La pandémie a fait vaciller l'économie française. Selon la dernière estimation de l'Insee publiée ce vendredi 29 mai, le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 5,3% au premier trimestre. Lors de leur précédente évaluation, les économistes de l'organisme de statistiques avaient tablé sur un repli de 5,8%. Cette importante révision de 0,5 point s'explique "par le remplacement de certaines estimations et extrapolations pour le mois de mars, très affecté par les mesures de confinement, par les indicateurs habituels, notamment dans les services de transports et l'investissement en services". Compte tenu des difficultés à mesurer l'ampleur des conséquences économiques et sociales de la pandémie à ce stade, ces chiffres sont susceptibles d'être encore révisés dans les prochains mois.
Lors de la présentation du plan de déconfinement jeudi 28 mai, le premier ministre Edouard Philippe a estimé que les bons résultats de la lutte contre la pandémie permettaient d'"avancer plus vite" sur la reprise économique pour combattre une "récession historique". La mise sous cloche de l'économie pendant deux mois a provoqué un arrêt brutal et violent dans de nombreux secteurs. La multiplication des annonces gouvernementales pendant cette paralysie devrait permettre de limiter la casse à court terme. En revanche, les économistes de l'institut redoutent que les répercussions de la crise s'aggravent au cours du second trimestre.
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Terrible chute de la demande intérieure
Le confinement a entraîné une violente chute de la demande intérieure sur l'ensemble du territoire. La contribution négative de la demande (-6 points) illustre la violence du choc sur l'économie tricolore. La formation brute de capitale fixe (FCBF/investissements) a plongé de 10,5% entre janvier et mars après +0,1% au dernier trimestre 2019. Les administrations publiques et les entreprises ont mis un coup d'arrêt à leurs investissements pendant cette première période de confinement, sachant que les dépenses des collectivités locales avaient déjà marqué le pas à l'approche des élections municipales.
Chez les ménages, la consommation, moteur très important de l'économie hexagonale, a également lourdement baissé (-5,3%) au cours du premier trimestre contre +0,3% au trimestre précédent. La baisse d'achats fabriqués est spectaculaire (-16,1%) tandis que la consommation de biens alimentaires avec le confinement et le télétravail a accéléré de 2,8%.
Les ménages ont en quelque sorte connu "une épargne forcée" au cours de cette période inédit. Selon des chiffres communiqués par la Banque de France jeudi 28 mai, le cumul de l'épargne pourrait atteindre 55 milliards d'euros. Beaucoup d'économistes s'interrogent sur le comportement de consommation des ménages dans les semaines à venir. Si la crise économique s'amplifie et que le marché du travail se dégrade fortement, les Français pourraient privilégier l'épargne de précaution par crainte du chômage par exemple.
Le commerce extérieur ralentit fortement
La diffusion du virus en Chine et sa propagation sur l'ensemble des continents de la planète a bouleversé le commerce de biens en début d'année. La fermeture des frontières, le blocage des ports et les perturbations du fret aérien et ferroviaire ont mis un coup d'arrêt aux relations commerciales entre économies. De nombreuses entreprises fortement dépendantes d'intrants chinois par exemple se sont retrouvées en difficulté pour se fournir en composants ou matières premières. Au final, les importations en France ont reflué de 5,7% au cours du premier trimestre contre -0,7% au trimestre précédent. En parallèle, les exportations ont diminué de 6,1%. La contribution du commerce extérieur à la valeur ajoutée est nulle tandis que la contribution des stocks reste positive (+0,6 point).
Le spectre du chômage de masse
Dans les semaines à venir, la pandémie risque de précipiter l'économie française dans une spirale récessive. Les derniers résultats communiqués par la direction statistique du ministère du Travail et Pôle emploi sont particulièrement alarmants. En avril dernier, le nombre de demandeurs d'emploi a bondi de 843.000 par rapport à mars, enregistrant sa plus forte hausse depuis 1996 (+23%). Sur trois mois, 1,065 million de personnes sont inscrites dans cette catégorie. Si ces statistiques doivent être interprétées avec précaution, elles traduisent là encore l'ampleur des répercussions de la pandémie sur l'économie tricolore.
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L'emploi, déterminant pour la reprise
Il est encore un peu tôt pour mesurer les véritables dégâts sur le marché du travail. Les premières enquêtes montrent que ce sont principalement les personnes en contrat à durée déterminée (CDD), en mission d'intérim qui ont vu leur contrat prendre fin. Le risque d'une précarisation galopante pour ces profils a déjà commencé depuis la mi-mars. Si les mesures du chômage partiel ont permis de limiter la casse économique et sociale pendant les premières semaines, la moindre prise en charge de ce mécanisme par l'Etat et l'Unedic à partir du premier juin pourrait entraîner des destructions d'emplois dans le secteur privé. Déjà, de grands groupes comme Renault ou Air France ont annoncé des licenciements dans les prochaines semaines. En outre, si un déconfinement plus massif a été annoncé par le Premier ministre pour le premier juin, la trajectoire de la reprise dépend encore de nombreux facteurs. La prévision du gouvernement, qui prévoyait un recul du PIB de 8% en 2020 semble bien optimiste.
"Le décrochage du PIB, supérieur à un tiers durant le confinement, est déjà de l'ordre du constat... sa remontée très poussive ensuite sans rush de consommation... est aussi une information que confirme l'Insee dans sa dernière parution : après confinement la perte de production est encore de 21%...et en juin, l'institut prévoit encore 14% de décrochage du Pib par rapport à la normale. On ne relance pas comme cela le diesel de l'économie ... In fine, la baisse du PIB pourrait être de 20% au deuxième trimestre après -5,8% au premier... Tout cela corrobore notre prévision de décrochage de 9,6% du PIB en 2020" expliquait l'économiste de Xerfi Olivier Passet dans une récente vidéo.