Budget 2023 : ce qui est prévu, ce qui est exclu, ce qui est en suspens

Le gouvernement doit présenter ce lundi le budget 2023 en conseil des ministres après les derniers arbitrages tranchés ce week-end. Entre le bouclier tarifaire, la taxe sur les superprofits et l'épineuse réforme des retraites, les débats promettent d'être explosifs à quelques jours de la rentrée parlementaire prévue le 3 octobre prochain. À la veille de cette présentation à Bercy, La Tribune a passé au scalpel les mesures emblématiques qui doivent figurer dans le PLF 2023, celles qui devraient en être écartées et les mesures en suspens.
Le ministre des Comptes publics Gabriel Attal.
Le ministre des Comptes publics Gabriel Attal. (Crédits : Reuters)

Ce qui sera dans le budget

Le bouclier tarifaire

Face à l'envolée des prix, le gouvernement a décidé de prolonger le bouclier tarifaire au-delà du 31 décembre. « Le bouclier tarifaire sera maintenu pour amortir le choc », a expliqué le ministre de l'Economie Bruno Le Maire lors d'une récente réunion avec des journalistes. L'augmentation des factures de gaz et d'électricité sera limitée à 15% a par la suite précisé la Première ministre Elisabeth Borne. Sur le plan budgétaire, le coût brut pour l'Etat est estimé à 45 milliards d'euros dont 11 milliards pour le gaz et 34 milliards d'euros pour l'électricité.

Mais Bercy espère soustraire une manne de 29 milliards d'euros à cette somme récupérés sur les entreprises du secteur des énergies renouvelables. Le coût de ce bouclier représenterait une dépense nette de 16 milliards d'euros selon Bercy, grâce un mécanisme reposant sur le donnant-donnant. Pour résumer, quand le prix de marché est inférieur au prix de rachat garanti par l'Etat, des compensations sont versées aux sociétés. Inversement, lorsque les prix de marché sont supérieurs au prix de rachat, ce sont les opérateurs qui redonnent des recettes à l'Etat. « On peut penser à des solutions de court terme mais il va falloir investir pour s'adapter au changement climatique », a jugé l'économiste et directeur de l'institut pour le climat (I4C) Benoît Légué lors d'un point presse ce vendredi 23 septembre. « C'est un pansement pour répondre à l'urgence. On paie notre retard et notre impréparation en matière d'énergies renouvelables, de sobriété. On va payer deux fois : pour protéger les ménages, les entreprises et les collectivités et investir dans nos infrastructures », poursuit-il.

L'impôt sur le revenu : indexation sur l'inflation

L'indexation de l'impôt sur le revenu devrait également figurer dans le projet de loi de finances présenté lundi au ministère des finances. D'après le ministre des Comptes publics, le montant de cette mesure devrait s'élever à 6,2 milliards d'euros dans le budget 2023. Beaucoup de salariés ayant enregistré une hausse de salaire équivalente à celle de l'indexation prévue à plus de 6% cette année par la Banque de France pouvaient redouter une hausse de l'impôt sur le revenu. Les contribuables payés au SMIC pouvaient ainsi se retrouver dans le barème de l'impôt sur le revenu.

Face à ces craintes, Gabriel Attal s'est voulu rassurant. « Pour une personne seule qui travaille au SMIC, si on ne faisait pas ça, elle rentrerait dans l'impôt sur le revenu alors qu'elle ne le paye pas aujourd'hui et elle paierait à peu près 130 euros d'impôt sur le revenu, » a-t-il expliqué récemment dans une récente interview à Cnews. Cette mesure présentée comme importante par le gouvernement n'a cependant rien d'exceptionnel. Depuis le premier mandat de Nicolas Sarkozy en 2007, seul le gouvernement de François Fillon avait décidé du gel du barème en 2011 pour deux ans. Cette mesure avait permis à l'Etat d'encaisser 1,7 milliard d'euros supplémentaires en 2012. Par la suite, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait décidé d'un gel du barème pour le budget 2013 mais uniquement pour les trois tranches supérieures afin d'épargner les classes moyennes et les plus modestes.

La CVAE : un étalement sur deux ans

Longtemps réclamé par le patronat, la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises se fera en deux fois. Le coût est estimé à 4 milliards d'euros par Bercy en 2023. Cette nouvelle baisse des impôts de production fait suite à une première diminution en 2020 inscrite dans le plan de relance élaboré sous le gouvernement de Jean Castex. Cette fiscalité fait partie de la contribution économique territoriale (CET) avec la cotisation foncière des entreprises. Après avoir poussé les feux pour la supprimer en une seule fois, le ministre de l'Economie a finalement annoncé que cette suppression sera étalée sur deux ans.

Ce qui a suscité une bronca dans les rangs du patronat. Du côté des collectivités, cette contribution permettait également de financer un certain nombre de projets. Cette décision, certes étalée sur deux ans, risque une nouvelle fois de durcir le bras de fer entre les collectivités et l'Etat. Même si le gouvernement a prévu de compenser cette perte par une fraction prélevée sur la TVA, les différentes associations de collectivités ont déjà fait savoir qu'elles allaient mener la bataille.

