Egalité salariale : « 2082 », cette association qui forme les femmes à mieux négocier leur salaire

Créée en avril 2023, l'association 2082 a mis au point une plateforme dont l'objectif est de permettre aux femmes de s'emparer du sujet de la négociation salariale. Témoignages, formations, forums... La structure fondée par Elise Bordet a également élaboré un chatbot, qui permet de simuler un entretien, et ainsi de préparer les salariées à anticiper le jour J face au responsable des ressources humaines ou à leur manager. Si les écarts se réduisent entre hommes et femmes, le revenu salarial des femmes reste inférieur de 23,5% dans le secteur privé, selon les toutes dernières données de l'Insee.
Pauline Chateau
(Photo d'illustration).
(Photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

[Cet article a été initialement publié le lundi 18 septembre 2023 à 07h20 et a été mis à jour le jeudi 7 mars 2024 à ..., à la veille de la Journée internationale des droits des femmes]

La loi du 22 décembre de 1972 relative à l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes a introduit un principe majeur en France : « A travail égal, salaire égal ». Un demi-siècle plus tard, un constat reste criant à la veille de la Journée internationale des droits des femmes, vendredi 8 mars : si elles se réduisent, les inégalités salariales persistent.

Pour ceux qui en douteraient encore, il suffit de consulter les récentes données de l'Insee, dévoilées le 5 mars dernier.

« En 2022, le revenu salarial moyen des femmes est inférieur de 23,5% à celui des hommes dans le secteur privé [soit un écart financier de 6.000 euros par an, NDLR] (...). A temps de travail identique, le salaire moyen des femmes est inférieur de 14,9% à celui des hommes », observe l'institut.

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Coût social

Et le chemin paraît encore long, si l'on se fie au rapport du Forum économique mondial paru en 2022. L'organisation avance qu'il faudra encore patienter 60 ans pour combler l'écart entre les hommes et les femmes en Europe. Pour y remédier, Elise Bordet, ingénieure agronome de formation, a créé l'association 2082, avec un objectif : former les femmes à la négociation salariale.

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De fait, elles sont moins enclines que leurs collègues masculins à oser s'en emparer. Non seulement, elles se perçoivent parfois comme moins légitimes, mais elles redoutent aussi l'impact d'une telle demande. « Ne pas oser, c'est avoir peur de déplaire, avait soutenu Elise Bordet auprès de La Tribune, en septembre dernier. On nous a enseigné, consciemment ou inconsciemment, que nous devions rester à notre place, faire plaisir à tout le monde et s'assurer que tout le monde se sente bien. »

« Il y a un coût social, lorsqu'une femme négocie : on a tendance à la trouver plus autoritaire, donc on a moins envie de travailler avec elle et d'accéder à ses demandes », avait conforté Morgane Dion, formatrice en négociation salariale et co-fondatrice de Plan Cash, média consacré aux femmes sur la gestion financière, auprès de La Tribune, également contactée l'an dernier.

S'entraîner grâce à l'intelligence artificielle

Pour inciter les femmes à se relever les manches, l'association 2082 a mis sur pied une plateforme, élaborée comme une boîte à outils. Moyennant une adhésion de trente euros, les utilisatrices accèdent à des modules de formation, des interviews de spécialistes, et à des forums de discussions.

Sollicitée fin février 2024 par La Tribune, Elise Bordet nous indique que l'association compte désormais 300 adhérentes. De nombreuses d'entre elles ont pu bénéficier des offres de coaching proposées par sa structure.

« Malgré les lois qui interdisent les écarts de salaires, le système n'a pas réussi à changer. La meilleure chose à faire n'est donc pas de changer le système, mais bien de changer la personne qui est dans le système, et ainsi de donner aux femmes tous les outils nécessaires pour qu'elles puissent changer les choses elles-mêmes », avait défendu Elise Bordet, en septembre.

