Bolloré, Macron, Zemmour, la « triangulation » infernale

POLITISCOPE. Le récit de la présidentielle fait la part belle à la confrontation annoncée Zemmour/Macron orchestrée par un Bolloré grand magnat des médias. Et si tout cela était du flan ?
(Crédits : Reuters)

Le « storytelling » a décidément de beaux jours devant lui. En décembre dernier, des proches du chef de l'État confiaient à l'agence Reuters leurs craintes de voir la constitution d'une « Fox News à la française », au sujet de la chaîne CNews, dite « tout info ». À l'époque, c'était tout vu : Vincent Bolloré voulait mettre son empire médiatique au service de Marine Le Pen, la candidate d'extrême-droite. Dès le printemps 2020, le magnat breton avait engagé une offensive sur le groupe Lagardère, propriétaire des stratégiques Paris Match, JDD, Europe 1, et avait donc suscité de nombreuses inquiétudes tant du côté du pouvoir élyséen que du côté des journalistes.

Sur sa route, Vincent Bolloré devait pourtant composer avec Bernard Arnault, et convaincre encore Arnaud Lagardère. Dans la « pièce », on trouvait également Nicolas Sarkozy comme conseiller. Et puis, de mois en mois, le breton réussit à consolider son offensive allant jusqu'à réussir à remettre en cause la fameuse commandite du groupe Lagardère, et peu à peu, Bernard Arnault sembla se désintéresser d'un dossier dans lequel il s'était invité à l'origine sur demande de l'Elysée nous avait-on dit.

Déjeuner tragique à l'Elysée

Le grand patron rencontra finalement le chef de l'État en juin dernier. Dans un article qui était consacré à Vincent Bolloré cette semaine, le quotidien Le Monde croit savoir que le déjeuner s'est en fait très mal passé. Les journalistes décrivent l'ambiance glaciale de l'échange au sommet. C'est effectivement ce que les entourages respectifs des deux hommes nous avaient confié en off à l'époque. Quelques semaines plus tard, Éric Zemmour se mettait en disponibilité du Figaro, et le chroniqueur vedette de CNews, le favori du grand patron breton, commença à vendre son dernier livre au quatre coins de la France pour mieux se pré-positionner pour l'élection présidentielle. L'inquiétude monte d'un cran. Zemmour est comparé à Trump. Les chaînes d'info deviennent obsédées de la surprise de rentrée. Et presque mécaniquement, les sondages d'intention de vote consacrés au polémiste ne cessent de monter, monter...

Est-ce à dire qu'en l'espace de neuf mois, Vincent Bolloré a troqué Marine Le Pen pour Éric Zemmour ? Le récit initial souffre déjà d'une première anicroche, mais bien peu ne le relèvent. Courant octobre, on apprend, via Le Monde, que le groupe Bolloré serait mis dans la tête de vendre ses activités africaines. Une banque d'affaires, le bureau parisien de Morgan Stanley, aurait été mandatée pour chercher de potentiels acheteurs. Si cette information se confirme, elle est d'importance. D'autant que les tensions entre Vincent Bolloré et Emmanuel Macron prennent leur source en Afrique.

Et puis, on commence à s'interroger quant à la réalité du nouveau jeu présidentiel : avec l'arrivée tonitruante d'Éric Zemmour, il y a un paquet de prétendants qui perdent des plumes. D'abord, Marine Le Pen, qui se demande bien quelle mouche a piqué Vincent Bolloré pour soutenir autant ce nouveau concurrent qui théorise « l'alliance des droites », comme un certain Patrick Buisson en son temps.

Et puis, la droite républicaine n'en finit pas de subir Éric Zemmour, tant sur le fond que sur la forme, multipliant les propositions dans la surenchère sur la question de l'immigration, au point d'oublier de proposer des projets cohérents aux Français, notamment dans le domaine économique. À l'Elysée et dans la macronie, on se délecte de voir que les LR, Xavier Bertrand en tête, mais également Michel Barnier ou Valérie Pécresse essayent de se droitiser pour plaire aux militants de droite. Bref, quand on se penche froidement sur la réalité politique à la droite de la droite, Zemmour est pour l'instant un gros caillou pour le RN comme pour les LR.

