Vers une République de la confiance. C'était le thème choisi par l'association Régions de France pour son 17ème congrès à Montpellier ce 30 septembre. Sauf que "la confiance ne se décrète pas", a rappelé, en conclusion, la présidente (PS) de l'association d'élus Carole Delga. A l'adresse du Premier ministre Jean Castex venu avec la ministre des Collectivités Jacqueline Gourault, la patronne du conseil régional d'Occitanie a déclaré "souhaiter une décentralisation respectueuse et partenariale".
"Soyons pragmatiques sans arrogance mais dans le respect et l'humilité. Utilisez-nous pour rendre l'action publique plus performante et plus efficace. Appuyez-vous sur les régions pour le plan d'investissement France 2030", a-t-elle exhorté au pupitre.
Castex : "je ne serai pas porteur du grand soir que vous attendez"
Dans le cadre de l'examen du projet de loi "3DS" - pour décentralisation, différenciation, déconcentration et simplification" - qui arrivera le 6 décembre à l'Assemblée après être passé au Sénat, "nous voulons que la question du développement économique soit centrale", a martelé Carole Delga. "Tout ne peut pas être uniquement piloté depuis Bercy", a poursuivi l'ancienne secrétaire d'État chargée du Commerce, de l'Artisanat, de la Consommation, et de l'Économie sociale et solidaire de François Hollande.
"Pour les aspects sanitaires et économiques, ce n'est pas par temps de tempête qu'on change les règles du jeu", a répondu le Premier ministre. "Je ne serai pas porteur du grand soir que vous attendez, mais faites-moi passer toutes vos propositions pour libérer les énergies, nous en avons besoin", a ajouté Jean Castex.
En réalité, le chef du gouvernement était très attendu par les présidents de région sur le projet de loi de finances 2022. Présenté la semaine dernière en Conseil des ministres et en passe d'arriver en commission à l'Assemblée nationale, le texte gouvernemental prévoyait, initialement, de retirer près de 177 millions d'euros aux conseils régionaux. D'un côté, 50 millions d'euros pour le budget de l'Etat. De l'autre, 127 millions d'euros au titre de la baisse des frais de gestion liés à la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), une recette fiscale de l'Etat reversée aux collectivités territoriales.
"Le gouvernement tiendra son engagement de neutraliser la suppression des impôts de production en compensant la baisse des frais de gestion à hauteur de 127 millions d'euros, et nous en resterons là", a annoncé Jean Castex au congrès.
Une déclaration qui a "choqué" l'ensemble des élus de l'association Régions de France. Lors d'une conférence de presse juste après, sa présidente (PS) Carole Delga a regretté de n'avoir "aucune garantie sur la péréquation" et témoigné d'une "grande incertitude sur [leurs] ressources". "Une certitude : nous perdons 50 millions d'euros", a-t-elle souligné.
Aucun engagement sur les pertes de recettes liées aux transports
Le locataire de Matignon n'a guère été plus clair sur les pertes de recettes dans les transports collectifs. "Nous n'avons pas la moindre compensation", l'avait interpellé juste avant Carole Delga. "Région par région, nous allons lister les projets prioritaires pour en tirer les conséquences", a répondu Jean Castex. Devant ce "vague flou" dénoncé par le président (LR) de la région Sud Renaud Muselier, le Premier ministre a cité, en petit comité, les cas des régions Île-de-France, Centre-Val de Loire et Normandie.
Lundi 27, l'autorité organisatrice des transports dans la région-capitale, Île-de-France Mobilités, a en effet prévenu qu'elle suspendait ses paiements à la RATP et la SNCF en raison d'un manque à gagner d'1,3 milliard d'euros. De la même façon que le Centre-Val de Loire et la Normandie sont "extrêmement affectés" par la réduction des trajets quotidiens domicile-travail qui grève leurs recettes tarifaires. "Nous n'avons aucun engagement", a insisté peu après la présidente (PS) de l'association d'élus Carole Delga.
