La contre-attaque n'a pas tardé. Après les propos tenus par Jean-Bernard Lévy, encore président d'EDF, lors des rencontres du Medef, sur la frilosité des derniers gouvernements à trancher sur la stratégie à suivre pour notre politique nucléaire, Elisabeth Borne a tapé du poing sur la table, au micro de France Inter, ce matin. « Je compte vraiment sur EDF pour assurer son programme de redémarrage dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, et ça nous éviterait de devoir redémarrer une centrale à charbon. »
Aujourd'hui, seuls 24 des 56 réacteurs du parc nucléaire d'EDF sont actuellement en service, les autres étant à l'arrêt pour des opérations de maintenance programmées ou suite à des problèmes de corrosion qui n'étaient pas prévus.
Jean-Bernard Lévy avait fustigé, devant les patrons réunis lors de la Rencontre du Medef et devant la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, le manque d'anticipation du gouvernement pour former du personnel compétent dans le secteur nucléaire.
« Assurer les opérations de maintenance nécessaires et recruter »
Pour la cheffe du gouvernement, les responsabilités sont plutôt à trouver du côté de la direction d'EDF : « On n'a pas dévié, depuis 2017 on demande à EDF de mettre en œuvre son programme de maintenance lourde, de recruter des compétences. Ce n'est pas parce qu'on a fermé deux réacteurs, à Fessenheim, suite aux décisions prises sous le quinquennat de M. Hollande, qu'on n'a pas assuré EDF qu'il faudrait continuer à produire de l'énergie nucléaire. »
Et d'insister : « Entretemps, on a acté qu'on allait construire des nouveaux réacteurs, mais sur le parc existant, c'est très clair, il n'y a jamais eu aucune ambiguïté. Évidemment, il faut prolonger ce parc, il faut assurer les opérations de maintenance nécessaires et recruter ».
Le recrutement du président d'EDF « en cours de finalisation ».
Celui du nouveau patron d'EDF est d'ailleurs toujours « en cours de finalisation », a indiqué la cheffe du gouvernement, sans donner de date. Un changement de tête qui intervient au moment où l'État a engagé la renationalisation à 100% du groupe.
Il va falloir trouver un responsable capable d'apaiser les relations entre l'entreprise et l'Etat. Le 9 août dernier, EDF déposait un recours contentieux auprès du conseil d'Etat pour réclamer à son actionnaire 8.34 milliards d'euros. L'opérateur demande des compensations en contrepartie de l'application du « bouclier tarifaire ». En contenant la hausse des tarifs réglementés de l'électricité à 4% jusqu'à la fin de l'année 2022, le gouvernement a, en effet, contraint EDF à augmenter de 20% le quota annuel d'électricité vendu à prix réduit à ses concurrents, à 120 TWh (contre 100 TWh auparavant). Cette vente se fait dans le cadre du mécanisme baptisé « Accès régulé à l'électricité nucléaire historique » (Arenh), régulièrement dénoncé par EDF.
Une perte de 5,3 milliards d'euros au premier semestre
C'est d'ailleurs l'une des causes des mauvais résultats affichés par l'électricien français au premier semestre qui a subi une perte historique de 5,3 milliards d'euros. « Y a-t-il déjà eu dans l'histoire d'EDF un semestre dont les chiffres étaient aussi négatifs ? J'en doute beaucoup » , reconnaissait Jean-Bernard Lévy lors de la présentation des résultats. Parmi les facteurs avancés : « L'effet du bouclier tarifaire mis en place en France pour 2022 » mais aussi « les difficultés rencontrées en matière de production nucléaire en France et dans une moindre mesure hydroélectrique ».
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Plainte de certains actionnaires contre l'Etat
Une association d'actionnaires salariés d'EDF a déposé une plainte judiciaire contre X pour contester la gestion par l'Etat du groupe depuis son entrée en Bourse, a-t-on appris jeudi auprès de l'association Energie en actions. Cette plainte de 59 pages, qui comprend 112 pièces, a donc été déposée mercredi au secrétariat de la procureure de la république auprès du tribunal judiciaire de Paris, selon un récépissé dont l'AFP a pris connaissance. Parmi les principaux griefs, la vente, à prix inférieur aux coûts de production, à la concurrence, d'une partie de la production d'électricité nucléaire du groupe, selon le mécanisme dit de l'Arenh (Accès régulé à l'électricité nucléaire historique), mis en place en 2010 pour éviter des poursuites de la Commission européenne, dans le cadre de la loi Nome, réformant le marché de l'électricité en France.