Du "recyclage". C'est ainsi qu'a qualifié Jean-Luc Moudenc les 5,3 milliards d'euros du plan de relance pour les collectivités territoriales. Lors d'une conférence de presse ce 10 septembre, le maire (LR) de Toulouse et président de l'association France urbaine, qui représente les métropoles et les grandes villes, a regretté "des lignes budgétaires créées il y a quelques mois". En l'occurrence, le troisième projet de loi de finances rectificatif (PLFR3) adopté le 30 juillet dernier.
Les métropoles vont subir la baisse des impôts de production
D'autant que les métropoles, comme les autres intercommunalités, vont subir de plein fouet la baisse annuelle de 10 milliards des impôts de production. Les communes et intercommunalités reçoivent en effet 26,5% de la cotisation de la valeur ajoutée sur les entreprises (CVAE) qui va être réduite de moitié pour toutes les entreprises redevables de cet impôt, soit 7,25 milliards d'euros d'économie pour les sociétés.
Les 2,75 milliards d'euros viendront, eux, de la réduction de moitié des impôts fonciers des établissements industriels pour 32.000 entreprises. Il s'agit de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), due par les propriétaires ou les usufruitiers de propriétés bâties, et de la CFE, la cotisation foncière des entreprises.
"Vous n'allez plus encourager les maires et les présidents"
À la différence du gouvernement, qui estime que cette fiscalité pèse sur la compétitivité des entreprises, sur l'attractivité des territoires, et peut dissuader les décisions d'implantation des industries, Jean-Luc Moudenc a rappelé que ces deux dernières ressources fiscales "retombent directement dans les caisses des intercommunalités". "Vous n'allez plus encourager les maires et les présidents de métropole à développer leur territoire", a-t-il pointé.
Comme tout le monde, le président de France urbaine a entendu que cette perte "ferait l'objet d'une compensation budgétaire", mais il se méfie d'une compensation qui "a souvent été une compensation à partir de l'année précédente sans coefficient d'actualisation". Aussi, assure-t-il avoir obtenu des ministres Bruno Le Maire et Olivier Dussopt une neutralisation à la place. Autrement dit, la garantie que le dynamisme du territoire soit pris en compte dans les calculs gouvernementaux.
Pas d'avancées "spécifiques" depuis 2017 ?
Pour autant, le même Jean-Luc Moudenc a également fait savoir qu'il n'y "jamais rien eu pour les métropoles et les grandes villes" depuis l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République en mai 2017. Invité à préciser sa pensée, le patron de France urbaine maintient ce discours à La Tribune.
"En 2017, Macron fait un excellent score dans les grandes villes et est comme intronisé président des métropoles. Cette étiquette lui colle un peu comme un sparadrap, mais nous n'avons pas connu d'avancées spécifiques pour les métropoles", a insisté Jean-Luc Moudenc.
Pour appuyer son propos, son entourage est, lui, remonté à 2016 et a évoqué le pacte État-métropoles du gouvernement Valls sous la présidence Hollande doté de 150 millions pour 15 métropoles. "Une broutille", dit-on aujourd'hui.
Relancé, le président de France urbaine finit par citer un progrès partagé avec les autres collectivités territoriales: "le déblocage de la politique de la ville". Élu maire de Toulouse en 2014, il n'a signé son contrat de renouvellement urbain qu'en 2019 avec le ministre de la Ville d'alors, Julien Denormandie. "Avant tout était embolisé à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, car ils avaient la consigne politique de nous faire tourner en rond", a expliqué Jean-Luc Moudenc.
Débat sur la taxe d'habitation
Il est vrai sinon que depuis trois ans et demi, le gouvernement ne caresse pas nécessairement les métropoles et les grandes villes dans le sens du poil. Lors de ses vœux de janvier 2020, le président de France urbaine fustigeait la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, considérant qu'il y avait "mieux à faire qu'un apport de TVA" pour la remplacer au niveau intercommunale. Au contraire, il plaidait, à la place, pour une part de CVAE perçue par les départements qui n'ont plus de compétence économique depuis 2015.
Au nom de "l'autonomie fiscale", Jean-Luc Moudenc jugeait qu'une part de cotisation sur la valeur ajoutée témoignerait d'une "corrélation" entre les impulsions données par les métropoles en termes de développement économique et la ressource perçue. Et ce contrairement à une fraction de TVA, un impôt national, qui serait, selon lui,"décorrélée" de ce que peut faire ou non une métropole en la matière.
Pas de contribution résidentielle
En septembre 2019, Jean-Luc Moudenc espérait déjà récupérer la part de la taxe foncière perçue par les conseils départementaux pour compenser la suppression de la taxe d'habitation. Il a obtenu gain de cause depuis, sauf que dans les grandes villes, dont il est aussi le représentant, seuls 20 à 30% des habitants sont propriétaires et s'acquittent de la taxe foncière. C'est pourquoi il demandait aussi une "contribution résidentielle", pour que "tout citoyen puisse contribuer un peu aux services publics, même à 10% du montant de la taxe d'habitation d'avant la réforme". Sur ce point, il n'a pas été suivi.
Au lendemain de la crise des "gilets jaunes" en avril 2019, au cours de laquelle les métropoles avaient été durement frappées, le Premier ministre Édouard Philippe avait pourtant eu un mot pour ces collectivités. "La réponse à ce profond malaise consiste probablement à rétablir l'équilibre entre les métropoles et les communes qui se trouvent à l'extérieur des logiques métropolitaines. Notre pays dispose aujourd'hui de puissantes métropoles qui rayonnent en Europe, qui réussissent dans la mondialisation. On doit faire le même travail de rééquilibrage entre ces métropoles et les communes petites ou moyennes qui ont encaissé le choc, le contre choc d'une certaine façon de ce développement rapide et qui n'en profitent pas assez", avait déclaré l'actuel maire du Havre et président du Havre Seine Métropole lors de la restitution du "grand débat national" au Grand Palais.