Plus les jours passent, et plus Emmanuel Macron s'installe comme le favori de la prochaine élection présidentielle. Et pourtant, comme président sortant, on a connu mieux en termes de popularité. Depuis bientôt cinq ans, le jeune président Macron a subi les critiques de toute part, de la gauche à la droite, a affronté les mobilisations populaires des Gilets Jaunes, puis des Anti-Pass sanitaire. D'aucuns ont dénoncé son mépris, critiqué sa manière de jouer les uns contre les autres, et notamment les Français entre-eux.
D'autres se sont irrités de son incapacité à engager de vraies réformes, ont pointé son incapacité à être un bon « DRH », ou se sont désespérés de l'amateurisme et l'immaturité politique de son équipe. Et pourtant, Emmanuel Macron semble tenir bon la barre, et multiplier les coups d'éclat, laissant finalement peu de place (et de temps) à ses adversaires. Résultat, le président sortant reste assuré de confortables intentions de vote au premier tour. Bien sûr, si l'on en croit les sondages...
Reste qu'Emmanuel Macron peut se payer le luxe de regarder en silence ses opposants de gauche et de droite d'entre-déchirer. Au moment voulu (c'est à dire le plus tard possible), lui pourra alors reprendre le costume d'un François Mitterrand et de sa « France unie » de 1988.
Pour le microcosme politique, les jeux semblent déjà tellement faits que beaucoup se demande qui le président va installer à Matignon une fois la victoire acquise. Il se dit dans les déjeuners (post covid) en ville que le président se cherche déjà activement un futur fidèle serviteur. C'est dans ce contexte qu'il faut replacer la fuite (organisée par l'Elysée) de déjeuner entre Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy. À cette occasion, l'ancien chef de l'État (de droite) a fait justement passer le message à l'actuel hôte de l'Elysée que François Baroin, son protégé, serait idéal pour le poste de chef de gouvernement d'après victoire. « Macron ne choisira jamais à Matignon quelqu'un qui a osé se présenter contre lui, c'est pourquoi François a préféré ne pas aller à la présidentielle. C'est pour cette raison que Valérie Pécresse se trompe en se présentant, pensant de cette manière conquérir Matignon », persifle un ténor de la droite. Ambiance.
En attendant, quel jeu l'ancien serviteur, Edouard Philippe, peut-il encore jouer ? Le président a-t-il encore besoin de son « ex » Premier ministre ? Celui qui était présenté en pleine pandémie par Le Monde comme le seul homme de la situation, celui qui aime plus que tout mettre son « calme » en avant dans un récent documentaire consacré à sa gloriole, celui qui veut coûte que coûte jouer au mec cool, a judicieusement choisi son moment pour faire de nouveau allégeance au président. Le week-end dernier, alors que la polémique enflait sur la mise en cause d'Agnès Buzyn par la Cour de justice de la République sur sa gestion de la pandémie (visant également tout le reste de l'équipe gouvernementale et son chef comme la principale intéressée n'a pas manqué de le relever devant les journalistes), et alors qu'Anne Hidalgo annonçait sa candidature « socialiste » à la prochaine présidentielle, Edouard Philippe a réussi à faire de sa nouvelle allégeance un petit événement. À 7 à 8 de TF1, le maire du Havre a affirmé que son « soutien sera complet au président de la République en 2022 ». Évoquant la nécessaire « loyauté » à son égard, et la nécessité d' « accentuer » les réformes lancées depuis 2017. Avec une certaine malice et une forme de lucidité, l'ancien Premier ministre rappelle alors qu'« Emmanuel Macron est fait d'un métal dont je ne vois pas beaucoup la trace dans tous ceux qui sont candidats aujourd'hui à l'élection présidentielle ».
Face à cet homme en « métal », ce « cyborg », comme aime le présenter un ancien conseiller parisien présent aux tout début de l'aventure Macron, et désormais dans ses terres du sud, Edouard Philippe a décidé de tracer sa route en autonomie. Il lance ainsi dans trois semaines son propre parti, sorte d'amalgame de la République des maires et de la France audacieuse. En vue de 2022, l'ex Premier ministre mobilise donc ses propres troupes d'élus (de droite), pour la plupart chevronnés, afin de prendre toute sa place lors des prochaines élections législatives. Pour peser lors du prochain quinquennat, Philippe souhaite donc constituer un groupe qui compte à l'Assemblée Nationale, avec pourquoi pas, l'objectif de récupérer le perchoir, la présidence. « Il vient aux législatives pour titiller le président, s'amuse notre ex conseiller de Paris. En bon boxeur, il a tenté l'uppercut, c'est une droite qui lui met. Il s'affirme comme un homme de droite, et c'est ce qu'il veut faire avec son mouvement. Il s'inscrit totalement en faux par rapport au discours de 2017 sur la fin des partis ».
Les deux hommes ne sont donc pas totalement débarrassés l'un de l'autre : autonomes mais dépendants à la fois. C'est justement intéressant de constater qu'il va lancer son futur parti lors du week-end d'octobre (celui du 8) où aura lieu le congrès constitutif du mouvement de centre gauche, Territoire de Progrès. De fait, même si Macron réussit à se faire réélire, on est en train d'assister à la recomposition du paysage politique entre droite et gauche, effaçant la parenthèse hasardeuse de 2017 : « LREM est déjà en état de mort cérébrale. Cela n'avait pas vocation au départ à être un mouvement politique, c'est une coquille vide. D'ailleurs, le président l'a bien compris car il veut des comités de soutien pour lui monté par des élus de tous bords », remarque un déçu du macronisme. Et si, tout simplement, on ne revenait finalement pas à la logique des institutions de la Vème République ?