Budget 2024 : le coup de gueule des patrons

Alors qu'il prépare son projet de loi de finances 2024, le gouvernement cherche à faire 15 milliards d'euros d'économies sans augmenter les impôts. Toutes les dépenses sont passées au peigne fin à la fois pour les ménages et les entreprises. Pour ces dernières, toutes les options sont à l'étude, comme les réductions de niches fiscales ou les augmentations des taxes.
Fanny Guinochet
Patrice Martin, le président du Medef
Patrice Martin, le président du Medef (Crédits : DR)

Les entreprises sont clairement dans le viseur du projet de loi de Finances 2024. « Chaque année, nous sommes un peu sous pression à cette époque, fait valoir François Asselin, le patron de la CPME, qui représente les petites entreprises. Mais, là, clairement, ça se resserre ». Les réunions et échanges qu'il entretient avec l'exécutif l'amène à cette conclusion : « oui, c'est un peu moins business friendly...».

Même son de cloche du côté du Medef où son président Patrick Martin, élu en juillet dernier pour succéder à Geoffroy Roux de Bézieux, ne cache pas son inquiétude. Alors qu'il prépare sa rentrée le 28 août prochain, lors de la Rencontre des Entrepreneurs de France (REF), le chef d'entreprise sait qu'il va devoir ferrailler sur de nombreux fronts. Et pour cause : en quête d'économies pour assainir les finances publiques et limiter l'endettement du pays, le gouvernement promet de multiplier les coupes. Il étudie le report ou le gel de plusieurs mesures fiscales.

Premier coup de canif : les impôts de production

La première déception patronale concerne une promesse faite au printemps. Elle concerne un sujet cher au monde des entreprises : les impôts de production. La fameuse CVAE, la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, ne sera pas supprimée comme promis par le gouvernement dès cette année, en 2024. « Il va y avoir un étalement sur plusieurs années », regrette François Asselin.

Selon plusieurs sources, cet étalement se ferait sur 4 ans. Incompréhensible pour le Medef, qui souligne que même si la CVAE représente facialement 4 milliards et demi d'euros, cela n'est que 0,4% de la dépense publique. « C'est faire offense aux chefs d'entreprise. Le gouvernement ne peut-il pas trouver l'argent ailleurs et tenir son engagement ? », s'interroge Patrick Martin.

De quoi compromettre, selon les entrepreneurs, la réindustrialisation du pays tant vantée par l'exécutif. Au début de l'été, le METI, le mouvement qui représente les entreprises de taille intermédiaire, était lui aussi monté au créneau sur ce sujet. Craignant également pour la compétitivité des entreprises.

Lire aussiLa réindustrialisation, un casse-tête pour les finances publiques

Pour le Medef, ce report est un mauvais signal à un moment où l'activité ralentit. « On s'inquiète de voir le vent tourner, et on se pose la question du maintien de la politique de l'offre », explique Patrick Martin à la TribuneCar au-delà de la CVAE elle-même, le monde des affaires s'inquiète d'un changement de pied de l'exécutif. « Nous étions ces dernières années dans une forme de respect des engagements annoncés, il ne faudrait pas que cela change, et qu'on revienne comme sous le quinquennat Hollande, à un zig zag fiscal », plaide un membre influent du Medef.

Les arrêts maladie : les entreprises appelées à participer

Mais cet été, les représentants patronaux ont aussi été sondés sur un autre sujet : la lutte contre les arrêts maladie dits de complaisance. Le gouvernement estime qu'il y a trop d'abus en la matière et envisage pour les limiter -outre le renforcement des contrôles-, de demander aux entreprises de mettre la main à la poche en prenant en charge quelques journées d'indemnités journalières.

De quoi là aussi faire bondir les employeurs. « Cette idée, c'est un coût direct en plus pour les entreprises, et une manière peu élégante de leur refiler la patate chaude », tacle François Asselin. Pour le représentant des TPE et PME, le sujet des arrêts maladies concerne aussi les salariés ou encore les soignants. « Il faut responsabiliser tout le monde, il n'y a pas de raison que seules les entreprises paient », assure-t-il. Et d'avancer une proposition pour une plus grande équité entre les secteurs privé et public : « Pourquoi ne pas ajouter des jours de carence d'ordre public ?... certes, ce serait politiquement difficile à faire passer, mais plus juste », reconnaît François Asselin.

