Certes, dans le discours officiel du gouvernement, les ministres répètent que la France doit contenir ses dépenses publiques. Qu'un pays qui ne tient pas sa trajectoire budgétaire perd sa liberté et son indépendance. Que le fil rouge de ce quinquennat sera bien de ne pas laisser filer la dette pour ne pas laisser héritage coûteux à nos enfants... A Bercy, le mantra est bien rôdé : le rétablissement des finances publiques n'est pas négociable, et le déficit public sera bel et bien ramené à 3 % en 2027. Ce gouvernement en fait le serment.
Comment ? Telle est la vraie question. La présentation du budget 2023 devrait nous donner quelques indications de réduction des dépenses. En attendant, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie se veut innovant et a mis en place, cette année, une « task force », une mission présidée par Daniel Labaronne pour plancher sur cette difficile équation.
De la difficulté de faire des dépenses
Mais le ministre en sourit lui-même : « Je lui souhaite bon courage ! car les parlementaires sont souvent plus prompts à faire des dépenses qu'à trouver des économies... y compris ceux qui, dans les débats, sont les premiers à réclamer des coupes budgétaires ». En d'autres termes, le locataire de Bercy ne se fait guère d'illusion.
A l'Elysée, Emmanuel Macron, qui est passé aussi par le ministère des Finances, partage ce point de vue. Aujourd'hui, nos concitoyens réclament de la protection, de la sécurité. Face aux incertitudes du monde, - économiques, mais aussi géopolitiques-, ils veulent un Etat fort et des services publics efficients.
Comment imaginer de couper dans les effectifs des fonctionnaires, quant à l'école, on manque de professeurs, à l'hôpital des soignants, ou des policiers dans les quartiers sensibles ? Comment réduire les allocations quand l'inflation s'emballe ? « C'est impossible, à moins de faire le jeu des extrêmes », répond l'entourage d'Emmanuel Macron.
Le chef de l'Etat en a d'ailleurs fait la difficile expérience au cours de son premier quinquennat. Il en garde un souvenir amer. La suppression de 5 euros d'APL a créé une levée de boucliers, la baisse de la CSG pour les retraités gagnant plus de 2.000 euros a suscité de telles oppositions qu'il a dû faire marche arrière.... Quant à la suppression des contrats aidés, pourtant coûteux pour les finances publiques, il est vite revenu dessus, constatant que ces emplois désorganisaient les cantines scolaires, l'accueil d'enfants handicapés dans les écoles etc...
Travailler plus et plus longtemps
Aussi, fait-il aujourd'hui un autre pari. Celui de la croissance. De la création de richesses à tout prix. Et pour ce faire, selon lui, il n'y a pas dix solutions : il faut travailler plus et plus longtemps. Il y a urgence à mener une réforme des retraites. « On ne fait rien si on regarde les oppositions », a expliqué Emmanuel Macron à la presse présidentielle qu'il recevait lundi 12 septembre. Après avoir hésité, le voilà prêt à dégainer sa réforme en l'inscrivant pourquoi pas dans le projet de loi de finances de la sécurité sociale.
Tout le monde sera contre. Syndicats et opposition politique. Peu importe, le président a choisi de jouer son va-tout. Il n'hésitera pas à dégainer le 49.3. Selon lui, le bénéfice budgétaire sera tel qu'il pourra engager des dépenses en matière de santé, d'école, ou de transition écologique. Et c'est un vrai changement de paradigme, au regard de l'histoire de notre régime des retraites. L'argent engrangé permettra non seulement d'équilibrer le système mais aussi de redonner des marges de manœuvres pour d'autres sujets de souveraineté.
Le plein emploi en ligne de mire
L'autre pari d'Emmanuel Macron, c'est d'atteindre le plein emploi. Et cette ambition procède de la même idée ; c'est ainsi que l'on ramènera de l'argent dans les caisses. Preuve en est, cette année, avec la reprise, Bercy a bénéficié d'une cagnotte exceptionnelle et inattendue de 50 milliards d'euros. Un pactole bienvenue alors qu'il fallait payer les mesures pour lutter contre le pouvoir d'achat. La collecte de l'impôt sur les sociétés a été fructueuse. Et c'est autant d'allocations en moins que l'Etat a eu à verser aux ménages.
Le chômage de masse qui a marqué les quinquennats de ses prédécesseurs n'est pas une fatalité. Emmanuel Macron se plaît à rappeler qu'il a d'ailleurs réussi à ramener le taux de chômage de plus de 9% en début de quinquennat à 7,4 %. Certes, atteindre le plein emploi - autour de 5% - n'est pas chose aisée mais en persistant dans une politique de l'offre - en témoigne la suppression annoncée de 8 milliards d'euros sur deux ans de la CVAE-, le chef de l'Etat pense y parvenir.
En créant plus de richesse et de croissance, alors le déficit pourra être contenu. Bien plus qu'en sabrant dans des budgets que les concitoyens jugent aujourd'hui essentiels. Le pari est audacieux. C'est la voie de passage, étroite, que choisit le chef d'Etat pour ce second mandat.