Après une journée marathon, la Première ministre Elisabeth Borne est venue conclure la conférence sociale en annonçant une salve de propositions aux contours encore flous. « Il s'agit de la première étape de construction de solutions », a-t-elle déclaré devant un parterre de ministres, d'organisations patronales et syndicats réunis dans l'hémicycle du Palais d'Iéna à Paris ce lundi 16 octobre en fin de journée. Dans une ambiance pesante marqué par l'assassinat tragique d'un professeur de français dans un lycée d'Arras vendredi dernier, le gouvernement voulait montrer une ouverture de dialogue avec les organisations paritaires.
Pression sur les branches qui pratiquent des rémunérations en deça du SMIC
Elisabeth Borne a donné jusqu'au premier juin aux branches professionnelles ayant des minima salariaux situés sous le Smic pour faire des « progrès significatifs », menaçant sinon de passer par une « loi ». Etant donné que le Smic augmente plus vite (avec l'inflation, sur laquelle il est indexé) que le reste des salaires, certains minima de branches sont rattrapés, générant un « tassement » des salaires, dénoncé par les syndicats.
Le ministère du Travail recevra à cet égard « prochainement » toutes les branches ayant des minima en dessous du Smic pour qu'elles s'expliquent sur leur retard et « nous ferons connaître la liste de ces branches dans les prochaines semaines », a indiqué la Première ministre en clôturant la conférence sociale. Si aucun progrès significatif n'est mis en avant, le gouvernement menace de couper dans les exonérations de cotisations pour les branches qui affichent des minima inférieurs au salaire minimum.
La question des exonérations de cotisation loin d'être tranchée
Les entreprises bénéficient d'exonérations de cotisations sociales dont l'efficacité est souvent remise en cause. « Nous devons veiller sans cesse à l'efficacité de nos dispositifs, et vérifier qu'ils n'aient pas d'effets pervers, notamment l'enfermement dans des bas salaires ou le manque d'incitation à la reprise d'activité » a expliqué Elisabeth Borne dans son discours. Sur ce dossier explosif, la plupart des syndicats ont réclamé « un conditionnement des exonérations et des aides en fonction d'objectifs ».
Pour le patron du syndicat des cadres (CFE-CGC), François Hommeril « les exonérations coûtent très cher et ont un impact limité sur l'emploi. C'est environ 80 milliards d'euros par an. Il faut trouver une disposition technique sur les trappes à bas salaires ». Il propose notamment que les exonérations « soient ciblées en fonction d'objectifs sur la transition climatique ou l'emploi des jeunes ». De son côté, Elisabeth Borne a annoncé vouloir confier une mission à un groupe d'experts pour « analyser les interactions entre exonérations, salaires et prime d'activité ». Elle devra associer les partenaires sociaux et les forces politiques. Elle devra rendre ses conclusions « dans six mois ».
Un haut conseil des rémunérations
Sans surprise, la cheffe du gouvernement a confirmé la mise en place d'un conseil pour les rémunérations déjà annoncé dans les colonnes de La Tribune du dimanche. II s'agira « d'un lieu d'échanges, de travail et de propositions », a-t-elle précisé. Il pourrait « permettre de réviser les classifications des grilles de salaires, de travailler sur les sujets de productivité ou les mécanismes de partage de la valeur ». Les missions de ce haut conseil « pourront être inscrites dans la loi », a-t-elle ajouté. Dans les semaines à venir, les organisations syndicales et patronales seront sollicitées pour en déterminer « les contours et le fonctionnement ».
Un nouvel index sur l'égalité professionnelle
Parmi les autres annonces évoquées par la Première ministre Elisabeth Borne figure la construction d'un nouvel index pour l'égalité professionnelle. « Malgré les mesures prises depuis 2017, les inégalités entre les hommes et les femmes demeurent », a-t-elle informé. « Mixité des métiers, accès aux postes à responsabilité... nous devons agir sur tous les leviers », selon la cheffe du gouvernement. Critiqué par un grand nombre de syndicats, l'index pour l'égalité professionnelle devrait être profondément réformé. « L'index est perfectible. Le nouveau doit être plus ambitieux, plus transparent et doit permettre de mieux contrôler son application », a expliqué Elisabeth Borne. Elle a fixé « un délai de 18 mois » pour présenter ce nouvel outil. Pour rappel, le droit européen prévoit la transposition d'un index sur l'égalité professionnelle dans le droit français à partir de 2026.
« L'objectif n'est pas seulement d'avoir une bonne note », a souligné Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT. Plusieurs travaux d'économistes ont montré que malgré des notes en progression, les inégalités salariales entre les hommes et les femmes demeurent criantes. Une grande partie des salariés du secteur privé ne sont pas couverts par cet index avait souligné une étude de l'institut des politiques publiques (IPP) commandé par la CFDT au printemps.
Après les retraites, la défiance des Français au plus haut
Après un premier semestre marqué par la réforme explosive des retraites, la défiance des Français à l'égard du gouvernement est au plus haut. L'exécutif espère gagner du terrain sur le front social mais l'opinion publique reste méfiante. Depuis l'éclatement de la guerre en Ukraine, l'inflation a atteint des niveaux inédits depuis les années 70. L'indice des prix à la consommation dans l'alimentaire ou l'énergie a grimpé en flèche mettant sous pression les plus bas salaires.
L'inflation a certes commencé à ralentir depuis plusieurs mois mais demeure bien supérieure à la période pré-Covid. La situation géopolitique explosive au Moyen-Orient risque de maintenir les prix de l'énergie fossile sous pression pendant encore de longs mois. En parallèle, la politique monétaire restrictive de la Banque centrale européenne BCE) pourrait avoir des répercussions délétères sur l'activité en France bien au-dela de 2023 compte tenu des délais de transmission des effets de la hausse des taux sur l'économie. Dans ce contexte, la concrétisation de ces annonces devrait être scrutée de près par les Français et les syndicats.