Le président aurait-il dû tourner sept fois sa langue dans sa bouche le 12 juillet dernier ? Certains, au gouvernement le pensent. Lors de son allocution cet été, Emmanuel Macron a annoncé l'instauration d'un revenu d'engagement pour les jeunes qui ne sont « ni en emploi, ni en formation ». Une allocation pour les aider à s'insérer sur le marché du travail, autour de 500 euros mensuels pour les 16-25 ans, soit un million de personnes. Sur le papier, la formule semble simple....
Reste que, cette proposition vire très vite au casse tête. Quel dispositif mettre en place pour que cette allocation ne se transforme en un RSA jeunes (revenu de solidarité active), ou en revenu universel ? Comment le calibrer pour ne pas trop creuser les comptes publics ? Comment faire aussi pour que la mesure soit efficace, qu'elle assure un véritable retour à l'emploi des bénéficiaires ? Alors que les missions locales et Pole emploi sont déjà débordés ? Et comment l'articuler avec d'autres dispositifs semblables, comme la garantie Jeunes ? Autant de questions sur lesquelles l'exécutif se déchire depuis plusieurs semaines. Le ministère de l'Economie freine, celui du Travail est plus allant... Et, le président s'exaspère. Lors d'une réunion à l'Elysée le 21 septembre dernier, Emmanuel Macron s'est agacé devant les propositions qui lui ont été faites. Et a demandé que la copie soit retravaillée. Le flottement est tel que le revenu d'engagement n'a pu être inscrit dans le projet de budget 2022.... Et des rumeurs d'abandon ont circulé.
Trouver la bonne formule, entre assistanat, et incitation à l'emploi
Sous pression, les conseillers de la macronie ont la difficile mission de trouver la bonne formule : « Le président a promis ce revenu d'engagement, il verra donc le jour, même s'il est un peu différent du projet initial », plaide l'un deux. Autrement dit, peu importe si l'ambition est revue à la baisse, ce qui compte c'est de sauver la face. Notamment face à une opinion publique qui ne croit plus en la parole politique.
En ce début du mois d'octobre, les contours de ce revenu d'engagement commencent à prendre forme. Pas question d'en faire un chèque en blanc sans contreparties, une allocation sans engagement. Le président, qui tient à faire campagne sur la valorisation du travail, veut un dispositif d'accompagnement renforcé, avec des droits et des devoirs.
La mesure doit assurer le retour à l'emploi. Elle sera donc conçue comme un contrat que le jeune devra respecter, sans quoi les versements seront suspendus. « Tout reposera sur un suivi personnalisé et intensif. Une sorte de coaching. Le jeune sera pris par la main quasi quotidiennement, pour apprendre à se lever, à renouer avec le travail, à se former », plaide un proche du dossier. Son nom ? « Parcours d'engagement », et non plus « revenu d'engagement »... La nouvelle appellation doit refléter ce sens de l'effort : exit le revenu d'engagement, place au parcours d'engagement.
Les opérateurs sollicités pour prendre en charge ces jeunes seront les missions locales et Pole emploi. En renfort, pourront être appelés des acteurs privés. Les entreprises aussi seront sollicitées pour faire découvrir à ces jeunes les métiers, et les encadrer. Des incitations financières pour encourager les employeurs à les accueillir sont d'ailleurs à l'étude. « Ce parcours d'engagement, ce sera un peu un ménage à 3 : le jeune, l'Etat et l'entreprise. Sans quoi, ce sera peine perdue », résume un proche du dossier.
500 000 jeunes bénéficiaires au maximum
Autre correction importante : ce dispositif ne concernera plus tous les jeunes NEET (ni en emploi, ni en formation), mais sera recentré sur ceux qui ont le plus besoin d'être aidés, les moins qualifiés, en rupture familiale. Selon une note interne au ministère du Travail, que la Tribune a pu consulter : « le parcours d'engagement sera ainsi proposé aux Neet de moins de 26 ans qui répondent à l'un des critères suivants : plus de 3 mois de non-emploi sur les 12 derniers mois, peu ou pas de qualification, et en situation de rupture familiale et décrochage de l'enseignement supérieur ou de l'Education nationale. ». De fait, il sera resserré et se limitera à 500.000 jeunes, soit deux fois moins que prévu initialement. Dans les versions initiales, les estimations budgétaires pariaient sur une enveloppe de 2 milliards d'euros par an. Elles devraient s'en tenir à un milliard annuel. Enfin, le futur dispositif prendra place aux côtés de la Garantie jeunes, déjà effective pour 200.000 jeunes éloignés de l'emploi cette année.
Le gouvernement revoit ainsi sa copie à la baisse, incité cette semaine par les dernières prévisions de l'Insee en matière de chômage. Aidé par un fort rebond de l'emploi salarié, le taux de chômage devrait connaître une nette baisse dès l'automne, pour s'établir à 7,6 % au troisième trimestre. Du jamais vu depuis 2008. Dans ce contexte, et alors qu'il y a des milliers d'offres d'emploi non pourvus, le gouvernement sait qu'en instaurant « un parcours d'engagement », il risque fort d'être accusé de favoriser l'assistanat. Et d'être tenu responsable de maintenir les jeunes dans l'inactivité. Cet écueil, Emmanuel Macron veut absolument l'éviter. Le président doit trancher prochainement. S'il veut inscrire ce parcours d'engagement dans le projet de loi de Finances, via un amendement gouvernemental, il lui reste à peine une petite quinzaine de jours pour se prononcer.