Hausses des taxes dans certains secteurs

A ces mesures transverses, s'ajoutent des mesures ciblées qui promettent d'handicaper des secteurs entiers. Ainsi, selon la Fédération du bâtiment, le logement et l'immobilier, déjà à la peine avec la hausse des taux d'intérêt, risquent d'être encore pénalisés avec la fin du dispositif Pinel, qui permet de faire de l'investissement tout en défiscalisant. L'arrêt de cette niche fiscale sera inscrit dans le projet de loi de finances 2024.

Autre exemple, la baisse de l'avantage fiscal sur le gazole non routier pour le BTP et l'agriculture. Cette piste reste sur la table. Elle s'inscrit dans la volonté du gouvernement de verdir l'économie. Cet objectif amène aussi le gouvernement à travailler sur une hausse des taxes sur les billets d'avion. Clément Beaune, le ministre des Transports, y est favorable, à condition que cette taxe soit différenciée en fonction des publics mais aussi des distances. Reste que, pour le secteur aérien, c'est un coup dur.

Le secteur pharmaceutique voit aussi d'un très mauvais œil la piste d'une augmentation des franchises sur les médicaments. Pour l'instant, rien n'est tranché, mais le gouvernement cherche comment augmenter la participation du patient. Cela pourrait permettre à l'Etat de faire rentrer des millions d'euros dans les caisses. Reste que les associations de malades mais aussi les professionnels de santé promettent déjà d'engager le bras de fer avec la majorité.

Vers une rentrée tendue ?

« On ne peut pas en vouloir à l'Etat de chercher à rééquilibrer les comptes, mais attention à ne pas réenclencher la machine à taxer les entreprises », prévient François Asselin.

Même son de cloche au Medef, qui dit être vigilant et offensif sur ces nombreux sujets. Patrick Martin assure avoir échangé avec la plupart des membres du gouvernement concernés par ces sujets. Et d'en avoir même discuté avec l'Elysée.

De fait, dans ce contexte, la discussion au Parlement des projets de loi de finances - en incluant celui de la Sécurité sociale- promet d'être animée.

Reste que l'opinion sera probablement le juge de paix. « Or, il n'y a pas photo, les ménages n'ont pas envie de voir leur pouvoir d'achat raboté. Et les entreprises, qui ont été très aidées au moment du Covid, peuvent bien participer ... » décrypte un conseiller ministériel. « Le gouvernement semble pris en étau, entre son attention à éviter d'allumer un nouveau conflit social en augmentant les impôts des particuliers, et son inquiétude à donner des gages aux agences de notation, qui pourrait de nouveau dégrader la note de la France », analyse un membre du Medef.

La marge de discussion semble donc particulièrement étroite pour les entreprises....

Fanny Guinochet
Commentaires 40
à écrit le 24/08/2023 à 9:36
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Marrant les coms. Les patrons MEDEF et CGPME pleurnichent car les milliards de subvention de l'etat grâce auxquels ils évitent de faire l'effort pour être rentable (ou bien ils sont rentables et le dissimule) vont s'arreter... et... on tape sur les ...

à écrit le 23/08/2023 à 16:24
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augmenter la participation du patient brave gens vous etes malade vous avez besoin de medicaments pour vous soigner et en plus on vous taxe a la sortie 1 euro par boite soit quand meme 6,55 francs anciens si vous avez 4 ou 5 boites faites le comp...

à écrit le 23/08/2023 à 13:27
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1 français sur 2 ne paye pas l impôt ça n existe nulle part ailleurs dans le monde .. commençons par ça !!

le 24/08/2023 à 9:50
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J'espère que tu penses à nos ultra milliardaires qui utilises toutes les astuces et trous dans la raquette fiscale avec une armée de conseillers et avocats pour ne quasi rien payer...

à écrit le 23/08/2023 à 13:27
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1 français sur 2 ne paye pas l impôt ça n existe nulle part ailleurs dans le monde .. commençons par ça !!

à écrit le 22/08/2023 à 21:07
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Je ne vois pas où est le problème: faire des économies, c'est tailler dans les dépenses actuelles; des impôts ou des taxes nouveaux, c'est pour "financer" des dépenses nouvelles. Mais a-t-on vu un gouvernement français et SON parlement capable de s'i...

le 23/08/2023 à 8:51
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Le gros problème, c'est que l'électorat des partis dits "de gouvernement" n'est pour dire plus guère constitué que des bénéficiaires des dépenses les moins justifiées, au point de faire penser à une nouvelle aristocratie alors que le "Tiers-Etat" vot...

