Dur, dur, d'être « progressistes » en macronie en 2021

POLITISCOPE. A l'aile gauche du macronisme, Territoire de Progrès regroupe deux catégories de soutiens du futur candidat-président : ceux qui, tel Gilles Savary, prennent leurs distance pour tenter d'infléchir le centre de gravité de LREM... vers la gauche. Et ceux, ministres comme Olivier Dussopt, Emmanuelle Wargon, mais aussi Florence Parly ou Elisabeth Borne, qui, tiraillés entre leur loyauté au président et leur désir de peser dans le rapport de force, peinent à faire exister ce courant "social-démocrate". Vivre ou mourir en macronie, « TDP » doit choisir.
(Crédits : Philippe Wojazer)

Il est loin le temps où Emmanuel Macron rencontrait le pôle des réformateurs du PS à Léognan en Gironde. C'était la fin août 2015, et le ministre de l'Economie de François Hollande y retrouvait notamment les socialistes Gérard Collomb, Gilles Savary, et Jean-Marie Le Guen. La rencontre avait été fructueuse, les débats riches, les espoirs intenses. Ces aînés de la politiques, qui se définissaient comme « sociaux-démocrates », avaient cru trouver en Emmanuel Macron leur meilleur champion. Très logiquement, les trois hommes appelèrent à voter pour lui en 2017. Gérard Collomb devint l'un de ses plus proches avant de rompre brutalement suite à l'affaire Benalla.

Chez Gilles Savary, la prise de distance est plus discrète mais néanmoins réelle. Sauf que le girondin est moins affectif que le lyonnais. Plus terre-à-terre, pragmatique diront certains. L'ancien socialiste voit bien que la vague macronienne a tellement tout renversé sur son passage depuis bientôt cinq ans qu'il est bien difficile de faire sans désormais. Ce qui n'empêche pas de continuer à vouloir faire de la politique, de faire progresser le débat d'idée, de jouer le rapport de force quand il est nécessaire. Bref, d'avancer, tout en préparant l'avenir. C'est ainsi que Gilles Savary, devenant le patron du mouvement Territoire de Progrès lors de sa fondation en janvier 2020, a décidé de larguer les amarres à l'égard du parti présidentiel des origines, le bateau LREM, plus que jamais en perdition. Et si « TDP » continue de s'inscrire auprès d'Emmanuel Macron - au point d'être présenté comme « l'aile gauche » de la majorité par la presse-, ce n'est pas pour autant pour être inféodé aux novices en politique qui ont coulé « En Marche », faute d'avoir su faire vivre l'esprit des marcheurs une fois atteint le pouvoir.

C'est du moins ce que l'on comprend en lisant le texte fondateur que Gilles Savary a proposé en vue du prochain congrès de Territoire de Progrès qui doit se tenir le 9 octobre prochain. Dans cette nouvelle production, Savary rappelle que dans la tribune fondatrice de « TDP » d'octobre 2019, signée alors par 75 personnalités, la conclusion était la suivante : « Notre projet, c'est de proposer un pôle de gauche indépendant de LREM au sein de la majorité présidentielle ». Dans la tête de Savary, et de ses soutiens, il s'agit bien de constituer une nouvelle « formation politique », fondée par des « statuts », financée par des « cotisations », fixant des « lignes directrices politiques », afin de constituer une « base politique ». Autant d'objectifs et de procédures totalement absents du corpus et du fonctionnement de la coquille vide LREM.

« Le projet de TDP est de participer à la refondation d'une gauche de Gouvernement », rappelle aujourd'hui Gilles Savary. Ajoutant : « Nous entendons encourager et soutenir sa candidature éventuelle à un second mandat, sans y dissoudre notre projet politique central de participer  à refonder une gauche moderne porteuse d'une offre politique singulière ». Gilles Savary l'assure : « Nous sommes ni une écurie, ni une chapelle ». Le patron de TDP estime néanmoins que ce nouveau mouvement souffre d'un « déficit d'incarnation ». Et de conclure : « Pour être utile à la réélection d'Emmanuel Macron, nous devons être attractifs et lisibles pour l'électorat de gauche réfractaire à LREM et à un parti unique. Pour exister dans la durée nous devons avoir des candidats et de députés TDP pendant les cinq années de la prochaine mandature, faute de quoi nous disparaitrons ».

