Budget : comment le conflit social chez TotalEnergies affaiblit l’exécutif à l’Assemblée

Alors que le gouvernement essaie de trouver une issue à la crise dans les raffineries, à l'Assemblée nationale, les débats sur le budget se tendent encore un peu plus. La majorité essuie revers sur revers. Et assiste, impuissante, à l'adoption d'amendements qui visent directement la politique économique d'Emmanuel Macron. L'exemple le plus frappant ? Cette nuit, un amendement déposé par le...Modem pour taxer les super dividendes a été largement adopté.
Fanny Guinochet
Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal.
Le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal. (Crédits : Reuters)

A l'occasion de l'examen de la loi de programmation des finances 2023, le gouvernement s'attendait à un bras de fer difficile avec les oppositions, mais il n'avait pas imaginé que le conflit social dans les raffineries compliquerait encore la donne. Alors que la CGT appelle à la grève générale interprofessionnelle et nationale mardi prochain, espérant embarquer de nombreux secteurs dans le mouvement pour des hausses de salaires, le gouvernement peine à défendre devant les députés ses positions économiques. Ainsi, la nuit dernière, les parlementaires ont-ils adopté, contre l'exécutif, un amendement qui relève la taxation des super dividendes.

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Fissures dans la majorité

Le coup n'est pas parti de la Nupes ou du RN, mais du Modem, pourtant partenaire de la majorité.  L'amendement a en effet été porté par Jean-Paul Mattei, président du groupe Modem à l'Assemblée, au motif qu'il faut, dans cette période d'inflation pendant laquelle des Français ont dû mal à joindre les deux bouts, « dissuader les grandes entreprises de distribuer aux actionnaires des super dividendes ». Un positionnement qui, sans surprise, a reçu les soutiens de la Nupes, du RN, mais aussi d'élus LR.

Affront supplémentaire pour l'exécutif, l'amendement a été voté par 19 membres de la macronie, dont le suppléant... d'Elisabeth Borne à l'Assemblée.

Et ce, malgré les demandes insistantes de retrait formulées par Gabriel Attal, le ministre des comptes publics, mais aussi de Jean-René Cazeneuve, le rapporteur Renaissance. La majorité présidentielle s'est donc fracturée sur ce que d'aucuns appellent déjà « l'amendement Total ».

Relèvement de la « flat tax »

Ainsi, malgré les requêtes gouvernementales, les députés ont largement voté dans l'hémicycle (227 voix favorables, 88 contre) cette disposition qui vise à relever temporairement de 5 points, à 35 %, le prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes qui dépassent de 20% la moyenne de ceux versés au cours des cinq dernières années, entre 2017 et 2021.

« Ce vote n'aurait jamais eu lieu, si nous n'étions pas dans ce contexte de grogne sociale dans le pays, avec des mobilisations chez TotalEnergies qui a engrangé des milliards d'euros de bénéfices », assure un ministre, fou de rage. En septembre dernier, le géant pétrolier a annoncé le versement d'un dividende exceptionnel de 2,6 milliards d'euros. Et ce ministre de poursuivre : « A défaut de voter une taxe sur les super profits, les députés se sont rabattus sur celle sur les super dividendes ».

Pour l'exécutif, cette « flat tax » reste « un très mauvais signal », pour reprendre l'expression de Gabriel Attal, envoyé aux milieux d'affaires, et une fragilisation de la politique de l'offre portée par Emmanuel Macron.

Vote du rétablissement de « l'exit tax »

Mais aussi violent soit-il, ce camouflet n'est pas le seul. Loin de là. Ce jeudi matin, les députés ont par ailleurs voté un amendement qui rétablit « l'exit tax », destiné à lutter contre l'évasion fiscale des entrepreneurs. Il s'agit de rétablir une taxe sur les plus-values latentes des chefs d'entreprise qui décident de transférer leur domiciliation fiscale à l'étranger en cas de cession effective de leur patrimoine en France dans les 15 ans après leur départ.

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La suppression partielle, en 2018, de cette « exit tax » était un symbole fort du premier quinquennat Macron, au nom de la politique d'attractivité de la France. Elle avait été remplacée par un dispositif plus léger de cession de patrimoine.

Porté par le député LR Fabrice Brun, l'idée de rétablir cette disposition a été approuvée à la quasi-unanimité des oppositions. Et là encore, selon un conseiller parlementaire de la majorité, nul doute que le contexte social plaide en défaveur de l'exécutif. Il s'agit, selon lui, « de détricoter toute la politique économique mise en place par le président, à un moment où les Français sont inquiets par leur pouvoir d'achat, et demandent des hausses de salaires aux entreprises. »

Une série de camouflets pour le parti présidentiel

Plus globalement, depuis le début de l'examen du budget, en première lecture, le gouvernement enchaîne une série de revers. Les oppositions ont notamment réussi à rejeter, par 192 voix contre 175, l'article liminaire du budget dans lequel était inscrit l'objectif de contenir le déficit public à 5% du PIB en 2023. Ayant du mal à garder son calme, Gabriel Attal le ministre des comptes publics a alors lancé : « Vous êtes réunis Nupes, Rassemblement national et LR pour priver la France de tout cap.»

