Les difficultés d'approvisionnement continuent de gripper l'économie européenne

La croissance du secteur privé en zone euro a ralenti et a atteint son plus bas niveau depuis six mois selon le dernier indice PMI de l'institut Markit. Les difficultés d'approvisionnement restent le principal obstacle à l'activité sur le Vieux continent selon le cabinet.
Grégoire Normand
De nombreux ports en Europe restent perturbés.
De nombreux ports en Europe restent perturbés. (Crédits : Reuters)

La pandémie continue d'enrayer la machine économique. Près de deux ans après l'arrivée du virus sur le territoire européen, les chaînes d'approvisionnement du commerce mondial restent toujours perturbées. Selon le dernier indice composite dévoilé par l'institut Markit ce jeudi 4 novembre, l'activité dans le secteur privé a marqué le pas entre septembre et octobre passant de 56,2 à 54,2 points. Il affiche ainsi son plus bas niveau depuis six mois. L'activité est en expansion quand elle dépasse le seuil de 50 points et passe en récession en deçà. Après avoir un atteint un pic en milieu d'année 2021, la croissance du secteur privé continue de ralentir témoignant d'un cycle économique particulièrement rapide. "La croissance a fortement ralenti en ce début de quatrième trimestre dans le secteur privé de la zone euro, les problèmes d'approvisionnement ayant paralysé le secteur manufacturier, tandis que l'expansion du secteur des services s'est essoufflée, le rebond d'activité amorcé à l'issue des confinements commençant à s'atténuer", a expliqué l'économiste en chef de l'institut Markit Chris Williamson dans un communiqué.

Toutes les grandes économies enregistrent un ralentissement

Les derniers indicateurs communiqués par Markit montrent que l'activité a marqué le pas dans les quatre principales économies de la zone euro. La croissance du secteur privé en Espagne tire son épingle du jeu en s'établissant à 56,2 points. Arrivent ensuite la France et l'Italie avec 54,7 points. Les modèles économiques de ces pays reposant en grande partie sur le tertiaire et la consommation domestique permettent de limiter l'exposition aux soubresauts des chaînes logistiques mondiales. A cela s'ajoutent la progression de la vaccination et la réouverture des frontières particulièrement propices au tourisme international.

En revanche, l'économie allemande qui dépend beaucoup plus des échanges planétaires atteint un plus bas de 8 mois à 52 points. L'industrie allemande dépendante de l'étranger subit les ravages de la pénurie de composants depuis maintenant plusieurs mois. Compte tenu du poids de l'industrie dans le produit intérieur brut allemand, la première économie de l'union monétaire apparaît en queue de peloton des principales économies européennes. En France, l'industrie traverse également une mauvaise passe, dans l'automobile en particulier. Les grands constructeurs doivent faire face à d'importantes pénuries de semi-conducteurs pénalisant leurs capacités d'offre et leurs carnets de commande.

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Tensions inflationnistes et hausse des coûts de production

Ce chamboulement sur les chaînes d'approvisionnement provoqué en grande partie par la reprise économique a entraîné de fortes tensions inflationnistes dans les grands pays développés. La hausse des tarifs des matières premières et des prix de l'énergie inquiètent particulièrement les gouvernements de la zone euro. Les Etats ont multiplié ces derniers semaines des mesures à destination des ménages afin de compenser cette flambée des prix de l'énergie à l'instar de la France (chèque inflation, bouclier tarifaire, chèque énergie) ou de l'Espagne. Du côté des entreprises, les prix à la production industrielle ont bondi de 16% entre septembre 2020 et septembre 2021, selon les dernières données d'Eurostat.

prix à la production zone euro

Les économistes continuent d'être déboussolés par les effets de cette pandémie sur la hausse des prix. "La part de la composante énergie explique plus de la moitié de la hausse de l'inflation. Elle peut même atteindre 70% en Espagne. Au delà des matières premières, le prix du fret dans le transport maritime a pu jouer un rôle important. Le commerce mondial de marchandises a été particulièrement dynamique. Les engorgements dans certains ports se traduisent par une hausse des délais de livraison et des prix de fret [...] Les effets des matières premières et ceux du fret vont se dissiper dans les prochains trimestres", a expliqué Nathalie Dezeure, directrice de la recherche macroéconomique chez Natixis lors d'une table ronde à l'Assemblée nationale organisée ce mercredi.

En revanche, les effets de "second tour" liés à la boucle "prix salaire" sont plus difficiles à prévoir. "Il y a plus d'incertitudes sur le marché du travail. Les anticipations d'inflation ont certes augmenté ces derniers mois mais elles restent à des niveaux modérés conformément aux objectifs de la banque centrale européenne (BCE). La tendance à la baisse de l'inflation devrait se dessiner en 2023 en zone euro", a-t-elle ajouté. De son côté, l'économiste de COE-Rexecode, Charles Henri Colombier n'a pas remarqué de véritables augmentations de salaires généralisées en France. "Pour l'instant, les difficultés de recrutement sont réelles. En revanche, il n'y pas pas de hausse des salaires marquée. Le taux d'activité en France est quasiment le même que celui avant la crise. L'inflation ressemble plus à un choc de prix prolongé qu'à une hausse des prix prolongée. L'inflation énergétique devrait se calmer en 2022. En revanche, l'inflation sur les biens devrait se prolonger. Le surcroît d'épargne chez les ménages devrait aider à passer cette hausse des prix", explique-t-il. "Si les difficultés d'approvisionnement laissent présager un maintien des fortes tensions sur les prix les prochains mois, les données de l'enquête ne montrent aucun signe de tensions élevées et persistantes sur les salaires, qui représenteraient une source d'inquiétude bien plus importante pour les perspectives d'inflation à long terme", a poursuivi Chris Williamson.

Un taux de chômage en légère baisse

D'autre part, le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) a poursuivi sa décrue en septembre dernier à 7,4% de la population active après 7,5% en août et 7,6% en juillet. Par pays, le chômage le plus faible en septembre été enregistré en République tchèque (2,6%), et le plus élevé en Espagne (14,6%), après la Grèce (13,3%) selon Eurostat. Parmi les poids lourds de la zone euro, l'Allemagne affiche toujours la meilleure performance (3,4%), peu ou prou au niveau des Pays-Bas (3,1%), loin devant la France (7,7%) et l'Italie (9,2%). La reprise économique a permis à un bon nombre de chômeurs de retrouver un travail sur le Vieux continent mais le taux de chômage n'a pas encore retrouvé son niveau d'avant crise proche de 7%.

Grégoire Normand
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