à écrit le 22/08/2023 à 21:06
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Je ne vois pas où est le problème: faire des économies, c'est tailler dans les dépenses actuelles; des impôts ou des taxes nouveaux, c'est pour "financer" des dépenses nouvelles. Mais a-t-on vu un gouvernement français et SON parlement capable de s'i...

à écrit le 22/08/2023 à 16:47
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Macron et son gouvernement privilégient une minorité les fonctionnaires, territoriaux, police, enseignants, CHU, pompier, médecins, et maintenant les maires, etc augmentation des salaires avec maintien des privilèges c'est-à-dire sans contre partie, ...

le 22/08/2023 à 20:22
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Pour votre information, les fonctionnaires ont voté aux deux tiers pour Le Pen et Mélenchon aux dernières présidentielles, le RN ayant même la majorité absolue chez les fonctionnaires de catégorie C (niveau CAP). Inversement, la clientèle électorale ...

à écrit le 22/08/2023 à 15:34
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Source STATISTA (2023) : ["Avec près de 160 milliards d'euros versés en 2019, les subventions aux entreprises sont devenues le premier poste de dépenses de l'État. Pour se faire une idée de ce que représente un tel montant, il correspond environ au d...

le 22/08/2023 à 20:43
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Les plus gros postes de dépenses publiques sont de loin les pensions de retraite (dans les 300 mlliards) et les soins (dans les 200 milliards), viennent ensuite les subventions... Il est à noter que l'effondrement de l'industrie est en fait la conséq...

le 22/08/2023 à 23:18
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@o. Plaignez-vous auprès de la référence citée au motif d'une publication/analyse que vous estimez "trompeuse". Vous aurez ainsi tout loisir de fonder vos arguments avec vos propres données.

le 23/08/2023 à 9:06
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Ma source est officielle, c'est un tableau des dépenses publiques publié à l'occasion du "grand débat" organisé pour tenter de calmer la crise des Gilets Jaunes en 2019... Après, il s'agissait des dépenses publiques en général, incluant les dépenses ...

à écrit le 22/08/2023 à 11:36
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Il serait peut-être important que l'on insiste sur le fait que c'est de l'argent du contribuable que l'on gaspille, et pas celui de l'état. Enfin, l'argent de ceux qui paient tous les impôts, ou presque, à exception peut-être de celui sur la fortune.

à écrit le 22/08/2023 à 11:27
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ne cherchez plus c'est encore les classes moyennes qui vont payer leur incurie

à écrit le 22/08/2023 à 11:10
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Vous pourriez peut être faire un article sur le futur projet de budget 2024, dans son ensemble des sujets sur la table et non par morceaux (avions, voitures, autoroutes., alcools, tabac...) et report de la fin de la CVAE notamment et plus généralemen...

à écrit le 22/08/2023 à 10:37
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Une belle économie serait la suppression de l'Assemblée Nationale, puisqu'on peut "gouverner" à coup de 49-3; "l'inconvénient" majeur est que le gouvernement qui "engage sa responsabilité" ne l'engage jamais puisqu'il ne rend jamais de comptes. Mais,...

à écrit le 22/08/2023 à 1:43
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Les caisses sont vides, vous rentrez dans le dur.

le 22/08/2023 à 8:58
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Les caisses sont vides mais pas pour tous: 90 milliards d exemptions sociales/ fiscales pour les entreprises, 2)0 milliards de fraudes sociales / fiscales entreprises et particuliers selon la cour des comptes en 2022… si tout le monde payait ce qu il...

le 22/08/2023 à 8:59
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Les caisses sont vides mais pas pour tous: 90 milliards d exemptions sociales/ fiscales pour les entreprises, 260 milliards de fraudes sociales / fiscales entreprises et particuliers selon la cour des comptes en 2022… si tout le monde payait ce qu il...

le 22/08/2023 à 8:59
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Les caisses sont vides mais pas pour tous: 90 milliards d exemptions sociales/ fiscales pour les entreprises, 260 milliards de fraudes sociales / fiscales entreprises et particuliers selon la cour des comptes en 2022… si tout le monde payait ce qu il...

le 22/08/2023 à 9:20
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la classe moyenne va probablement réagir ) ! n est elle pas la première victime d une équipe de prédateurs qui agit en bande organisée. ,?

le 22/08/2023 à 9:48
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"si tout le monde payait ce qu il doit l état ne sera pas déficitaire..." Si tout le monde payait ce qu'il doit, l’État en profiterait pour dépenser davantage et maintenir le même niveau de déficit. La fraude fiscale sociale, certes déplorable, a to...

