L'insertion professionnelle des jeunes dans les quartiers défavorisés reste catastrophique. Dans une étude produite par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) et par l'agence nationale pour la cohésion des territoires (ex-CGET, commissariat général à l'égalité des territoires), les auteurs montrent que les diplômés de 2013 issus de ces zones géographiques ont souvent des trajectoires professionnelles plus chaotiques au cours de leur début de carrière. En étudiant cet "effet quartier" aux multiples dimensions, ils montrent que l'accès à un emploi qualifié peut s'avérer être un véritable parcours d'obstacles. Souvent, ces jeunes cumulent les difficultés tout au long de leur scolarité qui peuvent avoir ensuite des effets délétères pendant toute leur carrière professionnelle.
Malgré les multiples plans annoncés depuis des décennies par les gouvernements successifs, les échecs de la politique de la ville sont régulièrement mis en avant par les statistiques et les associations. "Plusieurs décennies d'éducation prioritaire et d'accompagnement éducatif visant les jeunes de milieux sociaux défavorisés laissent un bilan mitigé au regard des inégalités scolaires massives qui subsistent", signalent les auteurs. La crise économique provoquée par le coronavirus risque encore d'amplifier ces difficultés. Beaucoup de jeunes diplômés issus de ces zones géographiques paupérisées vont se retrouver sur un marché du travail dévasté dans quelques mois alors que la plupart des économistes anticipent une violente récession pour 2020.
Une plus forte sortie sans diplôme dans le supérieur
Le rôle du lieu de résidence est déterminant dans l'insertion professionnelle. Dans leurs travaux, les chercheurs Thomas Couppie (Céreq), Pascal Dieusaert (ANCT) et Mélanie Vignale (Céreq) ont comparé le parcours des jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville (QPV) et ceux des quartiers voisins. Les résultats obtenus mettent en évidence des inégalités troublantes. Ainsi, le taux de sortie sans diplôme à l'université pour les résidents des QPV est bien supérieur (46%) à celui des résidents dans les zones géographiques proches (29%). Et cet écart, même s'il est moins prononcé, se retrouve dans les autres filières de l'enseignement supérieur (STS, IUT, classes préparatoires) sauf les écoles.
Des filières moins sélectives
Les choix d'orientation exprimés en terminale par les jeunes peuvent varier "selon le lieu de résidence des lycéens". Peu importe la filière du baccalauréat (général, professionnel ou technologique), les jeunes candidatent moins souvent pour des filières sélectives que les autres. Les titulaires d'un bac général sont moins nombreux en proportion à postuler pour une classe préparatoire (14% contre 22%). "Inégalités sociales et contextes locaux des scolarisations et des processus d'orientation contribuent à expliquer ces écarts", indiquent les chercheurs.
Près de 4 jeunes sur 10 sont privés d'emploi trois ans après la fin de la scolarité
Cette absence de diplôme à la sortie de l'enseignement supérieur et une orientation vers des filières moins sélectives peuvent avoir des répercussions désastreuses pour la suite. Trois ans après leur sortie de formation initiale, le taux d'emploi durable pour les QPV était inférieur de 10 points (37%) à celui enregistré dans les autres quartiers voisins. L'écart est encore plus important pour le taux d'emploi (63% contre 78%). En outre, le taux de chômage chez les jeunes dans ces quartiers atteint souvent des sommets. Selon une étude de l'observatoire national de la politique de la ville, le taux de chômage dans les QPV était de 35,8% en 2017, sans compter la catégorie des "NEETS" (sans emploi, ni formation, ni diplôme) souvent surreprésentée dans ces territoires.
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Des perspectives assombries
La crise économique risque d'avoir des conséquences terribles sur l'avenir professionnel des jeunes issus de ces quartiers minés par un chômage de masse. Ces populations occupant plus souvent des emplois précaires risquent d'être les premières victimes de la récession économique. Le département de Seine-Saint-Denis, qui a été très durement frappé par la pandémie au pic de la crise, pourrait subir des dégâts considérables dans les mois à venir si la relance économique tarde à venir. Déjà, dans une précédente étude, le centre de recherches avait mis en exergue les effets néfastes de la crise de 2008 sur une cohorte d'étudiants sortie de l'enseignement supérieur en 2010.
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