La grande banque suisse UBS est dans le collimateur de la justice française. Dans quelques semaines, les juges vont devoir se prononcer sur le pourvoi en cassation de l'établissement contre sa condamnation pour blanchiment aggravé de fraude fiscale et démarchage bancaire illégal. Le mastodonte de la gestion de fortune a été reconnu coupable par la Cour d'appel de Paris en 2021 de démarchage illégal de riches contribuables français, afin de rapatrier leurs comptes en Suisse. La banque risque d'écoper d'une amende colossale de 1,8 milliard d'euros. Un record dans l'Hexagone.
À l'approche de ce verdict très attendu, Bercy veut montrer qu'il sort les muscles sur la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Réunis au ministère de l'Economie, ce mardi 10 octobre, une trentaine d'experts nationaux et internationaux reconnus ont été consultés par le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave. Parmi les personnalités présentes figurent Pascal Saint-Amans, ancien monsieur impôt à l'OCDE, Gabriel Zucman, président de l'Observatoire européen de la fiscalité, mais aussi la présidente de la fondation IFRAP, Agnès Verdier-Molinié.
« L'objectif est de lancer le conseil national d'évaluation des fraudes. Nous avons décidé de faire de la lutte contre la fraude une priorité », a déclaré le ministre lors d'un point presse.
Cinq mois après la présentation des mesures anti-fraude par son prédécesseur, Gabriel Attal, le nouveau ministre des Comptes publics entend dérouler cette feuille de route au pas de charge. A l'époque, le plan avait pourtant soulevé des doutes chez les spécialistes de la fraude fiscale interrogés par La Tribune.
Un arsenal législatif renforcé
Les textes budgétaires présentés fin septembre comportent un arsenal législatif renforcé. Bercy a prévu de déployer des moyens sur les contrôles (impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés). Parmi les outils évoqués, figure la possibilité pour les agents de fisc de traquer les fraudeurs grâce à des enquêtes en ligne « sous pseudonyme ».
« On doit pouvoir garantir que toutes celles et ceux qui doivent s'acquitter de l'impôt l'acquittent véritablement. Et que celles et ceux qui bénéficient d'aides sociales en bénéficient à bon escient », a-t-il justifié.
Le projet de loi de finances va également créer « un régime de sanctions pour les aides aux entreprises », a poursuivi le locataire de Bercy. S'agissant de la fraude sociale, le ministère des Finances compte mettre l'accent sur la fraude à l'assurance-maladie. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit également « la création d'un délit de fraude sociale » avec une intention portée sur « les indemnités journalières » et « les travailleurs de plateforme ». Du point de vue de la méthode, Bercy devrait également renforcer « les contrôles aléatoires ».
Une fraude difficile à chiffrer
Le montant des fraudes fiscales et sociales fait l'objet d'âpres débats en France. « Il est très difficile d'avoir un chiffre qui permet de montrer l'ampleur de la fraude », a pointé Thomas Cazenave. « Nous avons besoin d'y voir plus clair sur la réalité de la fraude », a-t-il ajouté « pour pouvoir se fixer des objectifs précis ».
Interrogé par La Tribune sur le montant que pourrait rapporter ce renforcement de la lutte contre la fraude, le ministre a botté en touche. « C'est la question que je me pose justement. Aujourd'hui, il est difficile d'avoir des objectifs sans un montant précis de fraude », a-t-il expliqué.
Au cours du premier quinquennat Macron, plusieurs règles ont permis d'assouplir le régime des contrôles fiscaux, comme le droit à l'erreur. L'exécutif avait également permis de régler les litiges par des transactions ou des accords entre le contribuable ou l'entreprise mis en cause et l'administration fiscale. Des règles largement contestées par les syndicats à Bercy et des élus d'opposition. La semaine dernière, les élus de la Nupes ont tenu un colloque sur l'évasion fiscale à l'Assemblée nationale en espérant que certaines propositions seront retenues à l'occasion des discussions budgétaires de l'automne.
Dans un communiqué publié à l'occasion de la sortie de cette ultime partie du rapport Tracfin pour 2022, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave « saluent l'action » de l'organisme, qui a signalé l'an dernier « plus de 2,1 milliards d'euros d'enjeux financiers, dont près de 1,5 milliard en matière de fraude fiscale, sociale ou douanière ».1,5 milliard d'euros récupéré par Tracfin