La revalorisation des « bas salaires » au menu de la conférence sociale ce lundi

La Première ministre, Elisabeth Borne, réunit ce lundi les partenaires sociaux pour parler « salaires » et « déroulement des carrières » notamment, dans un contexte d'inflation persistante et de divergences avec les syndicats, encore marqués par l'adoption au forceps de la réforme des retraites. La cheffe du gouvernement doit annoncer la mise en place d'un « Haut conseil des rémunérations ».
La conférence sociale se tient trois jours après une manifestation pour défendre le pouvoir d'achat, qui a rassemblé quelque 200.000 personnes en France.
La conférence sociale se tient trois jours après une manifestation pour défendre le pouvoir d'achat, qui a rassemblé quelque 200.000 personnes en France. (Crédits : SARAH MEYSSONNIER)

[Article publié le lundi 16 octobre 2023 à 07h27 et mis à jour à 14h35] La question de la revalorisation des bas salaires figure au menu de la conférence sociale qui se tient ce lundi. Pour l'OCDE comme pour l'Insee, un bas salaire se définit comme étant inférieur aux deux tiers du salaire médian (autant de Français gagnent plus, autant gagnent moins). Près d'un salarié sur dix est concerné.

Lire aussiLa conférence sociale sur les bas salaires acte les difficultés à négocier des hausses collectives dans les entreprises

Autour de la cheffe du gouvernement, Elisabeth Borne, et de six ministres, sept organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC, Solidaires et Unsa) sont présentes, ainsi que six patronales (Medef, U2P, CPME, FNSEA, Fesac et Udes) pour ce grand raout qui se déroule toute la journée au Conseil économique, social et environnemental (Cese) à Paris.

Les syndicats sceptiques à la mi-journée

« Nous nous retrouvons aujourd'hui avec la volonté que le travail paye mieux et de relancer la promotion sociale », a souligné lors de son discours d'ouverture la Première ministre. Mais « c'est la négociation qui amènera la révision des grilles de classifications » et « qui fera évoluer les salaires minimums des branches qui sont encore en dessous du Smic », a-t-elle précisé. Néanmoins « bien sûr, l'Etat prendra toute sa part ».

Les syndicats se sont félicités lundi de parler « enfin » des salaires avec le gouvernement et le patronat dans le cadre de la conférence sociale. Ils se sont toutefois montrés sceptiques à la mi-journée après l'intervention du ministre de l'Economie appelant à ne pas « aggraver » les déficits publics.

« Alors que l'inflation rend les fins de mois plus difficiles pour beaucoup, le pouvoir d'achat (...) est la préoccupation numéro un des Français », a martelé à la tribune la secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon, au Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Quelques heures plus tard, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a toutefois mis en exergue « trois impasses ». Il a cité « l'indexation des salaires sur l'inflation », qu'il faut « éviter » si on veut avoir un taux d'emploi toujours plus élevé, et un coup de pouce au Smic, qui pourrait « menacer l'emploi des plus fragiles et des moins qualifiés ». Il a aussi rappelé qu'en « économie de marché, l'Etat ne fixe pas les salaires, l'Etat ne fixe pas les prix ».

Mise en place d'un « Haut conseil des rémunérations »

Sur la question du maintien ou non des allègements de cotisations sociales, le ministre a jugé qu'il ne fallait « pas aggraver la charge pour les finances publiques - c'est déjà 70 milliards d'euros - » tout en souhaitant « une dynamique salariale qui doit être notre objectif collectif et garantir le plein emploi ». « Ca sert à rien de nous faire venir pour une journée de conférence sociale consacrée aux salaires si on ne parle pas de salaires », a jugé Sophie Binet, interrogée par la presse après cette première matinée.

« J'ai des doutes sur le fait qu'on puisse traiter les choses quand on a des visions » basées sur des « statistiques, tableurs Excel et courbes », a abondé Marylise Léon. Pour François Hommeril (CFE-CGC) : « Bruno le Maire est très fort, il a refermé toutes les portes. Il dit que tout ce qui amène à ce résultat déplorable d'augmentation de la pauvreté, on ne le remet pas en question ! Ca n'a pas de sens », s'est-il agacé.

Lors de cette conférence sociale, dont la dernière en 2014 s'était tenue dans un contexte de hausse du chômage, la Première ministre doit annoncer officiellement la mise en place d'un « Haut conseil des rémunérations ». Il aura pour vocation de « travailler sur l'ensemble des composantes du salaire et des rémunérations », sur la manière par exemple dont « on outille mieux les branches pour faire évoluer leurs classifications », a détaillé Matignon. Il ne sera pas un « régulateur du dialogue social » comme l'est déjà le Haut conseil du dialogue social, et pourrait compter parmi ses membres des représentants des organisations syndicales et patronales, des administrations statistiques, et des personnalités qualifiées.

Des entreprises sanctionnées ?