« En mettant à disposition des femmes des méthodes simples, je pense que nous pourrons dire au revoir à deux syndromes les plus répandus : le syndrome de l'imposteur et le syndrome de la bonne élève », avait salué Guila Clara Kessous artiste de l'Unesco pour la paix qui incarne « l'entreprenariat diplomatique », qui soutient l'association 2082.

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Cette dernière a également mis au point un chatbot. L'idée est simple : simuler une conversation et permettre aux femmes de s'entraîner seule pour réclamer une hausse de leur rémunération.

« Le chatbot reproduit un échange avec un manager ou un DRH, je vois plusieurs aspects pédagogiques à cela : les femmes sont obligées d'avoir préparé des arguments pour espérer obtenir leurs augmentations, avait fait valoir Elise Bordet. Ensuite, les femmes peuvent s'entraîner quand elles le souhaitent, l'accès est gratuit et illimité pour toutes nos adhérentes, donc le coût est bien plus faible qu'un coaching et cela s'adapte beaucoup mieux à leurs emplois du temps surchargés. Grâce à cet outil nous pouvons aider et entraîner un maximum de femmes à la négociation salariale. »

A date, fin février 2024, 100 femmes ont utilisé le chatbot afin de s'entraîner à négocier leur rémunération, nous a-t-on indiqué.

Un outil difficile à « personnaliser » ?

Le recours à l'intelligence artificielle peut-il pour autant suffire à inciter les femmes à s'emparer du sujet, et in fine, à réclamer leur dû ? En septembre dernier, Morgane Dion avait reconnu l'intérêt de pouvoir « s'entraîner sur des scénarii ». Elle avait même estimé qu'à terme l'IA pourrait même faciliter la préparation d'éléments factuels nécessaires à l'entretien (rémunérations pratiquées sur le marché, par exemple).

La formatrice en négociation salariale avait toutefois jugé qu'il reste compliqué de « personnaliser » un tel outil.

« Selon le métier que vous faites, le secteur dans lequel vous travaillez, votre passif professionnel... Il y a tellement d'éléments à prendre en compte qui sont de l'ordre du subjectif », avait-elle énuméré.

Interrogée sur ce point, Elise Bordet avait assuré que le chatbot développé par l'association 2082 est « personnalisable en rentrant une description succincte du métier occupé et du rôle assigné ». « La solution idéale consistera dans un chatbot qui s'adaptera totalement aux informations et au profil de chacune des adhérentes », avait-elle reconnu.

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Plus de transparence

Tout comme Elise Bordet, Morgane Dion avait surtout estimé que les inégalités salariales relèvent de difficultés systémiques. « Il ne faut pas penser qu'il appartient uniquement aux femmes de régler le problème [de la parité], avait-elle insisté. Tant que nous aurons des process biaisés, que les recruteurs seront mal à l'aise face à une femme qui négocie... Les femmes auront beau être les plus confiantes et les mieux préparées [pour engager une négociation salariale], il y aura toujours des freins. »

« Il est vrai que les progrès en matière de parité sont lents, mais si on se décourage, nous n'arriverons nulle part », avait rétorqué Guila Clara Kessous. La fondatrice de l'association 2082 se voulait, elle aussi, résolument optimiste, tablant sur les réglementations à venir, imposant notamment de nouvelles obligations de reporting de durabilité plus exigeantes avec la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), forceront les entreprises à faire preuve d'une plus grande transparence en matière d'égalité des genres.

Signe que ces dernières commencent à se saisir de ces enjeux, l'association 2082 intervient désormais auprès des entreprises, proposant ainsi des ateliers et formations sur la « base du volontariat », avec l'espoir « d'ouvrir les yeux » des managers.

Pauline Chateau
Commentaires 2
à écrit le 08/03/2024 à 9:16
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Il serait plus simple d'obliger à payer les mêmes salaires aux hommes et aux femmes comme dans l'administration, sous peine d'amendes colossales !

à écrit le 08/03/2024 à 8:10
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LOOOL !! Et pôle emploi, enfin france travail maintenant, alors !? ^^ Ce truc ne sert définitivement à rien ? On débranche quand le tuyau ?

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