Le gouvernement continue de dérouler son programme de coupes budgétaires. Après l'envoi du programme de stabilité à Bruxelles en avril, l'exécutif a fixé le cap des prochaines années lors des assises des finances publiques organisées ce lundi à Bercy. Accompagnée des ministres de l'Economie Bruno Le Maire et du ministre des Comptes publics Gabriel Attal, la Première ministre Elisabeth Borne est venue conclure cette matinée consacrée à la dépense publique .« Nous devons assumer de devoir faire des économies quand nous constatons que des dispositifs n'atteignent pas leurs résultats ou pas suffisamment », a-t-elle déclaré.
Pressé par le verdict des agences de notation, l'exécutif entend bien montrer qu'il poursuit une politique budgétaire plus restrictive. Mais derrière cette vaste opération de communication, les marges de manoeuvre du gouvernement sont particulièrement étroites.
La cheffe du gouvernement a confirmé qu'elle comptait sur la croissance pour rétablir les finances publiques. Mais la dernière prévision de croissance du PIB de l'Insee pour 2023 (+0,6%) révèle que l'économie tricolore s'est largement essoufflée au fur et à mesure des trimestres depuis l'éclatement de la guerre en Ukraine. Certes, l'inflation permet de réduire le ratio dette sur PIB en améliorant les recettes fiscales, mais les prix de l'alimentaire demeurent encore à un niveau élevé.
Sur le front social, les réformes de l'assurance-chômage et des retraites permettant de faire d'amples économies ces derniers mois ont laissé des séquelles importantes en France. Ces nouvelles coupes pourraient venir alimenter l'exaspération et la défiance des Français à l'égard du président Macron alors qu'ils sortent d'un printemps particulièrement électrique.
Des coupes dans les arrêts de travail, dans la fiscalité sur logement...
Dans le viseur du gouvernement, figurent notamment les arrêts de travail. Le ministre de l'Economie a évoqué « des dérives ». « Nous avons eu en 2022 8,8 millions d'arrêts maladie en France, contre 6,4 millions dix ans plus tôt. C'est une hausse de plus de 30 %, qui nous a conduit en 2022 à dépenser au total 16 milliards d'euros », a rappelé le locataire de Bercy.
Le gouvernement compte ainsi serrer la vis sur ces dépenses en convoquant les partenaires sociaux, les médecins conseils, la Caisse nationale d'assurance maladie en vue de la préparation du prochain budget de la sécurité sociale pour 2024 (PLFSS). Bruno Le Maire n'a cependant pas évoqué le contexte sanitaire encore très dégradé de l'année 2022. Pourtant, de nombreuses enquêtes depuis 2020 ont documenté la dégradation de la santé des travailleurs dans des secteurs particulièrement exposés aux risques d'infection. Bercy a également évoqué des pistes d'économies dans les dépenses de médicament. Sans surprise, le gouvernement a enfin rappelé la fin du dispositif Pinel et la réforme du prêt à taux zéro « là où il est le plus nécessaire ». Bercy a chiffré les économies réalisées sur ces deux derniers dispositifs à 2 milliards d'euros.
L'apprentissage et le CPF dans le viseur de l'exécutif
Parmi les autres pistes évoquées figurent les aides à l'emploi. Au moment de la pandémie, l'exécutif avait mis en place des aides très importantes pour subventionner l'embauche d'apprentis dans les entreprises du secteur privé. Dans une récente étude très détaillée, l'économiste de l'OFCE et spécialiste des questions de travail Bruno Coquet a dressé un bilan sévère sur le plan budgétaire de cette politique de l'apprentissage depuis la crise sanitaire.
Le chercheur qualifie son coût budgétaire de « nébuleux ». Ces aides massives à l'embauche se sont accompagnées d'une explosion du nombre de centres de formation des apprentis (CFA, multiplié par 4), passant de 954 centres en 2018 à 3.102 en 2023. Face à cette envolée, Bruno Le Maire a estimé qu'il était « possible de réduire le prix des formations payées par l'Etat pour les apprentis, pour compenser certains abus sur les marges ». Il a également évoqué des pistes d'économies sur le compte personnel de formation (CPF).
Des opérateurs de l'Etat sous surveillance
Les opérateurs de l'Etat vont également devoir se serrer la ceinture. Bercy entend les contraindre à « un retour des règles de bonne gestion budgétaire ». Il s'agit de « limiter leur trésorerie et d'engager une démarche de contractualisation », a précisé Bruno Le Maire. Le ministre de l'Economie a également ouvert l'épineuse question des taxes affectées. Les ressources d'un opérateur « doivent correspondre à ses besoins et ne peuvent constituer des rentes aux frais des contribuables », a poursuivi le ministre des Finances. En revanche, il n'a pas évoqué d'opérateur en particulier lors de son intervention.
Suppression des niches fiscales sur le carburant
Enfin, l'administration fiscale pourrait ainsi mettre fin aux avantages fiscaux sur les carburants dont bénéficient notamment les transporteurs routiers ou les agriculteurs. Ils seront supprimés progressivement d'ici 2030, avec un accompagnement pour les professions concernées. « C'est nécessaire pour mettre nos actions en cohérence avec nos engagements climatiques », a justifié le ministre de l'Economie.
Selon le syndicat agricole FNSEA, « cette mesure fiscale prise dans un objectif budgétaire n'est en aucun cas une réponse adaptée aux enjeux de transition des carburants agricole vers la sortie des énergies fossile ». Le syndicat majoritaire plaide dans un communiqué pour que le coût de la décarbonation soit « neutre » pour les agriculteurs et demande des « compensations réelles dans chacune des fermes françaises. »
Sur ces sujets explosifs, l'exécutif a promis une mise en oeuvre « progressive d'ici 2030 ». Déjà, lors du premier quinquennat Macron, le gouvernement avait déjà promis de revoir ces dépenses fiscales. Mais il s'était heurté à la fronde des secteurs du BTP et des travaux publics. Face aux craintes, Bruno Le Maire a promis « des mesures de compensation ».
Un principe d'auto-assurance pour les collectivités
L'autre nouveauté annoncée par le gouvernement est l'option d'une auto-assurance pour les collectivités. « Il s'agit d'utiliser les excédents budgétaires des collectivités pour qu'elles puissent se constituer des réserves financières en cas de coups durs », a indiqué Bruno Le Maire. Le ministre a également suggéré la mise en place « d'un haut conseil des finances publiques locales ».« Il réunira régulièrement, autour du ministre des Finances, tous les acteurs de la dépense locale à tous les échelons pour définir des choix stratégiques », a ajouté le numéro deux du gouvernement. Compte tenu de l'état houleux des relations entre les associations d'élus et le gouvernement, ces annonces pourraient faire un flop.
En effet, plusieurs organisations, dont la puissante association des maires de France (AMF), ont boudé le grand raout de l'exécutif à Bercy ce lundi. « La proposition de dernière minute de créer un haut conseil des finances locales sous l'égide du ministère des Finances, relève au mieux de la provocation, au pire du mépris à l'égard du Comité des finances locales, institution élue démocratiquement par l'ensemble des collectivités » a réagi en fin de semaine dernière l'AMF dans un communiqué. La promesse d'une « nouvelle méthode » ne semble pas convaincre les élus locaux.