L'économie française traverse toujours une zone de turbulences. Entre l'inflation élevée et une croissance atone, les ménages et les entreprises restent fébriles. La guerre en Ukraine et le durcissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) pèsent sur l'activité tricolore. « Le climat des affaires s'est érodé depuis plusieurs mois. Les dernières données du mois de mai montrent une accentuation de ce sentiment. La confiance des ménages reste également très dégradée. Elle n'est pas vraiment redressée depuis la guerre en Ukraine», a déclaré le chef du département de la conjoncture à l'Insee Julien Pouget lors d'un point presse.
L'institut de statistiques table sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 0,6% pour 2023 à la mi-juin, éloignant les craintes d'une récession partagées dans les milieux économiques et financiers. Dans les colonnes de La Tribune, le président du Medef Geoffroy Roux De Bézieux a exprimé ses doutes récemment. « Techniquement, la France ne sera pas en récession mais certains signaux montrent que l'on s'en approche », a-t-il dit.
En zone euro, le tableau est loin d'être réjouissant. La semaine dernière, Eurostat a indiqué que l'Union monétaire était officiellement en récession. Outre-Rhin, les indicateurs économiques sont au rouge. L'Allemagne pourrait connaître un recul de -0,3% de sa croissance en 2023 selon les statisticiens français. Ce repli pourrait avoir des conséquences importantes compte tenu du poids de l'économie germanique dans le produit intérieur brut de la zone euro.
L'inflation pourrait terminer 2023 à 4,4%
L'éclatement de la guerre en Ukraine en février 2022 a propulsé l'indice des prix à la consommation à des niveaux inédits depuis 40 ans en Europe. L'envolée des étiquettes à mis sous pression les ménages et les entreprises confrontés à des prix de l'énergie et de l'alimentaire vertigineux. Face à cette flambée, la Banque centrale européenne a sorti l'artillerie lourde à l'été 2022 en annonçant un relèvement brutal de ses taux et l'arrêt de sa politique monétaire accommodante (Quantitative easing ou QE). Un an après, les effets de cette politique monétaire restrictive commencent à apparaître. Et c'est loin d'être fini. L'institut de Francfort vient d'annoncer qu'elle allait poursuivre la hausse des taux.
Ce jeudi, l'Insee a confirmé que l'indice des prix à la consommation avait bien marqué le pas en mai à 5,1%, une première après de longs mois consécutifs de hausse. Et ce virage pourrait se poursuivre au moins jusqu'à la fin de l'année puisque l'Insee table sur une inflation à 4,4% à la fin de l'année 2023.
Le reflux des prix de l'énergie et ceux de l'alimentaire devraient alléger la facture des entreprises et des Français dans les mois à venir. « Les prix à la consommation des produits alimentaires pourraient refluer d'ici la fin de l'année. L'inflation alimentaire atteindrait 7% en décembre », a affirmé Olivier Simon de l'Insee, soit environ deux fois moins que le niveau actuel (14%).
Consommation en berne
Ce repli de l'inflation pourrait cependant s'accompagner d'une consommation en berne. L'Insee prévoit ainsi un recul de la consommation des ménages de 0,2% en 2023. Dans le détail, l'inflexion est spectaculaire dans l'alimentaire (-8,9%) et la plupart des produits manufacturés. En revanche, la consommation se maintient en territoire positif dans les services. Ce fléchissement de la consommation, traditionnel moteur de l'économie française, traduit un pouvoir d'achat en berne. L'Insee projette une stagnation du pouvoir d'achat par unité de consommation en 2023 (0%), c'est-à-dire en prenant en compte les membres d'un ménage.
Après un précédent recul du pouvoir d'achat en 2022 (-0,4%), les Français vont encore devoir se serrer la ceinture au moins jusqu'à la fin de l'année. Une grande partie des revenus des ménages (salaires, primes, revenus des indépendants) continue d'augmenter moins vite que l'inflation. Ce qui signifie que le revenu réel, c'est-à-dire en prenant en compte l'inflation, baisse pour de nombreuses familles. Dans le secteur privé par exemple, toutes les catégories professionnelles ont enregistré un recul de leur salaire au premier trimestre selon une note de la direction statistique du ministère du Travail (Dares).
Une croissance du PIB à 0,6% en 2023
L'économie devrait accélérer de 0,6% en 2023 selon la première estimation de l'Insee pour cette année. Après 2,2% en 2022 dans le sillage du rebond post-pandémie, l'activité hexagonale ralentit grandement. Dans le détail, la croissance trimestrielle ne devrait pas dépasser 0,2% cette année et l'Insee vient de réviser à la baisse la croissance du second trimestre de 0,1 point. Le PIB ferait presque du surplace entre fin mars et fin septembre avant de légèrement rebondir.
Du côté de la demande des ménages, des investissements des entreprises ou des collectivités, la plupart des voyants sont au rouge. En revanche, le commerce extérieur devrait soutenir l'activité. « Il y a assez peu de soutien à la croissance en 2023. La contribution du commerce extérieur viendrait soutenir l'activité par une hausse des exportations mais surtout une baisse des importations », a résumé Julien Pouget.
Un chômage à 7,1% fin 2023, des créations d'emplois au ralenti
Sur le front du chômage, l'Insee projette un taux rapporté à la population active de 7,1% d'ici la fin de l'année. Les créations d'emplois devraient nettement ralentir en 2023 à 175.000 contre 445.000 en 2022. Malgré une croissance morose, l'économie française continue de créer des jobs. « La relative bonne santé de l'emploi ne se dément pas au fil des trimestres », a indiqué à La Tribune Julien Pouget. « L'emploi a quand même fléchi dans la construction au premier trimestre. C'est une première depuis 2016 et nous prévoyons un recul dans les trimestres suivants », nuance-t-il.
Ce paradoxe entre l'activité morose et l'embellie sur le marché du travail continue d'étonner. « Sans avoir de conclusion définitive, l'apprentissage a soutenu les chiffres de l'emploi. Certains secteurs ont été bridés dans leur difficulté d'approvisionnement. Beaucoup d'entreprises ne sont pas pour autant séparées de leur personnel, notamment dans l'automobile », a-t-il poursuivi. Mais, « ces explications sont de moins en moins pertinentes à mesure que les problèmes d'approvisionnement se résorbent », ajoute-t-il. Les entreprises continuent d'embaucher plus pour produire autant, voire moins. Ce qui a des conséquences inquiétantes sur la productivité partout dans la zone euro.