C'est devenu un serpent de mer de la politique fiscale. Durant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, l'ancien ministre du Budget, actuellement à l'Intérieur, Gérald Darmanin avait promis de faire le ménage dans le maquis des niches fiscales tricolores pointé du doigt par de nombreux économistes.
Cinq ans après, la situation n'a guère changé. Dans un récent courrier consulté par La Tribune, la Première ministre Elisabeth Borne a mis la pression sur les différents ministères en vue de la préparation du budget 2024. « Les dispositifs fiscaux mobilisés en soutien des différentes politiques publiques dont vous assurez la conduite, notamment les dépenses fiscales, feront également l'objet d'une revue afin notamment d'envisager une réduction ou un verdissement de celles dont l'impact négatif sur la transition écologique est reconnu », souligne la cheffe du gouvernement.
« Dégager des marges de manœuvre budgétaires »
Elisabeth Borne a réclamé « des propositions pour dégager des marges de manœuvre financières au sein de vos budgets ». Ces propositions doivent représenter des coupes de l'ordre de 5% dans les crédits de chaque ministère mais ne doivent pas concerner la masse salariale.
La semaine dernière, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire et le ministre des Comptes publics Gabriel Attal ont annoncé qu'ils voulaient accélérer le désendettement de la France lors de la présentation du programme de stabilité envoyé à Bruxelles ce mercredi 26 avril. Ils comptent entre autres sur l'extinction du bouclier tarifaire et la fin des chèques pour redresser les finances publiques. Mais Bercy n'a pas forcément évoqué de niches spécifiques lors du point presse.
Le coût des niches fiscales en nette hausse en 2022 après deux années de baisse
Le coût des niches fiscales a encore grimpé l'année dernière. Dans un récent rapport passé sous les radars, la Cour des comptes a estimé que ce montant était de 94 milliards d'euros en 2022, soit 2,8 milliards de plus que prévu. Comment expliquer une telle hausse ? Les magistrats de la rue Cambon pointent l'envolée du chiffre d'affaires et des marges des compagnies de transport dans le fret maritime.
Pour rappel, les armateurs français bénéficient depuis 2003 d'une niche fiscale, non pas calculée sur le chiffre d'affaires réalisé mais sur le tonnage pour faire face à la concurrence des géants asiatiques. En France, une quarantaine d'armateurs bénéficieraient de cette niche particulièrement contestée sur le plan écologique. Mais compte tenu du poids de CMA-CGM dans le transport maritime planétaire, cette niche fiscale pourrait bien être prolongée.
Les nombreux géants du fret comme CMA-CGM ont enregistré des résultats stratosphériques depuis la reprise post-Covis. En 2023, cette dépense fiscale pourrait représenter un manque à gagner de 3,8 milliards d'euros pour les finances publiques selon un document budgétaire de Bercy.
465 niches fiscales recensées en 2022
En dépit des rabotages annoncés ces dernières années, le nombre de niches fiscales n'a cessé d'enfler pour s'établir à 465 en 2022. La Cour regrette que « les propositions de modification ou de suppression de dépenses fiscales sont pratiquement inexistantes, faute notamment d'une évaluation préalable suffisante ». Quant aux répercussions et objectifs attendus, les auditeurs portent un jugement sévère. « Les règles et les effets concrets des dispositifs sont souvent méconnus voire en contradiction avec les objectifs des politiques publiques auxquels ils sont rattachés », assènent-ils.
Les juristes taclent le manque d'évaluation des dispositifs, au point mort depuis 10 ans. La Cour recommande d'accorder un rôle plus important aux « conférences fiscales », durant lesquelles les administrations concernées examinent l'efficacité des dispositifs fiscaux. Ces suppressions doivent concerner celles qui bénéficient à peu d'entreprises ou de ménages selon la Cour. Mais là encore, le gouvernement risque de se heurter à un mur. En effet, les secteurs professionnels et fédérations n'hésitent pas à monter au front lorsque des niches fiscales sont menacées.
11 milliards d'euros de niches fiscales ont un impact sur l'environnement
La transition écologique va pourtant obliger l'Etat à trouver des marges de manœuvre budgétaires pour se financer. Refusant d'augmenter les impôts, l'exécutif compte verdir son projet de loi de finances 2024 en s'attaquant aux niches fiscales défavorables à l'environnement. « Le PLF 2024 devra poursuivre notre engagement en faveur de la transition écologique et marquer une nouvelle étape de verdissement du budget », avertit Elisabeth Borne dans son courrier.
Sur les 465 niches fiscales identifiées, 120 ont des conséquences environnementales pour une somme totale de 11,3 milliards d'euros selon la Cour des comptes. Ces répercussions sont néfastes pour 60% d'entre elles.