Autre sujet attendu par l'ensemble des syndicats et sur lequel la Première ministre pourrait avancer : la « conditionnalité des aides publiques aux entreprises ». Le principe consiste à maintenir des exonérations de cotisations, à condition que la branche n'ait pas de minima en dessous du Smic. Une mesure qui concernerait 60 grilles sur 171. Les syndicats estiment, en outre, que les allègements de charge agissent comme une « trappe à bas salaires », puisque plus les salaires sont proches du Smic, plus les exonérations sont fortes.

Le patronat est cependant hostile à cette idée. « Sanctionner une entreprise qui serait à jour en matière de salaire, au motif que sa branche ne le serait pas, est juridiquement impossible », pointe le Medef. L'Etat consacre 10 milliards d'euros à la prime d'activité (qui complète le revenu des travailleurs modestes, afin d'encourager la reprise d'activité, ndlr) et 70 milliards d'euros aux allègements généraux de charges. « C'est un effort considérable, mais il faut aussi s'interroger sur les impacts de ces dispositifs sur l'évolution des rémunérations », a souligné Elisabeth Borne.

« L'urgence vitale aujourd'hui, c'est la paye ! » (FO)

La conférence sociale se tient trois jours après une manifestation en demi-teinte pour défendre le pouvoir d'achat, qui a rassemblé quelque 200.000 personnes en France.

« La colère est extrêmement forte et le gouvernement doit répondre aux aspirations des travailleurs », plaide Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, interrogée avant le défilé. « Nous ne voulons pas de 'blabla' ou des annonces qui font 'pschitt'. On attend du concret », prévient-elle.

« La Première ministre nous a dit qu'il y aurait des annonces, on la prend au mot », espère la cheffe du premier syndicat, la CFDT, Marylise Léon. « L'urgence vitale aujourd'hui, c'est la paye ! », insiste de son côté Frédéric Souillot (FO), promettant de « parler salaires de l'entrée jusqu'au dessert ».

Pour l'économiste Eric Heyer, directeur du département Analyses et prévisions de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), interrogé par l'AFP, « les salaires doivent progresser plus vite que les prix pendant des années », mais pas brutalement au risque de nourrir l'inflation.

A l'occasion de cette conférence sociale, le gouvernement souhaite aussi renouer avec les syndicats après les six mois de contestation de la réforme des retraites, finalement adoptée par 49.3. « C'est un moment de dialogue avec les organisations syndicales et patronales », a plaidé Elisabeth Borne, assurant qu'il y a « une volonté commune de renforcer la démocratie sociale ».

La question de l'égalité professionnelle intégrée

L'exécutif a ainsi donné des gages aux syndicats qui faisaient pression en intégrant, à la dernière minute, la question de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. A temps de travail égal, les femmes gagnent en moyenne 14,8% de moins que les hommes dans le secteur privé, selon l'Insee. Mais la différence peut excéder 25% si l'on tient compte du nombre d'heures travaillées. De fait, plus d'un quart des femmes sont employées à temps partiel, contre 7,5% des hommes, selon le ministère du Travail.

Lire aussiRetraites : les pensions complémentaires des ex-salariés du privé (Agirc-Arrco) revalorisées de 4,9%

Ombre au tableau, la conférence se tient sur fond de profond désaccord entre les partenaires sociaux et le gouvernement sur les régimes des retraites complémentaires du privé (Agirc-Arrco) et de l'assurance-chômage (Unedic). L'Etat veut les ponctionner pour combler le déficit du régime général des retraites ou abonder France Travail, le nouveau service public de l'emploi. Ces transferts sont une « ligne rouge » pour la patronne de la CGT Sophie Binet. Elles augurent « la fin de la lune de miel » avec le gouvernement, selon le Medef. « Il n'a jamais été question de les ponctionner », se défend la cheffe du gouvernement, relevant toutefois que des économies sont réalisées dans les régimes complémentaires grâce à la réforme des retraites.

 (Avec AFP)

Commentaires 23
à écrit le 16/10/2023 à 14:03
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Enfumage comme la Convention citoyenne sur le climat ! Les dix familles les plus riches de France (Arnault, Hermès, Bettencourt, Wertheimer, Pinault, Dassault, Mulliez, Omidyar, Castel, Drahi), ont accru leur fortune personnelles de 20% pendant le co...

le 16/10/2023 à 14:28
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même si ils avaient envie de faire un don à leur compatriotes je ne vois pas à qui il devraient donner l'argent: à tous, inclus ceux qui ne font rien pour le mériter? à ceux qui sont démunis d'envie de travailler? à l'état qui le distribuera à ses c...

le 16/10/2023 à 20:03
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Une entreprise n'a pas à faire de don à l'économie réelle. L'économie réelle n'attend rien de la philanthropie, mais compte sur une correction de l'injustice fiscale entre le Capital et le Travail.

le 16/10/2023 à 23:07
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En France, le privé est plus enclin à financer le rachat d'actions ou l'achat de tas de parpaings que de financer des projets de recherche scientifique par définition très incertains... On pourrait ajouter qu'en France, un scientifique qui se respect...