le 22/08/2023 à 21:34
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@Yakari : il y a 55 ans, les gens partaient en retraite à 65 ans avec des pensions misérables et 2/3 ans d'espérance de vie à la retraite alors qu'aujourd'hui, l'électeur type des partis "de gouvernement" est un ex-cadre souvent parti en retraite ava...

le 24/08/2023 à 9:13
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Vous en faites pas pour les caisses, si elles étaient si vide que ce qu'ils disent ils rembourseraient pas leur campagnes présidentielles et n'auraient plus leur train de vie majistraux et salaires si élevé avec tout payés sur nos impôts... Trouvez v...

à écrit le 21/08/2023 à 21:36
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C'est clairement la solution pour sortir de ce déficit chronique : tailler en masse dans les subventions aux entreprises qui n'apportent rien a leurs sauvegardes. Trop souvent ces subventions permettent souvent de distribuer des plus grosses rémunér...

le 22/08/2023 à 8:07
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Il faut surtout couper en masse dans les subventions aux ménages. Il faut rétablir le simple principe que pour gagner sa vie il faut travailler et baisser AF, RSA, APL... Prime de rentrée scolaire, prime de Noël, prime inflation, prime énergie, Aid...

le 22/08/2023 à 9:05
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Comme par exemple la "niche Copé" ( exonération des plus-values sur les cessions de filiales et de titres de participation ) qui coûte en exonération près de 10 milliards par an à l'état et ce depuis 2004 date de sa création.

le 22/08/2023 à 9:39
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Vous pouvez nous éclairer sur toutes ces subventions ? J'ai une société et ne profite d'aucunes subventions, par contre je paie un max d'impôts.

le 22/08/2023 à 15:48
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@leonce. Vous avez une société? Très bien. Mais quelle forme juridique et combien d'employés? 2 ou 20 ou 500 ou plus. Votre société est-elle cotée en bourse et dans l'affirmative, quel est son capital action? Ce capital est-il 100% libéré ou non? San...

le 23/08/2023 à 9:19
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Le gros problème, c'est qu'on a une politique familiale plutôt nataliste alors que les progrès de la technologies tendent à réduire les besoins de main d'oeuvre... On n'est plus en 1945 où la moitié de la population active travaillait encore la terre...

à écrit le 21/08/2023 à 20:54
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l etat donne chaque année entre 90 a 100 milliards d euros aux entreprises .donc les lobbyistes sont a l œuvre

le 22/08/2023 à 8:14
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Il ne donne rien puisque il en prend bcp plus. Par contre certains ménages reçoivent plus qu'ils donnent.

le 23/08/2023 à 9:22
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C'est particulièrement vrai des électeurs de Macron et de la droite classique, qui sont des retraités multi-propriétaires ou bien des professions grassement subventionnées et/ou bien à l'abri de la concurrence par le biais de barrières juridiques (nu...

le 23/08/2023 à 13:25
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Sans oublier la fraudes sociales et fiscales à 160 milliards selon la cour des comptes… et 80 milliards de fraudes pour les particuliers … tout le monde est loin d été à plaindre .. c est ça le clientélisme gauche et droite sans les économies du bud...

à écrit le 21/08/2023 à 20:04
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Y a pas à dire, je suis obligé d'admettre - techniquement parlant - que ce gouvernement maîtrise l'art de l'économie comportementale (EC) comme un seul chef 👏 La rhétorique a fait état de ne pas toucher aux impôts. C'est clair, non? Pas de révision d...

à écrit le 21/08/2023 à 20:00
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Je résume, ils ne vont pas augmenter les impôts, mais les taxes, si..... ne doutons pas un instant que les contributions cotisations et consors seront également augmentees vu qu'elles n'ont rien à voir avec un impôt...et l'opération suivante sera d'...

à écrit le 21/08/2023 à 19:27
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"Le gouvernement cherche à faire 15 milliards d'euros d'économies sans augmenter les impôts". Bein le gouvernement avait été clair avec cette phrase, non? Si tu ne peux pas agir sur les recettes alors tu agis sur les dépenses; même un simple ménage p...

le 23/08/2023 à 12:14
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A ceci près que la population française, c'est un peu comme un ménage subissant une pression sociale pour avoir 5 ou 6 gosses alors qu'il n'a au mieux l'envergure d'en élever qu'un ou deux...

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