
Le gouvernement veut durcir sa lutte contre les fraudes aux finances publiques au cours du quinquennat. Un mois après la présentation de l'arsenal de mesures destinées à réduire la fraude fiscale, le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, a détaillé le second volet de ce plan de bataille contre les fraudes sociales, dans un entretien accordé au Parisien.
« Il faut agir, car la fraude sociale, comme la fraude fiscale, est une forme d'impôt caché sur les Français qui travaillent », a déclaré le ministre dans les colonnes du quotidien francilien.
Maintes fois reportée, la présentation de cette panoplie de mesures s'inscrit dans le cadre de la stratégie de redressement des comptes publics de l'Etat après les années de « quoi qu'il en coûte ». Et Bercy entend bien mettre en avant cette offensive. Gabriel Attal doit accorder deux entretiens à des médias audiovisuels mercredi 31 mai après la matinale de BFMTV ce mardi matin. Derrière cette vaste opération de communication, l'exécutif veut montrer qu'il veut durcir le ton face « aux fraudeurs ».
Des chiffres vertigineux
Le gouvernement a expliqué que la fraude sociale représentait 6 à 8 milliards d'euros par an. Mais ce chiffre recoupe en réalité plusieurs types de fraude et de faute. Dans un volumineux rapport de plus de 300 pages, dévoilé il y a quelques jours, la Cour des comptes évaluait la fraude aux prestations sociales versées par la Caisse des allocations familiales (CAF) aux ménages entre 2,5 et 3,2 milliards d'euros en 2020.
A cela s'ajoutent la fraude à l'assurance maladie (entre 1,1 milliard et 1,3 milliard) et celles pour les caisses de retraites (entre 100 et 400 millions d'euros). Concernant la fraude à l'assurance maladie, elle peut aussi bien concerner des professionnels que des particuliers. Au total, la fourchette s'établit entre 3,7 milliards et 4,9 milliards d'euros, selon l'institution de la rue Cambon. Surtout, ces chiffres n'évoquent pas la fraude aux cotisations sociales. Pourtant, elle représente un montant important, estimé entre 5,6 milliards d'euros et 7,1 milliards d'euros en 2021 selon un tableau de la Sécurité sociale.
Cinq milliards d'euros de redressement pour la fraude aux cotisations
L'exécutif compte mettre les bouchées doubles sur le redressement des cotisations et contributions sociales en passant de 800 millions d'euros par an à 1,5 milliard d'ici 2027. Au total, Bercy espère ainsi récupérer cinq milliards d'euros sur le quinquennat en doublant les contrôles réalisés dans les entreprises.
« La première fraude, c'est la fraude aux cotisations », a pointé le ministre des Comptes publics. Afin de parvenir à ces objectifs, le ministre en charge du Budget a annoncé un renforcement « de 60 % les effectifs de l'Urssaf, soit 240 équivalents temps plein ».
Les plateformes et sociétés éphémères dans le collimateur
Bercy veut également s'attaquer à la sous-déclaration du chiffre d'affaires des micro-entrepreneurs estimé à 800 millions d'euros.
« D'ici à 2027, ce sont les plates-formes qui payeront à la source les cotisations des microentrepreneurs. Je ne veux pas d'ubérisation des droits sociaux ! », a précisé le ministre. Le recouvrement « des cotisations sociales des micro-entrepreneurs devrait représenter 200 millions d'euros de redressements supplémentaires sur le quinquennat », a ajouté le ministre. Gabriel Attal considère que « c'est une bombe sociale à retardement ».
Sur ce point, le gouvernement tient une position ambiguë. Après avoir favorisé l'économie de plateforme et la micro-entreprise, l'exécutif entend faire passer à la caisse les géants du secteur type Uber ou Deliveroo. Mais les conclusions à venir en juillet prochain de l'enquête parlementaire suite aux révélations des « Uber Files » pourraient à mettre à mal le récit de l'exécutif. En effet, l'enquête internationale menée par un consortium de journalistes a mis en lumière la pression spectaculaire du géant Uber exercée sur Bercy, au moment où Emmanuel Macron était ministre de l'Economie sous François Hollande.
Dans la ligne de mire du gouvernement figurent également les sociétés éphémères. Gabriel Attal a affirmé qu'il voulait mettre « un coup d'arrêt aux schémas de ces sociétés qui organisent à dessein leur insolvabilité pour échapper à l'Urssaf. Rien qu'en Île-de-France, on estime le préjudice à 100 millions d'euros ».
Le travail détaché dans le viseur de Bercy
Dans son vaste plan de lutte contre la fraude sociale, le ministère de l'Economie entend s'attaquer à la fraude au travail détaché.
« La lutte contre la fraude au détachement de travailleurs représentera au moins 300 millions de redressements sur le quinquennat », a avancé Bercy dans son communiqué.
Pour rappel, des entreprises étrangères peuvent détacher une partie de leurs salariés en France pour des interventions temporaires. Dans le bâtiment ou la construction, le recours à ce type de main-d'œuvre est particulièrement répandu. Dans un rapport, la Cour des comptes avait tiré la sonnette d'alarme sur tous les risques relatifs à ce statut dérogatoire.
« Le détachement de travailleur constitue un régime particulier de travail mal connu et qui fait l'objet de nombreuses fraudes. Si ces abus sont liés à l'activité d'entreprises installées en dehors du territoire national, ils font toujours intervenir un bénéficiaire final installé en France et peuvent même être organisés à partir de la France ».
Reste à savoir si les intentions du gouvernement vont se concrétiser sur le terrain.