LA TRIBUNE - Bercy a annoncé dans un communiqué ce lundi la mise en place d'un comité d'action sur les approvisionnements et les conditions de paiement. Quel est l'objectif de cette instance ?
PIERRE PELOUZET - Le principal objectif est de traiter les cas d'entreprises et d'acteurs publics structurants. Il s'agit d'entreprises dans le privé ou le public de grande taille, qui, par des comportements qui ne seraient pas solidaires, auraient un impact fort sur des dizaines ou des centaines de PME, de TPE ou d'artisans. Le comité d'action va viser ces grands acteurs.
Un fournisseur qui se met à pratiquer des hausses de prix disproportionnées ou décaler des livraisons sans aucune discussion avec son client peut provoquer des dommages importants sur des petites entreprises.
Sur quelle méthode comptez-vous vous appuyer ?
P.P-La méthode de ce comité est la même que celle du comité de crise sur les délais de paiement (mis en place au printemps 2020). Le comité est composé de tous les acteurs de l'économie. Il y a l'AFEP (Association française des entreprises privées), le Medef, la CPME, l'U2P (union des entreprises de proximité), les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métier.
Ils font remonter les informations du terrain en identifiant les entreprises ou les acteurs publics qui ne jouent pas le jeu. Une fois que ces entreprises ont été identifiées, j'appelle les acteurs en leur expliquant qu'ils doivent changer de comportement. Quand on appelle de la part des différents représentants de l'économie française, il y a des changements de comportements. Je l'ai vu sur les délais de paiement.
Le médiateur des entreprises a connu depuis des années un élargissement de ses missions. Les moyens humains ont-ils augmenté en conséquence ?
P.P- Sur ce comité de crise, nous n'avons pas forcément besoin de moyens humains supplémentaires. Sur les procédures de médiation, nous avons renforcé les moyens en raison de l'explosion des sollicitations avec la pandémie. Il y a plus de médiateurs qu'avant la crise grâce aux bénévoles qui nous ont rejoint.
Quels sont les secteurs les plus touchés par ces difficultés d'approvisionnement actuellement ?
P.P- En premier lieu, le BTP nous sollicite grandement. Avant les fêtes de fin d'année, on avait mis en place un comité spécial sur le BTP. Il travaille sur les grands acteurs et sur les bonnes pratiques à appliquer dans ce secteur. L'automobile, avec la crise des semi-conducteurs a été très touchée. La grande distribution est également touchée dans l'alimentaire et le non alimentaire.
Tous les produits de l'industrie comme le bois, le plastique, l'acier sont concernés. C'est pourquoi nous avons mis en place un comité transverse pour pouvoir intervenir sur toutes les filières.
En quelques mots, quel bilan tirez vous de l'activité du médiateur des entreprises depuis le début de la crise sanitaire et quelles sont vos perspectives pour 2022 ?
P.P- En 2020, le médiateur a connu une flambée de son activité avec plus de 3.500 saisines et des milliers d'appels. Nos services ont recensé plus de 10.000 interventions auprès des entreprises. En 2021, l'activité s'est un peu tassée avec plus de 2.500 saisines en médiation et aussi des milliers d'appels. En 2021, le niveau de tension est moindre qu'en 2020 mais il reste bien supérieur à son niveau d'avant crise. En 2019, le médiateur avait enregistré 1.300 saisines.
Les sujets d'intervention ont beaucoup évolué au fur et à mesure de la crise. En 2020, les motifs concernaient surtout les délais de paiement, les ruptures de contrat et les baux commerciaux. Ces sujets avaient un peu diminué en 2021 mais reviennent en force en ce début d'année 2022. A chaque fois qu'il y a une nouvelle vague, il y a des répercussions sur les bars, les restaurants, l'événementiel. Les problèmes de rupture de contrat reviennent dans l'événementiel et des problèmes de loyers dans la restauration. La nouveauté de l'année 2021 sont les difficultés d'approvisionnement. Il ne faut pas oublier que ces difficultés sont liées à une forte reprise de l'économie mondiale et de l'économie française. Pour assurer cette reprise, il faut des matières premières, des semi-conducteurs. Il faut également de la trésorerie. Le sujet de délais de paiement reste très important.
Quelles sont les répercussions de la vague Omicron sur votre activité et vos services ?
P.P- La vague Omicron a entraîné des ruptures de contrat dans l'événementiel. Les baux commerciaux sont également revenus parmi les sujets de préoccupation dans les bars, ou certains commerçants qui connaissent des difficultés pendant les soldes. Certains ont des difficultés à payer leurs loyers.
Propos recueillis par Grégoire Normand.