Le spectre du chômage de masse prend de l'ampleur dans la tête des Français. Selon le dernier baromètre de l'Unédic réalisé par Elabe et publié ce jeudi 24 septembre, 73% des répondants estiment que le marché du travail s'est dégradé. Il s'agit d'une très forte hausse par rapport à la dernière enquête (+27 points). À l'opposé, 23% des personnes interrogées jugent que le marché du travail est resté le même (-16 points) et seulement 4% pensent qu'il s'est amélioré (-11 points).
La propagation du virus sur l'ensemble du territoire depuis le printemps a plongé l'économie française dans l'incertitude la plus totale. Des millions de salariés se sont retrouvés en chômage partiel en seulement quelques jours. Avec la mise sous cloche de secteurs entiers comme la restauration ou l'hôtellerie pour limiter la propagation du virus, l'activité tricolore a enregistré une chute brutale et violente pendant les huit semaines de confinement avant de pouvoir redémarrer progressivement. Depuis la rentrée et la résurgence du virus, les craintes se multiplient dans la population active.
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Un sentiment qui traverse toutes les catégories
Ce sentiment d'inquiétude est partagé par l'ensemble des catégories socioprofessionnelles. Ainsi, 93% des Français déclarent que tout le monde peut connaître une période de chômage au cours de sa carrière. Et ils estiment qu'aucun profil ne se dégage.
"La crise sanitaire et économique amplifie la crainte liée à l'emploi. La dégradation assez forte est perçue de manière assez homogène par toutes les catégories socioprofessionnelles", a expliqué Christophe Valentie, directeur général de l'Unédic lors d'un point presse.
Cette idée de vulnérabilité pourrait encore se renforcer dans les mois à venir avec la multiplication des plans sociaux et de la montée du chômage.
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Le chômage partiel a plutôt été bien vécu
La montée en puissance du chômage partiel pour limiter la casse sociale et préserver le revenu des travailleurs a été plutôt bien vécu par les personnes interrogées. Selon l'enquête de l'Unédic, la grande majorité (83%) des bénéficiaires de l'activité "partielle" ne s'est pas sentie comme "chômeurs", un ratio qui monte à 90% chez les actifs qui ont été en activité partielle une partie seulement de leur temps de travail.
Au final, le chômage et le chômage partiel sont perçus comme "deux univers strictement distincts" expliquent les auteurs du baromètre. "Pour les personnes interrogées, le chômage partiel a permis de préserver une grande partie des revenus et des emplois. En revanche, 68% des répondants affirment que les entreprises ont abusé de ce dispositif pour ne pas payer leurs salariés. Ce système ne fait que retarder la cessation d'activité".
Les délocalisations, première cause du chômage en France selon les Français
Une majorité de Français indique que le chômage est avant tout une situation "subie". Parmi les facteurs contribuant au chômage, les "évolutions de la société" au sens large sont d'abord citées par les répondants. Viennent en premier les délocalisations à l'étranger (39%, + 5 points), les destructions d'emplois par l'évolution des technologies, la numérisation et la robotisation (28%), la tendance des entreprises à faire plus avec moins de collaborateurs (26%).
De manière globale, les répondants évoquent également la responsabilité des entreprises pour expliquer la montée du chômage. "La réticence des entreprises à embaucher" (25%), "le manque de postes à pourvoir" (22%) et "les exigences excessives ou contradictoires de la part des recruteurs" sont les trois principales raisons avancées.
Enfin, une minorité de répondants estime que le chômage est une situation "choisie" en affirmant que les gens ne veulent pas travailler (18%). Ils évoquent également "le trop faible contrôle des chômeurs fraudeurs"(18%) et "le montant des allocations versées aux chômeurs" (15%) pour expliquer cette situation.
Un sentiment ambivalent sur l'assurance-chômage
L'opinion des Français sur ce système assurantiel est partagé. Si la perception des indemnités au chômage comme "droit utile et bouclier protecteur" s'est renforcée après la fin du confinement, le sentiment de "soupçon" augmente à l'égard des chômeurs qui ne voudraient pas reprendre une activité.
"38% (+5 pts) des Français considèrent que les demandeurs d'emploi sont des assistés, touchant des allocations trop élevées (36%, +4 pts), dont une partie d'entre eux fraudent (35%, +4 pts). Une majorité estime toujours qu'ils ne travaillent pas car ils ne font pas assez de concessions lors de leurs recherches d'emploi (56%) ou parce qu'ils ont peur de perdre leurs allocations (52%). Au total, 45% considèrent que la plupart des chômeurs ne cherchent pas vraiment à retrouver un emploi" affirme l'étude.
Ce soupçon est alimenté par le sentiment pour 4 Français sur 10 que ce système est "trop protecteur". Il n'encouragerait pas le retour à l'emploi. La crise n'a pas alimenté un plus grand sentiment de bienveillance à l'égard des chômeurs, au contraire.
L'étude montre également que les préjugés persistent dans l'opinion d'une partie des Français. Or, l'Unédic a rappelé lors de son point presse qu'un allocataire à l'assurance-chômage sur deux travaille, 2,6 millions de demandeurs sont indemnisés sur 6,1 millions d'inscrits et que le montant mensuel moyen de l'allocation chômage perçue est de 910 euros, soit 1.040 euros pour ceux qui ne travaillent pas et 610 euros pour ceux qui travaillent.
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Méthode : Elabe a interrogé plusieurs échantillons avant le confinement et après le confinement. Le premier panel est constitué d'un échantillon représentatif de la population française. Le second s'appuie sur un échantillon représentatif des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi. Pour obtenir les résultats de l'ensemble des Français, les deux cibles ont été fusionnées et les demandeurs d'emploi issu du fichier national des allocataires remis à "leur bon poids".