à écrit le 16/10/2023 à 13:43
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Comme ce gouvernement reste autiste (ou complice?) aux problèmes de fond, je vais lui rafraichir la mémoire par un exemple US daté (2014) sur les mécanismes pervers qu'il nourrit (lui-aussi) en France (source d'un macroéconomiste et financier franco-...

à écrit le 16/10/2023 à 12:34
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En France le gouvernement n'a rien d'autre à faire que se mêler des affaires des partenaires sociaux? Y-a-t-il besoin d'un Haut conseil des rémunérations? Encore des jetons pour les copains? On dirait que le gouvernement croit que rien ne puisse fo...

le 17/10/2023 à 9:05
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Pourquoi? Parce que la Main Invisible marche avec des gens un minimum civilisés et pas des gens pétris de culture viscéralement anti-libérale (féodalisme plus ou moins mafieux / corporatisme / théocratie...) et la France coche pratiquement toutes les...

à écrit le 16/10/2023 à 12:33
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En France le gouvernement n'a rien d'autre à faire que se mêler des affaires des partenaires sociaux? Y-a-t-il besoin d'un Haut conseil des rémunérations? Encore des jetons pour les copains? On dirait que le gouvernement croit que rien ne puisse fo...

à écrit le 16/10/2023 à 11:53
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remonter les salaires minimum ne sera bon pour personne si il n'y a pas une revalorisation générale des salaires et une réflexion globale sur les charges et les salaires net . Aller bosser pour se faire voler entre 40 à 60% de son salaire je ne voi...

à écrit le 16/10/2023 à 10:40
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Oh, revoilà le gouvernement tirant à hue et à dia avec son lexique de la "novlanque": Haut Conseil des rémunérations. Wahou, ça fait pro'🥳 Alors que l'année 2021 fut marquée par les perturbations sur les chaînes de valeur, les grandes entreprises mon...

à écrit le 16/10/2023 à 9:40
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encore un haut comite theodule pour placer des copains! les bas salaires vont augmenter de toute facon, rattrapes par l'inflation et la smicardisation de la france qui va en decouler! remarquez, c'est le but de la manoeuvre, ca reduit les inegalites ...

le 16/10/2023 à 14:14
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C'est là le paradoxe des dérèglementation dans les années 80, plus on dérèglemente, plus on a de smicards à l'arrivée... Mais il n'y a pas de mystère, ces dérèglementations est en fait du clientélisme au profit de gros planqués à la retraite ou tout ...

à écrit le 16/10/2023 à 9:07
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Le smic est calé sur l’inflation, le problème des bas salaires c’est donc les salaires se situant entre le smic +20% et le salaire médian. A titre d’exemple j’ai claqué la porte de la fonction publique, parce qu’étant rentré au salaire median au débu...

à écrit le 16/10/2023 à 9:01
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Et pour mettre la poussière sous le tapis, on crée encore un haut bidule qui va coûter un pognon de dingue !

à écrit le 16/10/2023 à 8:55
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A la sncf- ce n est pas la seule du secteur public ou du secteur privé - la grille débute bien en dessous du smic actuel obligeant l’opérateur à verser «  une prime différentielle » pour être dans la légalité .cette ville est bloquée depuis 1999… ...

à écrit le 16/10/2023 à 8:55
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A la sncf- ce n est pas la seule du secteur public ou du secteur privé - la grille débute bien en dessous du smic actuel obligeant l’opérateur à verser «  une prime différentielle » pour être dans la légalité .cette ville est bloquée depuis 1999… ...

à écrit le 16/10/2023 à 8:46
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Les bas salaires c’est bien mais les autres? Bientôt tous rattraper par les bas salaires! Dans le public aussi. L état devrait balayer devant sa porte … les grilles ont 25 ans jamais réactualisées certaines commencent sous le smic: éducation na...

à écrit le 16/10/2023 à 8:45
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Les bas salaires c’est bien mais les autres? Bientôt tous rattraper par les bas salaires! Dans le public aussi. L état devrait balayer devant sa porte … les grilles ont 25 ans jamais réactualisées certaines commencent sous le smic: éducation na...

à écrit le 16/10/2023 à 8:44
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Les bas salaires c’est bien mais les autres? Bientôt tous rattraper par les bas salaires! Dans le public aussi. L état devrait balayer devant sa porte … les grilles ont 25 ans jamais réactualisées certaines commence sous le smic: éducation nati...

à écrit le 16/10/2023 à 8:28
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A quoi sert le SMIC sinon à SMICardiser une bonne (pardon!) partie des travailleurs? Une cache-misère?

le 16/10/2023 à 12:12
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Le Smic vise à responsabiliser les employeurs car dire "le Smic est trop élevé!" revient à dire implicitement "le social ne rémunère pas suffisamment le travail à ma place!".

le 16/10/2023 à 12:29
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@o. Très joliment formulé, alors que la valeur Travail tend à disparaître.

à écrit le 16/10/2023 à 8:07
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"encore marqués par l'adoption au forceps de la réforme des retraites" En effet et ça a laissé des traces, je ne pensais pas que macron se ferait autant huer et siffler au stade de France, tellement qu'ils ont du bidouiller les images et bien évidemm...

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