L'averse de 49.3 continue de s'abattre sur les bancs de l'Assemblée nationale. Au plein cœur de l'automne, la Première ministre Elisabeth Borne a une nouvelle fois brandi dans la nuit de mardi à mercredi cette arme constitutionnelle. Elle a ainsi permis l'adoption du volet dépenses et l'ensemble du projet de loi de finances de 2024 en première lecture dans l'hémicycle. Dans une ambiance électrique aux environs de minuit, le groupe de la France insoumise (LFI) a immédiatement déposé une motion de censure. Cette motion a toutefois été rejetée par le bureau de l'Assemblée nationale ce mercredi 8 novembre.
Le projet de loi de finances 2024 doit désormais être transmis au Sénat, où il est attendu à partir du 23 novembre.
« Nous ne pouvons pas priver la France de budget » et « nous le pouvons d'autant moins que nous savons bien qu'il n'existe aucune majorité alternative capable de s'entendre autour d'un budget », a justifié la locataire de Matignon lors de sa courte déclaration devant les députés.
Après avoir organisé « Dialogues de Bercy » en septembre, l'exécutif avait promis de montrer des signes d'ouverture. Sans surprise, il a rapidement coupé court aux débats. En l'absence de majorité absolue au Parlement, la Macronie veut de facto garder la main sur la politique budgétaire d'un quinquennat en pleine zone de turbulences.
Une majorité d'amendements issus du camp présidentiel
Au lendemain de ce seizième 49.3 dégainé par Elisabeth Borne, depuis son arrivée, le ministère de l'Economie s'est empressé de détailler les 128 amendements retenus. Sur le tableau communiqué ce mercredi, une très vaste majorité (67%) d'entre eux sont issus des rangs de la majorité (Renaissance, Horizons ou MoDem) ou de l'exécutif. Au total, 87 sont issus de la coalition présidentielle. Dans le détail, 56 viennent de Renaissance, 13 d'Horizons et 18 du MoDem.
Parmi les grandes propositions adoptées, figure l'élargissement de l'indemnité carburant de 100 euros au sixième décile de la population, soit un 1,6 million de personnes supplémentaires pour un coût de 600 millions d'euros. Le volet dépenses du PLF acte également la création d'un fonds de 5 millions d'euros pour lutter contre les punaises de lits, ainsi qu'une enveloppe de 40 millions d'euros pour soutenir les services départements d'incendie, après un été 2022 marqué par des épisodes d'incendie dans le sud-ouest.
A l'opposé, seuls 40 amendements retenus sont issus des rangs de l'opposition, soit un tiers de l'ensemble des amendements adoptés. Parmi les quelques amendements emblématiques adoptés, on retrouve notamment la proposition des écologistes d'ajouter 10 millions d'euros pour la prévention des risques liés à la pollution aux substances chimiques PFAS, les « polluants éternels ».
Pas de taxe sur les rachats d'actions
Du côté des recettes - premier volet du budget 2024, adopté à l'Assemblée sans vote le 18 octobre dernier -, le gouvernement avait, pour rappel, rejeté l'amendement déposé par le MoDem visant à taxer les rachats d'actions. En pleine contestation de la réforme des retraites au printemps dernier, le chef de l'Etat avait pourtant visé les entreprises coutumières de cette pratique.
« Il y a quand même un peu un cynisme à l'œuvre, quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu'ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions », avait taclé le chef de l'Etat.
A l'époque, il avait alors demandé au gouvernement de plancher sur la mise en place d'un prélèvement. Mais l'exécutif a semble-t-il fait volte face au grand dam de plusieurs membres de la majorité. Il préfère inciter les grandes entreprises à distribuer plus de participation et d'intéressement aux salariés. Toujours concernant la fiscalité, l'exécutif a écarté l'idée d'une taxe portant sur les géants du secteur pétrolier, soulignant l'engagement de TotalEnergies à plafonner à 1,99 euro le litre de carburant pour toute l'année 2024. Quant à la proposition du député MoDem, Jean-Paul Mattei, de créer un ISF vert n'a pas été retenue non plus.