Face à un « troisième choc », les entreprises en meilleure santé financière qu'avant le Covid

Après deux longues années de pandémie, la situation financière des entreprises et des ménages reste "globalement favorable" selon une vaste étude du conseil d'analyse économique (CAE), un centre de recherche rattaché à Matignon. En passant au scalpel les données bancaires anonymisées de près de 115.000 entreprises jusqu'en février dernier, les économistes expliquent qu'en moyenne, leur trésorerie est meilleure qu'avant la pandémie même s'il existe quelques disparités entre secteurs.
Grégoire Normand
Après deux années tourmentées, la trésorerie dans la restauration est bien plus favorable qu'avant la crise selon l'étude du conseil d'analyse économique. La situation de trésorerie des entreprises du secteur s’est considérablement améliorée avec une forte augmentation de la part des entreprises en situation bonne ou très bonne et une réduction très nette de celles en situation mauvaise voire très mauvaise, soulignent les économistes.
Après deux années tourmentées, la trésorerie dans la restauration est bien plus favorable qu'avant la crise selon l'étude du conseil d'analyse économique. "La situation de trésorerie des entreprises du secteur s’est considérablement améliorée avec une forte augmentation de la part des entreprises en situation bonne ou très bonne et une réduction très nette de celles en situation mauvaise voire très mauvaise", soulignent les économistes. (Crédits : Reuters)

Hausse du prix des matières premières, flambée du coût des carburants, augmentation des factures de gaz et d'électricité... les tensions sur les prix ont considérablement grandi ces dernières semaines. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a entraîné une série de chocs sur l'économie française déstabilisant l'offre et la demande dans de nombreux secteurs. Après deux années interminables de pandémie, même si la plupart des mesures du "quoi qu'il en coûte" ont permis de limiter la casse sur le tissu productif tricolore, beaucoup de secteurs enregistrent un niveau d'activité en deça de celui d'avant crise. Du côté des ménages, la guerre en Ukraine a déjà de vastes conséquences sur tout le quotidien des Français.

Même s'il encore trop tôt pour évaluer l'ensemble des répercussions de la guerre en Ukraine, certaines entreprises sont fortement exposées dans l'industrie, le bâtiment, l'agriculture ou l'agroalimentaire. Face à la baisse de l'activité, dans quelle situation financière se situent les entreprises et les ménages ? Dans une note éclairante dévoilée par le conseil d'analyse économique (CAE) ce mardi 22 mars, les économistes ont passé au crible les résultats de la situation financière de près de 130.000 entreprises (70.000 TPE, 25.000 PME et 20.000 EI) entre novembre 2019 et février 2022.

Concernant l'impact de la guerre sur la santé financière des entreprises et des ménages, les experts estiment qu'il est encore "trop tôt" pour avoir des données fiables. Les récentes enquêtes de conjoncture menées récemment auprès des ménages et des chefs d'entreprise par l'Insee et la Banque de France et d'autres travaux d'économistes indiquent néanmoins que ce conflit aux portes de l'Union européenne pourrait faire des ravages sur l'économie du Vieux continent.

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Dopée par "le quoi qu'il en coûte", la santé financière des entreprises meilleure qu'avant la pandémie

Au printemps 2020, l'exécutif a rapidement mis en oeuvre un arsenal de mesures destinées à soutenir la trésorerie des entreprises (Prêt garanti par l'Etat, fonds de solidarité, chômage partiel, reports de cotisations et annulation de certains prélèvements). "Pour les entreprises, la situation est globalement favorable à la période pré-crise que ce soit pour la trésorerie ou les encours bancaires", résume l'économiste et co-auteur de la note, Etienne Fize interrogé par La Tribune.

Derrière ce constat général, figurent quelques disparités entre les secteurs. "Si le secteur manufacturier se comporte similairement à l'ensemble des secteurs, l'on note une situation globalement plus favorable pour l'hébergement et la restauration et un peu moins positive pour la construction ou le transport par exemple," indiquent les chercheurs.

Concernant le bâtiment, la conjoncture est particulièrement critique. Lors d'un récent point presse à Bercy, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Olivier Salleron, a tiré la sonnette d'alarme. "On a pris trois lames depuis deux ans avec la pandémie, la désorganisation liée à la reprise économique et la guerre qui entraîne des pénuries sur certains produits. Le troisième choc peut être destructeur en termes d'entreprises et d'emplois", a-t-il averti.

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Les PGE ont été "bien ciblés " selon le CAE

Les entreprises ont massivement eu recours aux prêts garantis par l'Etat en France. Selon des estimations récentes, près de 140 milliards d'euros ont été accordés depuis le début de la crise sanitaire à environ 690.000 entreprises. "La plupart des entreprises qui ont eu recours à des PGE étaient déjà en difficulté avant la crise. Ce qui signifie que les PGE ont été bien ciblés [...] Entre janvier 2021 et février 2022, l'encours global des PGE a baissé de 15% en France", ajoute Etienne Fize.

Sur le total de l'échantillon, il faut d'abord rappeler qu'une grande majorité des entreprises (64%) n'a pas réclamé de PGE entre janvier 2021 et février 2022. Parmi celles qui ont eu recours à cet instrument, 15% ont remboursé partiellement (11%) ou totalement (4%) ces prêts. Au final, les entreprises ayant contracté un PGE sont dans une situation financière plus défavorables que celles qui n'en n'ont pas réclamé. En outre, il existe de fortes disparités selon les secteurs. "Par exemple, l'encours total de PGE a diminué de 20 % dans l'industrie manufacturière et n'a quasiment pas été réduit dans le secteur de l'hébergement restauration", souligne le centre d'analyse rattaché à Matignon.

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Chez les ménages, peu de désépargne après deux ans de pandémie

Pendant les deux premières années de la pandémie, les Français ont accumulé une montagne d'épargne estimée à 134 milliards d'euros en 2021 après une année record en 2020 (184 milliards d'euros). Ces niveaux demeurent stratosphériques par rapport à 2019 (67 milliards d'euros), selon les chiffres de la Banque de France. Les différentes vagues d'infection et de confinement depuis deux ans ont visiblement inciter les Français à conserver un stock d'épargne de précaution important.

En outre, il faut rappeler que durant les différentes mesures de restriction, la consommation a été en grande partie "empêchée" par l'aggravation de la situation sanitaire. "Concernant les ménages, le surcroît d'épargne est toujours supérieur au niveau pré-crise mais il y a un ralentissement depuis l'été 2021", note Etienne Fize. "Là encore, il existe des disparités en fonction de la catégorie des ménages. Entre le premier et le neuvième décile, les ménages ont commencé à réduire leur surcroit d'épargne voire même dans les deux premiers déciles, les ménage ont retrouvé un niveau d'épargne comparable à celui la tendance d'avant crise. Le surcroît d'épargne du dernier décile est toujours au-dessus de son niveau de 2019", affirme l'économiste.

En étudiant plus précisément les données du Crédit Mutuel, le chercheur souligne que "les comportements d'épargne sont très différents en fonction des catégories. Les ménages des premiers déciles ont surtout épargné dans des produits d'épargne liquide (comptes courants, livret A, livret d'épargne populaire). A l'inverse, les ménages des derniers déciles ont plutôt fait des placements dans de l'assurance-vie ou des comptes titres par exemple". Avec la perspective d'une guerre à rallonge en Ukraine, les Français vont encore sans doute attendre pour dépenser leur bas de laine.

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Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 22/03/2022 à 11:29
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Ah ben tiens ! :D

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