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La Prime Renov

La hausse de l'enveloppe de la « Prime Renov », ce dispositif vise à aider les Français pour faire des travaux d'isolation. Elle passera de 2 à 2,6 milliards d'euros. Mais cette aide sera mieux calibrée, pour éviter les effets d'aubaines. Et pour cause, selon un rapport de la Cour des comptes, en 2021, seuls 2.500 logements ont changé de performance énergétique grâce à ce dispositif, alors que l'objectif initial était la rénovation de 80.000 passoires thermiques.

« Cette aide n'a pas vocation à aider le couple de CSP+ à changer ses fenêtres, elle doit profiter surtout aux revenus modestes, qui ne s'en saisissent pas suffisamment », s'agace un ministre. L'idée est surtout de financer des rénovations globales et moins de travaux isolés, ponctuels. Pour bien isoler un logement, il faut agir dans la globalité. Dans ce budget 2023, les critères vont être revus.

La création d'un fonds vert

Alors que la France fait face à la crise énergétique, le gouvernement cherche à verdir son budget. Pour ce faire, il prévoit d'attribuer enveloppe de 1,5 milliard d'euros pour la transition écologique, via la création d'un fonds dévolu à soutenir les initiatives, notamment des collectivités. Ce dispositif sera en partie abondé par les grandes entreprises, qui ont réalisé des bénéfices records ces dernières années, grâce à la flambée des prix de l'énergie. Par exemple, le transporteur CMA CGM a déjà dit son intention d'y participer. Total Energie devrait aussi abonder... Une façon pour les groupes d'éviter une taxe sur les superprofits...

Ce qu'il n'y aura pas

La remise carburant

Les automobilistes en seront pour leurs frais, mais la remise à la pompe - de 30 centimes en septembre et octobre, puis de 10 centimes en novembre et décembre - s'arrêtera à la fin de l'année.

Pas question de prolonger ce coup de pouce qui « profite autant au propriétaire de SUV qui utilise son véhicule pour un week-end à Deauville qu'à l'artisan obligé de rouler pour travailler », insiste l'entourage du ministre de l'Economie.

Si le gouvernement prévoit de stopper cette aide dont le cout a dépassé les 7,5 milliards d'euros cette année, c'est aussi parce qu'il fait le pari que les prix du pétrole vont baisser. Alors que le tarif du baril de brent s'est envolé cette année, atteignant jusqu'à 120 dollars, il est depuis redescendu autour de 90 dollars. Pour bâtir son budget 2023, Bercy a choisi une estimation moyenne de 89 euros le baril.

Et si avant l'été, le gouvernement avait évoqué la perspective d'un dispositif dit « gros rouleur », soit une aide ciblée sur ceux qui sont tenus d'utiliser leur véhicule pour aller travailler, ce n'est plus à l'ordre du jour. Trop complexe à mettre en place. Ce vendredi matin, sur France Info, Clément Beaune, le ministre des Transports a d'ailleurs confirmé « qu'il n'y aura pas de dispositif décidé pour prolonger cette remise. » Clément Beaune a toutefois tenu à se montrer rassurant, précisant que si les choses étaient nécessaires, on s'adaptera. Sous-entendu, si les prix des carburants s'envolent de nouveau, l'exécutif interviendra et protégera les Français. De fait, la remise que Total énergie avait aussi consenti à mettre en place en plus de la ristourne du gouvernement s'arrêtera également.

Ce qui est en en suspens

La taxe sur les superprofits

La crise énergétique a remis sur le devant de la scène la fiscalité sur les profits des multinationales. A peine élus, les députés de l'Assemblée nationale ont largement débattu de ce thème cet été au moment du vote sur la loi pouvoir d'achat et le budget rectificatif. Après avoir écarté certains amendements des députés de la Nupes au mois de juillet, la majorité risque une nouvelle fois de devoir batailler sur ce sujet explosif dans l'hémicyle. En effet, la mission flash composée du député (LFI) Manuel Bompard et David Amiel (Renaissance) doit rendre ses conclusions le 4 octobre prochain au moment de la rentrée parlementaire.

Les deux élus ont passé sur le grill les représentants de la filière énergétique et les grands patrons du secteur. Cette semaine, la coalition de la Nupes a présenté sa proposition de loi  pour taxer les "superprofits" des grandes entreprises. Ce texte signé par plus de 240 parlementaires selon le secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure devrait enflammer les débats dans les rangs de l'Assemblée. De son côté, le patron de la Commission des finances à au Palais Bourbon, Eric Coquerel, espère passer par voie d'amendement dans le texte budgétaire 2023.

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Un allègement des droits de succession

C'est un dossier sensible, sur lequel la majorité hésite encore. Faut-il alléger la taxation sur les droits de succession ? Faciliter les transmissions au sein des familles élargies, au sein de ligne indirecte comme entre tantes et oncles et nièces et neveux ?

