Comment redorer le blason de la perle de Tahiti ?

On la disait en péril. Mais, après une longue traversée du désert, le moment est peut-être venu pour la perle de culture de Tahiti de regagner le terrain perdu depuis l'époque bénie où elle représentait la deuxième activité économique polynésienne.
Aujourd'hui, le prix du gramme entame une petite remontée pour se négocier aux alentours de 1.000 francs CFP, soit un peu plus de 8 euros, mais c'est près de dix fois moins que dans les années 1990.

Terangui a le sourire aux lèvres et des étoiles dans les yeux. Sa dernière production de perles noires est d'excellente qualité. Elle en est certaine, les bijoutiers devraient s'arracher ces lots. Tout y est : la taille, les couleurs, la brillance, la nacre sont parfaites.

Elle repart le coeur léger sur son poti marara, le bateau de pêche à moteur tahitien, vers ses élevages de perles. Son secret espoir ? Relancer définitivement sa ferme perlicole qui, au milieu des années 2000, a failli disparaître. Pourquoi ? Comment ? Un retour en arrière s'impose.

Autrefois, seuls les plongeurs chanceux pouvaient trouver une perle dans une huître sauvage Pinctada margaritifera de lagon. Puis, après la création de la première ferme perlicole en 1968 à Manihi dans l'archipel des Tuamotu -, cette industrie a connu un essor fulgurant jusqu'à son apogée, au milieu des années 2000. Le secteur, qui représentait alors 60% des exportations polynésiennes et employait plus de 9.000 personnes, s'est hissé au deuxième rang de l'économie polynésienne, juste talonné par le tourisme.

Pendant cet âge d'or, des centaines de producteurs de perles venaient quotidiennement vendre leur production dans les bijouteries de Papeete. Les dépenses des Polynésiens explosaient. Les 4X4 flambants neufs pullulaient dans les rues de la capitale polynésienne et sur les routes des atolls.

Beaucoup de concessions marines

Et ensuite? Ce fut la dégringolade... Encouragées par le gouvernement, qui espérait grâce à la perle fixer les populations dans les îles éloignées de Tahiti - rappelons que la surface de la Polynésie française correspond à celle de l'Europe -, les initiatives entrepreneuriales se sont multipliées. Dans les Tuamotu, au nord des Iles de la Société dont fait partie Tahiti, plus de 7.000 personnes travaillaient dans ce secteur économique. Sur le seul lagon d'Ahe, toujours aux Tuamotu, on dénombrait près de 80 concessions perlicoles en mai 2012 sur les 700 recensées sur l'ensemble du territoire polynésien.

Une qualité sans égale ?

Le problème, c'est que le pire et le meilleur se sont vite côtoyés. Produite sans réellement de contraintes sur la qualité, frappées par des maladies qui ont affecté la production, la perle noire de Tahiti, la seule gemme française - elle est reconnue sur le marché mondial par la Confédération internationale de bijouterie, joaillerie et orfèvrerie (CIBJO) qui lui a donné ses lettres de noblesse en 1976, et par le Gemological Institute of America, qui a authentifié ses couleurs naturelles - a vu sa valeur chuter en très peu de temps entraînant la ruine d'un certain nombre de fermes perlicoles. Si le prix du gramme de perle pouvait atteindre 100 dollars à la fin des années 1990, il a chuté sous la barre des 5 dollars dans les années 2010. La crise mondiale a accéléré la chute d'un secteur dont le chiffre d'affaires était réalisé à 99% à l'international.

Recherche désespérément stratégie de développement

Si le Pays, le Fenua, a su mettre les fermiers le pied à l'étrier, demandant notamment à la Socredo, la filiale de BNP Paribas de soutenir le financement de la filière avec l'Agence française de développement (AFD), il n'a pas su mettre au point puis faire appliquer une stratégie de développement cohérente. L'instabilité politique, entamée en 2004, n'a pas arrangé les choses. Quant aux acteurs économiques, incapables de se structurer, ils ont préféré faire cavaliers seuls, affaiblissant leur pouvoir de négociation sur les marchés. Résultat, les principales ventes aux enchères des lots de perles ne sont plus organisées à Papeete mais à Hong Kong et à Kobé, au Japon, ce pays étant avec la Chine le premier marché des producteurs de perles polynésiens. Selon le ministère de la Relance économique et de l'Economie bleue, le chiffre d'affaires à l'export atteint actuellement 8 milliards de francs Pacifique (CFP) soit 67 millions d'euros environ, contre 15 à 20 milliards de francs CFP les années fastes (entre 125 et 167 millions d'euros).

Conséquence de ces multiples chocs, le nombre de concessions a reculé, la production également. Aujourd'hui, le prix du gramme entame une petite remontée pour se négocier aux alentours de 1.000 francs CFP, soit un peu plus de 8 euros. Les responsables du secteur et notamment le groupement d'intérêt économique (GIE) Perles Tahiti et les plus importants producteurs indépendants du secteur multiplient les initiatives pour faire remonter la qualité de la perle noire. Des initiatives auxquelles s'ajoutent les efforts de la recherche scientifique, via l'Ifremer, pour consolider les huîtres et améliorer encore et toujours le lustre des perles.

Vers la mise en place de quotas

Toujours soucieux de fixer les populations locales dans les archipels et de faire cesser les flux migratoires exclusifs vers Tahiti où vit 80% de la population de Tahiti et 55% de la population de l'ensemble polynésien, le gouvernement est également à la manœuvre. "C'est un secteur curieux. En tant que ministre de la Relance économique et de l'Economie bleue, je sais que la surface des concessions s'élève à 10.000 hectares, que l'on greffe 12.000 perles noires à l'hectare et pourtant, je ne connais pas la production totale de la filière", explique à La Tribune Teva Rohfritsch, le ministre de la Relance économique et de l'Economie bleue.

"C'est la raison pour laquelle, en concertation avec les professionnels, nous avons élaboré une nouvelle réglementation qui garantisse la qualité de notre production dans le plus grand respect des normes environnementales. Outre la création de comités de gestion pour chaque île perlicole qui seraient responsables de la qualité de la production et la simplification des procédures de commercialisation, nous sommes en train de réfléchir à la mise en place de quotas pour accélérer le redressement des prix", poursuit Teva Rohfritsch, qui souhaite également le rapatriement des ventes des principales enchères sur le territoire polynésien pour mieux contrôler les variations des cours de la perle.

Commentaire 1
à écrit le 29/09/2016 à 8:22
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La perle polynesienne, c'est comme le bleu, il fait mal aux yeux.

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