L'étau se resserre, et les chances de passer l'hiver sans coupures s'amincissent. En effet, alors qu'EDF a déjà largement abaissé ses prévisions de production nucléaire pour cet hiver, avec 280 à 300 térawattheures (TWh) seulement générés cette année (contre environ 400 en temps « normal »), le fournisseur historique a fait savoir ce jeudi que cinq réacteurs verront leur arrêt prolongé de plusieurs semaines.
De quoi alarmer un peu plus le marché, qui anticipe un manque d'électricité en France dans les prochains mois. Résultat : le mégawattheure (MWh) s'échange désormais à plus de 1.500 euros sur la bourse EEX pour le 1er trimestre 2023, contre environ 50 euros avant la crise.
Et pour cause, plusieurs centrales font face à un défaut de corrosion dont l'origine et l'ampleur restent inconnus, et qui a déjà obligé EDF à mettre à l'arrêt 12 réacteurs nucléaires. Concrètement, quatre réacteurs dont la fermeture sera prolongée le seront pour cette raison : Cattenom 1, 2 et 3, ainsi que Penly 1, dont les remises sur le réseau sont respectivement prévues les 1er novembre, le 1er décembre, le 14 novembre et le 23 janvier. Cela représentera ainsi 3 gigawatts de moins pour le réseau en octobre, 2 GW en novembre et 700 mégawatts en décembre, sur les quelque 61 GW de capacité du parc français.
« La raison est simple : nous avions élaboré un programme de contrôle et de réparation des réacteurs touchés par le défaut de corrosion soumis à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), que cette dernière avait validé dans les grandes lignes. Mais les analyses de résultats des derniers examens sur ces quatre réacteurs nous permettent de préciser le calendrier de programme de réparation », explique-t-on chez l'électricien.
Quant au cinquième réacteur dont l'arrêt est maintenu, il s'agit de Bugey 2, non touché par un défaut de corrosion mais qui devra subir des « opérations de maintenance ».
Les objectifs de production restent maintenus
Pour autant, ces prolongations « n'auront pas d'impact sur les prévisions de production nucléaire », même si celle-ci se situerait« plutôt sur le bas de la fourchette », soit autour de 280 TWh, explique à La Tribune un porte-parole. « On remplira les objectifs », insiste-t-il. De fait, pour faire face à la hausse de la consommation, EDF prévoit toujours de remettre en service environ 40 GW d'ici à fin décembre, alors que 32 réacteurs nucléaires sur 56 sont aujourd'hui arrêtés.
Il n'empêche que la situation inquiète. Car le pays disposera de très peu de marges, et pourrait voir la situation lui échapper en cas de forte demande, notamment si l'hiver s'avère plus froid que prévu. Par ailleurs, ce problème d'indisponibilité des centrales nucléaires ne sera pas réglé demain : EDF devra contrôler l'ensemble de son parc d'ici à 2025 par ultrasons pour rechercher d'éventuelles traces du défaut de corrosion, en priorisant les zones les plus sensibles des réacteurs de 1.450 MW (les plus puissants) et certains de 1.300 MW.
Enfin, l'indisponibilité historique de ses réacteurs pourrait coûter très cher à EDF lui-même, au moment où l'énergéticien public gagne de plus en plus de clients, effrayés par l'impact possible de la crise de l'énergie sur leurs factures et désireux de se voir protégés par le bouclier tarifaire. De fait, pour assumer ces nouveaux arrivants, le groupe devra racheter de nombreux électrons sur les marchés à terme, tirés à la hausse par ses propres déboires. Pour l'instant, EDF estime l'impact de la corrosion sous contrainte sur le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements (Ebitda) à 24 milliards d'euros environ cette année, a précisé fin juillet le PDG d'EDF, Jean-Bernard Lévy.
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