Emmanuel Macron s'était engagé pendant la campagne à revoir la fiscalité sur l'héritage, pour prendre en compte, avait alors dit le candidat, « l'évolution de la société mais aussi les prix de l'immobilier ». Ce serait aussi un geste en direction des députés de droite Les Républicains, qui depuis longtemps militent pour des droits de succession moins pénalisants.

Cette mesure était estimée dans le chiffrage du programme du candidat à 3 milliards d'euros. « Dans un contexte budgétaire tendu comme celui que nous connaissons, le gouvernement pourrait inscrire le principe dans le projet de loi, tout en renvoyant les discussions sur les modalités à plus tard, ce qui lui permettrait de gagner du temps », précise une source proche du dossier.

Sur ce sujet, au sein de la majorité, deux écoles s'affrontent, la première qui tient à ce geste à la droite pour construire un compromis avec les autres groupes parlementaires, et une seconde école, qui estime que la droite n'étant pas dans une démarche constructive, il n'est donc pas utile de grever le budget.

L'amendement retraite

C'est probablement un des points qui sera le plus scruté dans le prochain projet de loi de finances, y aura-t-il un amendement pour réformer les retraites ? Le président de la République y tient, mais va-t-il s'exposer à la fronde sociale ? Ces derniers jours, Elisabeth Borne, la Première ministre a consulté tous les chefs de groupes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Et tous lui ont fait part de leur inquiétude et du risque d'enflammer le pays en glissant dans les textes budgétaires, un amendement pour réformer le régime des retraites. Surtout si ensuite le gouvernement recourt au 49.3. Le sujet est d'autant plus sensible politiquement que les traditionnels alliés d'Emmanuel Macron, au premier rang desquels François Bayrou, ont exprimé leurs réticences à passer par cette voie, perçue comme un passage en force.

Le président souhaite toutefois aller vite, et surtout, il ne cesse de marteler qu'une réforme des retraites est « indispensable pour le pays ». C'est à ses yeux le principal levier pour retrouver des marges budgétaires, et financer la transition écologique, la santé, l'école. Soit un véritable changement de logique. Jusqu'alors, les réformes de retraite visaient surtout à équilibrer les régimes. Selon le dernier rapport du conseil d'orientation des retraites, le système, bien qu'exceptionnellement excédentaire en 2021 et 2022, sera déficitaire les 25 prochaines années.

Lire aussiRetraites : Macron demande au gouvernement de trouver « la bonne manœuvre »

Commentaires 8
à écrit le 25/09/2022 à 15:59
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ATTAL a au moins le mérite de la vérité: fin 2022, la Fra,nce c'est 3.000 milliards de dettes et des intérêts annuels sur la base actuelle (2,04% des emprunts à 10 ans) plus de 60 milliards d'intérêts en plus du principal. Un ralentissement spectacul...

le 25/09/2022 à 18:55
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Il faut continuer à vénérer le mantra d'Arthur Laffer - du nom de sa parabole écrite sur une table de resto - et de plus en plus remise en question au fil des décennies. Rappelez-vous, le 13 septembre 1974, lors d’un dîner au restaurant Two Continent...

le 25/09/2022 à 19:59
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La France ce n'est pas 3.000 milliards € de dette mais plus de 7.000 milliards. L'église au centre du village c'est mieux. Dans la même veine, la France ce n'est pas 5 % de déficit sur un pib monstrueusement bigorné. En 2021 dépenses de l'état de 42...

à écrit le 25/09/2022 à 13:59
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pour les compensations de prix ' en dessous du marche',, segolene royal a bien montre comment l'etat se comporte! quand les prix baissent, les energeticiens doivent les baisser, quand ca monte, elle leur exige de ne pas les monter ' en prenant leurs ...

à écrit le 25/09/2022 à 10:03
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Travail qui se soldera, comme à l'accoutumée, par un déficit; depuis cinquante ans, nous en avons la l'inquiétante habitude. A quoi servent donc nos députés-salariés qui ne savent pas compter sauf leurs sous à la fin du mois? Dire que cette situation...

à écrit le 24/09/2022 à 9:00
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La vraie question les dépenses au budget de l’état sont trop élevées par rapport aux recettes fiscales , il manque 150 milliards UN GOUFFRE que temps des mesurettes ne peut résoudre , et le gouvernement continue de dépenser sans compter une situation...

à écrit le 24/09/2022 à 2:09
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Chaque année, les projets budgétaires sont préparés derrière des portes closes. C'est l'habitude, mais ce n'est pas normal, car aucune bonne idée venant de la société civile n'a de chance d'être inscrite au programme. Il en serait autrement s'il y av...

à écrit le 23/09/2022 à 19:24
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Quand un travail est bâclé les victimes doivent en reprendre la tâche ! Il n'y a que les cadeaux qui permettent d'acheter les traîtres!

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