Tout autre est le texte d'orientation porté par les ministres Olivier Dussopt et Emmanuelle Wargon. Le style tranche avec celui de Gilles Savary. L'ancien député PS de Gironde sait écrire un texte d'action d'une manière concise et précise. Ses mots sont là pour porter une stratégie politique, pour l'assumer, l'incarner, la transmettre. Chez Dussopt et Wargon, on passe d'abord par les constats avant de passer à l'action, on multiplie les descriptions façon Sciences Po sur les difficultés de la social-démocratie, avant d'enchainer sur des slogans du type : « cette gauche réformiste n'est pas dans le rapport de force, mais dans l'apport de forces ». Ce n'est pas une motion d'un parti, c'est une profession de foi d'un Bureau des Élèves. Tout est à l'avenant : « Elle n'est pas dans la facilité des postures protestataires, mais dans l'enthousiasme de la construction, afin de porter dans le débat public des sujets fondamentaux ».

Bref, Dussopt, Wargon, et leurs amis, préfèrent enfoncer des portes ouvertes, pour éviter de s'imposer face à LREM. Tout est dit à la fin de leur texte : « Nous sommes autonomes et libres mais prêts à prendre loyalement notre place, toute notre place - au même titre que nos partenaires de la majorité, aussi puissants soient-ils - dans ce grand rassemblement qui s'est fait autour et pour le président de la République ». On le sent immédiatement : les tenants de cette ligne Dussopt/Wargon chez TDP veillent surtout à préserver leurs postes et leurs futures investitures auprès du « puissant » LREM pour la prochaine mandature.

Ce n'est guère étonnant si ce texte a été principalement signé par des ministres en exercice, comme Florence Parly ou Elisabeth Borne. C'est toute la différence entre ces deux textes : d'un côté, chez Savary, l'indépendance y est assumée, de l'autre, chez Dussopt et Wargon, elle est quémandée. Ce qui prouve bien une chose : sous la Vème République, l'assujettissement présidentiel est toujours une certaine fin de la politique. C'est une donnée que tous bons sociaux-démocrates soucieux d'horizontalité, de débats, et d'autonomie, devraient toujours avoir en tête. Car sinon, comme le rappelle Savary dans son texte, leur horizon ne peut être que leur disparition.

Commentaires 7
à écrit le 05/09/2021 à 18:09
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Faudrait amener cet appareil au meeting des LREM. C'est une innovation qui pourrait en laisser plus d'un bouche bée ou rendre fou. La marine américaine a inventé un nouvel appareil capable d'empêcher les gens de parler, rapporte le site Popular Me...

à écrit le 05/09/2021 à 9:13
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Vivement la disparition de cette secte ! Le chef, gourou... Et ses adeptes c'est pitoyable, affligeant, hallucinant.

à écrit le 04/09/2021 à 9:52
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Macronie et progressisme, ça s'appelle un oxymore, y compris en novlangue transhumaniste.

à écrit le 04/09/2021 à 9:39
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Vous vous souvenez de la vague médiatique "Les jeunes avec Sarkozy" et tout ces meetings de plus de 65 ans portant les tee-shirt avec ce logo ? Ah faut dire qu'on rigolait bien à cette époque là aussi. :-)

à écrit le 03/09/2021 à 19:56
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Macronie et progressisme ? Tout le monde peut se tromper ou être trompé.

à écrit le 03/09/2021 à 17:01
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On a jamais été aussi regressionniste que depuis que l'on a voulue être pregréssiste!

le 04/09/2021 à 3:35
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Effectivement depuis que ce minus vous oblitere, jamais le pays France n'a autant regresse. Vive le progressisme a reculons.

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