Dans un contexte de grogne sociale, le gouvernement peine à défendre ses positions. Prendre parti pour des baisses de charge des entreprises semble difficile. Et la discussion sur la réduction progressive des impôts de production - de 4 milliards d'euros par an n'a pas encore eu lieu.

Aussi, plus que jamais, le déclenchement du 49.3 pour adopter le budget sans vote, semble inéluctable.

Fanny Guinochet
Commentaires 16
à écrit le 14/10/2022 à 12:36
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Rien de vraiment inattendu dans l'actualité socio politique. Les députés font leur show, les CGT lance la grève tout azimut pour aider Poutine et ne rien apporter au peuple et l'Etat essaie de s'adapter.. Résultat aux prochaines élections peut-être b...

à écrit le 14/10/2022 à 11:51
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Avec les grèves des carburants et la grève générale prévue le 18 octobre, la France déjà mal engagée en croissance va perdre 0,5 à 1 point de croissance au 4ème trimestre 2022, et aussi les taux d'endettement à 10 ans viennent de passer la barre des ...

à écrit le 14/10/2022 à 10:23
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l'affaiblissement de l’exécutif à l’Assemblée, c'est de l'auto entreprenariat de Renaissance elle même,l'inflation réelle est supérieure à 11 % ... il est contre productif que nos gouvernants annonce 5% ; CE QUI SERAIT PRODUCTIF, c'est que de très lo...

à écrit le 14/10/2022 à 9:50
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au lieu de ne voir que la reforme des retraites ce qu'"ilfaut c'est une reforme profonde de l'etat et supprimer toutes les couches administratives region communes ainsi que les prefets qui n'ont plus de raison d'etre si un president peut etre elus...

à écrit le 14/10/2022 à 0:50
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Plutôt que voter une hausse dérisoire de 5 % du bouclier fiscal sur les dividendes, dans un élan de simplification administrative et de réduction du coût de perception des impôts, le parlement aurait mieux fait d'abroger le bouclier fiscal de 30 %...

le 14/10/2022 à 9:31
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👍👏

à écrit le 13/10/2022 à 20:02
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Le gvt en col roulé a encore frappé! Qu' observons nous? Qu' une alliance cachée d’anciens Young Global Leaders du WEF travaille maintenant de concert pour détruire l’économie et créer une crise du coût de la vie afin que la Grande Réinitiali...

à écrit le 13/10/2022 à 18:41
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"les députés ont largement voté dans l'hémicycle (227 voix favorables, 88 contre) cette disposition qui vise à relever temporairement de 5 points, à 35 %, le prélèvement forfaitaire unique sur les dividendes..." Quelle mascarade politique, une ...

à écrit le 13/10/2022 à 17:43
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Le début de la fin ? Avec toutes les affaires en cours, voir affaire Kholer, sans parler d'Alstom et actuellement la courbette aux US sur l'Ukraine (comme sur tous les sujet d'ailleurs, peut-être suite à la mise en examen, comme par hasard maintenant...

le 13/10/2022 à 20:41
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5.400.000 spectateurs pour Macron hier soir en prime time sur France2! Un score minable pour un président minable!

à écrit le 13/10/2022 à 17:22
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En même temps, qu'attendre d'un "ancien" banquier comme président? Le dernier banquier/président - G. Pompidou - n'a-t-il pas servi de leçon à la France, elle qui devait franchir en 1973 une étape historique sur le chemin de la libéralisation financi...

à écrit le 13/10/2022 à 17:17
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L'obsession ultralibérale du gouvernement consistant à ne pas augmenter les impôts des entreprises et des personnes les plus riches devient parfaitement ridicule et dangereuse compte tenu du contexte économique et de l'inflation qui appauvrit gravem...

à écrit le 13/10/2022 à 16:58
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Sauf erreur, les deux chambres du Parlement n'ont pas adopté l'exécution du budget 2021 que l'Assemblée Nationale avait voté; il est un peu fort que ces salariés de luxe (voir le budget de l'Assemblée Nationale) bâtissent un budget à leur convenance ...

le 14/10/2022 à 9:04
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Nos députés et sénateurs sont parmi les moins bien payés en Europe. Alors dans quel but proposez-vous de baisser encore les salaires des représentants du Peuple?

à écrit le 13/10/2022 à 16:24
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Au lieu d'aller dans le sens des populations, cela va dans le sens de l'administration de l'UE de Bruxelles ! What else! ;-)

à écrit le 13/10/2022 à 16:03
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je propose une supercontribution pour taxer les supertaxes, et le reverser aux pauvres de cette plan,ete ( moi, donc); ca serait juste et tolerant et ca reduirait les inegalites

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