crise pourrait rebattre les cartes du commerce planétaire dans les années à venir si l'Europe et les Etats parviennent à relocaliser une partie de la production de certains produits. Il reste que l'ambition hégémonique de la Chine par le biais des Nouvelles routes de la Soie demeure une priorité sans cesse réaffirmée par les autorités du Parti communiste. Sur l'échiquier du commerce mondial, le géant chinois qui a signé récemment un traité de libre-échange (RCEP) avec ses voisins asiatiques fait largement la course en tête depuis le milieu des années 2000.

"Malgré la pandémie, la Chine comme localisation de production et les fournisseurs chinois continueront de jouer un rôle important dans les chaînes de valeur mondiales, d'après de récentes enquêtes. Certains phénomènes de régionalisation pourraient avoir lieu mais sur des segments limités à court terme [...] L'économie chinoise a redémarré plus tôt. Cela lui permet de se projeter plus rapidement dans l'après-covid. La signature de ce traité de libre-échange envoie un signal fort sur la position de la Chine sur le multilatéralisme. L'impact sur les droits de douane est plus lissé dans le temps. Le RCEP est le premier accord multilatéral que signe la Chine" a rappelé l'économiste.

Grégoire Normand
Commentaires 13
à écrit le 14/02/2021 à 15:01
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Bonne nouvelle pour la planète , moins bonne pour les squatters des aérodromes .

à écrit le 14/02/2021 à 11:19
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Un retour brutal de l'inflation à venir.

à écrit le 13/02/2021 à 20:32
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C'est pas plus mal car les Chinois ont démontrés que les variants du Covid se propageaient par les marchandises.

à écrit le 13/02/2021 à 17:40
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Et bien, il n'y aura pas de reprise, et ça ne sera pas un drame

à écrit le 13/02/2021 à 12:23
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Il faudrait peut être apprendre que le monde de demain sera différent et que le mot "reprise" est un mot du passé!

à écrit le 13/02/2021 à 9:40
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Souhaitons que cela contribue à la demondialisation.

à écrit le 13/02/2021 à 9:36
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"le prix des importations en provenance de Chine devrait croître de +6% d’ici fin avril 2021 pour les entreprises européennes, et de +2% d’ici fin juillet pour les entreprises américaines" C'est une excellente nouvelle et si l'augmentation est mo...

à écrit le 13/02/2021 à 0:22
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Il est grand temps que les firmes européennes et leurs actionnaires te localisent en Europe ... finalement t c est une bonne nouvelle car le consommateur ne suivra pas les hausses de prix dues au transport maritime ...

le 13/02/2021 à 7:30
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@Brehat. Helas, non, vous placez une trop grande estime dans vos correligionnaires. Ils continueront coute que coute a consommer. Pour bcp, consommer, c'est comme respirer.. une necessite. Cordialement

à écrit le 12/02/2021 à 18:53
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C'est une mauvaise nouvelle pour ceux qui vivent de l'exploitation de main d'oeuvre sous payée à l'autre bout du monde uniquement

à écrit le 12/02/2021 à 18:29
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Que l'UE fabrique sa camelote..

le 13/02/2021 à 9:37
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Et que nous reduisions notre consommation, ça reglera le probleme des containeurs. la decroissance approche a grands pas. Maitrisons la plutot que de la subire.

le 14/02/2021 à 13:29
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et aussi que l'UE n'exporte plus rien vers l'extérieur, c'est symétrique, on achète de la camelote pas cher et exporte notre belle camelote de luxe voire prestige si ce n'est de qualité, appréciée par les habitants de la planète. On envoyait nos "dé...

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