Chez ces derniers, ils sont nombreux à commencer à se plaindre de plus en plus ouvertement de cette « zemmourisation » de Vincent Bolloré comme on a pu l'apprendre dans l'article du Monde. Auront-ils l'occasion d'en parler ce dimanche prochain lors du débat LR sur les antennes d'Europe 1 et de CNews ?

La macronie exulte d'emmerder les Républicains

En attendant, la macronie semble exulter de ce contournement de la droite traditionnelle. « L'objectif est d'emmerder les Républicains », confie cette semaine un ministre au Canard Enchainé. Et le chef de l'État en mode campagne en profite pour jouer sur les terrains de ses adversaires. Guerre contre Bolloré ou pas, la méthode de la « triangulation » à droite, chère au conseiller Bruno Roger-Petit (« BRP »), continue d'être utilisée à plein par le président. Avec une visite dans les Hauts-de-France officiellement sur la santé, mais aussi sur fond de dossier Ascoval, pour contrer » Xavier Bertrand, puis voyage à Béziers sur la thématique de la ré-industrialisation. Dans cette cité minée par le chômage, Emmanuel Macron se paye le luxe de séduire le maire de la ville, l'inénarrable Robert Ménard qui va jusqu'à déclarer : « Avec ma femme [Emmanuel Ménard, députée de l'Hérault et conseillère municipale], on est ravis. Pour la ville et le pays. Je suis un des rares à rendre hommage au chef de l'État quand il prend des bonnes décisions. Je ne me dis pas : "Ah, mince, il va gagner les élections", mais : "Quelle chance pour la France" ». Et Ménard de prendre ses distances avec son « ami » Éric Zemmour.

C'est comme dans le cas du groupe Bolloré : à l'Elysée, « BRP » n'a jamais rompu le lien, ni avec son ami Jacques Séguéla d'Havas, ni avec le présentateur vedette de CNews Pascal Praud, qui fut d'ailleurs invité à la table du président ces derniers mois. La politique, c'est un talent. Et à quelques mois de la présidentielle, Emmanuel Macron semble en avoir encore à revendre.

Commentaires 9
à écrit le 11/01/2022 à 15:06
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Le Kapital a besoin de chair fraiche africaine , la nouvelle armée de réserve ! Et tant pis pour la culture française qui, bien sur , n'existe pas pour le petit rapporteur de l'élysée . La culture, c'est le temps long, la finance , c'est le temps co...

à écrit le 21/11/2021 à 23:32
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Bouygues, Miicron, TF1 c'est quelle triangulation ?

à écrit le 21/11/2021 à 16:40
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Oui tout cela est organisé pour permettre dans un premier temps d'aller dans l'identitaire, les noirs et les arabes sans le dire, et d'avoir la politique de l'assiège, pour ensuite ne pas avoir a justifier le pilllage systèmatique des capitaux d'état...

à écrit le 21/11/2021 à 16:18
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Je pense que tout le monde à compris que toutes les chaines son au service de Macron

à écrit le 21/11/2021 à 15:40
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Macron agace Bolloré, c'est évident. C’est plutôt bizarre, puisque, c’est bien connu, E. Macron est le président des riches. Bref : dur, dur, pour les tartuffes redresseurs de torts défenseur du pauvre, j’en passe et des meilleures. La bonne cons...

à écrit le 21/11/2021 à 13:39
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Les chaînes d'info en continu sont une machine à laver les cerveaux et bien les essorer pour y introduire sous forme d'adoucissant nombre des vilenies, de concepts fumeux qui de prime abord flattent les penchants les moins avouables des gens. Soi di...

le 22/11/2021 à 4:30
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Ca fait longtemps que les francais ont ete lessives. Ne retent que des clones a tablettes.

le 22/11/2021 à 8:09
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@ mc. Non des smartphones surtout, tous la tête penchée dessus et heureusement pour Samsung et la Corée du sud non ?! Mais bon sang de quoi te plains tu de ton pays que t'as choisi ?

à écrit le 21/11/2021 à 9:07
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"Avant avec le 20h c'était la grande messe de l'information sur TF1, maintenant avec les chaines infos la messe est diffusée dans plusieurs chapelles" PPDA. Pas de risque d'avoir une fox news puisque nous en avons déjà au moins 3, france info se dist...

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