Au-delà du projet de loi de finances 2022 et du financement des autorités organisatrices de mobilité, "la Cour des Comptes a relevé que les régions avaient subi la plus grande dégradation financière", a affirmé la patronne du conseil régional d'Occitanie.
"J'ai aussi lu le rapport de la Cour des Comptes. On le cite quand ça nous arrange..." a ironisé le Premier ministre. "L'impact de la crise sur vos finances a été lourd : 4 milliards d'euros, soit 1,7% de vos budgets consolidés, mais si nous n'étions pas intervenus, cela aurait été 2,1%", a continué Jean Castex.
Delga : "ce n'est pas notre conception d'être des exécutants de l'Etat"
Le chef du gouvernement faisant ici référence à un "accord de méthode" signé avec les présidents de conseil régional le 30 juillet 2020 quelques jours après sa nomination à Matignon. Ce dernier visait à remplacer la part régionale de cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) par de la TVA à compter de 2021. "L'Etat n'a pas complètement laissé tomber les collectivités. La transformation de la CVAE en TVA l'a été avec une année de référence [2019, Ndlr] qui vous était très favorable", a estimé Jean Castex.
"Nous ne partageons pas l'analyse de la France qui nous a été présentée. Une analyse pour le moins pertinente qui a tourné à l'humiliation. Une analyse qui n'est pas le vécu de nos concitoyens", a lâché juste après Carole Delga en conférence de presse. "Ce ton humiliant, c'est une déception. Ce n'est pas notre conception d'être des exécutants de l'Etat", a conclu la présidente (PS) de Régions de France.
A six mois de l'élection présidentielle et trois mois après le second tour des élections régionales, le Premier ministre a pourtant répété vouloir "faire confiance aux territoires". "Nous n'avons pas d'autre choix que de nous mobiliser ensemble dans la reprise économique des territoires", a appuyé Jean Castex. Toujours est-il que même le président délégué de l'association d'élus Renaud Muselier, réélu avec le soutien d'En Marche dans la région Sud, a communiqué sur des "propos offensants et blessants".
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Une colère exprimée par l'ensemble des collectivités
En préambule de la passe d'armes entre le Premier ministre Jean Castex et la présidente (PS) du conseil régional d'Occitanie et de l'association Régions de France Carole Delga, les autres représentants des collectivités territoriales, rassemblés sous la bannière "Territoires unis" depuis septembre 2018, ont également donné de la voix.
Le nouveau président (UDI) de l'assemblée des départements de France (ADF), François Sauvadet, a ainsi demandé à l'Etat de mieux "partager la mise en oeuvre des décisions" et de "tirer les leçons" à la suite des "dysfonctionnements lourds" observés pendant la crise sanitaire. "Nous avons assisté à des errements de mise sous tutelle de nos collectivités", a encore asséné le président de la Côte d'Or.
"Les collectivités locales ne sont pas des "exonérateurs" de l'Etat. Elles n'ont pas vocation à mettre en oeuvre toutes les politiques décidées dans les ministères", a grondé le président (LR) du Sénat Gérard Larcher.
Très remonté lui aussi, le président (PS) délégué de l'association des maires de France (AMF), André Laignel, s'est ainsi étonné que les masques achetés par leurs collectivités au profit des acteurs de la santé n'aient jamais été compensés par l'Etat. "Cette affaire est une aberration ! C'est la caricature même de l'hyper-présidentialisation", a fustigé le maire d'Issoudun (Indre).
Soutenu par En Marche ! aux dernières élections régionales, le président (LR) de la région Sud et président délégué de l'association Régions de France a, lui, invité ses confrères élus à "mettre des choses sur la table pour une esquisse de programme présidentiel". "Il faut que le président-candidat Macron ait une vision afin qu'on sorte les gens de cette lame de fond de désespérance", a appuyé le président (UDI) des départements, François Sauvadet.
Cela tombe bien : Régions de France, l'association des maires de France et l'assemblée des départements de France, ainsi que le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, préparent, pour l'automne, un libre blanc sur la décentralisation qu'ils adresseront aux candidats et aux candidates à l'élection présidentielle.