France : malgré les obstacles qui perdurent, 43% des nouveaux chefs d'entreprise sont des femmes

Les femmes se lancent de plus en plus dans la création d'entreprise, avec souvent une volonté d'avoir un impact environnemental ou sociétal, mais des différences perdurent encore avec les hommes, notamment en matière de rémunération. Et, plus l'entreprise grossit, moins sa dirigeante est une femme.
Selon la banque publique d'investissement Bpifrance, 28% des Françaises dirigeaient, ont dirigé, ont engagé les démarches pour créer ou songeaient à créer une entreprise fin 2023, un engagement en hausse de 5 points depuis 2018.
Selon la banque publique d'investissement Bpifrance, 28% des Françaises dirigeaient, ont dirigé, ont engagé les démarches pour créer ou songeaient à créer une entreprise fin 2023, un engagement en hausse de 5 points depuis 2018. (Crédits : Reuters)

Demain, vendredi 8 mars, c'est la Journée internationale des droits des femmes. À cette occasion, elles seront « 101 femmes entrepreneures », une par département, à être célébrées à Matignon, en présence du Premier ministre Gabriel Attal, le soutien aux femmes qui entreprennent étant « un axe fort de l'action du gouvernement ».

Alors que la création d'entreprises a décollé depuis 2017 - encore 1,05 million de créations l'an dernier, malgré une légère érosion - 43% des nouveaux chefs d'entreprises sont des femmes, selon l'Institut national de la Statistique.

Une dynamique de l'entrepreneuriat supérieure à celle des hommes

La dynamique de l'entrepreneuriat féminin est actuellement supérieure à celle des hommes : selon la banque publique d'investissement Bpifrance, 28% des Françaises dirigeaient, ont dirigé, ont engagé les démarches pour créer ou songeaient à créer une entreprise fin 2023, un engagement en hausse de 5 points depuis 2018, alors que celui des hommes a été stable à 37%.

Elles exercent souvent, mais pas seulement, dans le commerce, la santé ou l'artisanat, et sont plus engagées que les hommes envers la société : 73% ont considéré l'impact écologique et sociétal de leur projet avant de se lancer (contre 52% des hommes), selon une enquête menée fin 2023 par le réseau d'accompagnement et de financement Initiative France, un des plus importants du pays.

Lire aussiCongé maternité : les femmes cadres dénoncent un frein à leur carrière

Plus l'entreprise grossit, moins sa dirigeante est une femme

Pour autant, 40% de dirigeantes interrogées par le Syndicat des indépendants et des TPE (SDI) témoignent encore « d'obstacles » liés à leur genre, comme le décrit anonymement dans cette étude « Amandine », évoquant les interlocuteurs qui lui demandent si elle est « la femme ou la secrétaire » du patron. « Mathilde », rapporte avoir dû « attendre plus de huit ans avant d'avoir un enfant » pour préserver la stabilité financière de son entreprise. D'autre part, plus l'entreprise grossit, moins sa dirigeante est une femme: en 2022, selon Bpifrance, les chefs d'entreprise de 10 salariés et plus étaient à 12% seulement des femmes.

Et selon un rapport du cabinet Deloitte portant sur près de 10.500 entreprises, 19,7% des membres des conseils d'administration (CA) étaient des femmes en 2021 pour... 5% parmi les directeurs généraux. Aux Etats-Unis, les femmes représentaient environ 24% des membres des conseils, moins de 6% des chefs d'entreprise. Même schéma au Royaume-Uni (environ 30% des sièges aux CA, 6% des dirigeants). De son côté, la France a mis en place la loi Copé-Zimmermann, qui impose depuis 2011 un quota minimal de 40% de femmes dans les CA. Une façon de mettre un pied dans la porte. Aucun pays ne se distingue par son égalité professionnelle. En Allemagne, seule Belén Garijo, pour le laboratoire Merck, dirige une entreprise du DAX, indice vedette de la Bourse de Francfort.

En Espagne, la très grande majorité des sociétés de l'Ibex 35, équivalent ibérique du CAC 40, sont dirigées par des hommes, à l'exception d'Inditex (propriétaire de Zara), et de Santander, première banque espagnole, présidées respectivement par Marta Ortega et Ana Botin. Quant à l'Italie, elle n'est guère mieux lotie, et Giuseppina di Foggia, PDG du distributeur d'énergie Terna, est devenue l'an dernier la première femme à diriger un grand groupe public dans le pays.

Lire aussi« Quand il faut remonter les manches, je le fais » (Laurie Douaud, CEO chez Ametra Integration)

67% des cheffes d'entreprise gagnent moins de 1.500 euros par mois

Plus inquiétant, en France, une dirigeante de très petite entreprise sur deux (48%) ne se rémunère pas, selon le réseau de soutien Bouge ta Boîte - c'est le cas de Valérie Gonzales, qui touche le RSA - et 67% des cheffes d'entreprise gagnent moins de 1.500 euros par mois, selon Marjolaine Feraille, déléguée générale du réseau Les Premières, qui a accompagné plusieurs des entrepreneures qui seront présentes à Matignon vendredi. « Le revenu est notre cheval de bataille ». Elle note que les dirigeantes à la tête d'une famille monoparentale se payent souvent mieux, car « elles ont peut-être une vision d'elles-mêmes différente ».

Valérie Gonzales espère qu'un jour elle ne sera plus vue comme femme chef d'entreprise, mais comme « entrepreneur, point ». « Nous aimerions bien ne pas exister, couler notre association est un horizon auquel on travaille », renchérit en souriant Marjolaine Feraille.

Lire aussiA temps de travail égal, salaire inégal : les femmes gagnent près de 15% de moins que les hommes

Des eurodéputées élues en 2019 témoignent de leurs difficultés à combattre les préjugés

Combattre les préjugés sexistes sur les matières « techniques », défendre son vote pendant les congés maternité, affronter les attaques en ligne : trois eurodéputées élues en 2019 racontent à l'AFP leurs cinq ans de mandat. L'une d'elle, Aurore Lalucq, qui  siège parmi les « Sociaux et démocrates » (S&D), le deuxième plus grand groupe politique du Parlement, estime que « l'on associe les femmes aux politiques sociales, familiales ou aux droits humains, tout ce qui fait sérieux, technique, ce sont encore des choses considérées, malheureusement, comme faites pour les hommes ». Et quand elle s'attaque à la réglementation des cryptomonnaies, elle est victime d'une campagne de cyberharcèlement : « Retourne à tes cuisines », « La dinde, qu'est-ce qu'elle y connait » : tout de suite on vous parle de votre physique, on vous lance des attaques sexistes ou de nature sexuelle ». En 1979, lors de la première élection au suffrage universel direct et lorsque Simone Veil est devenue la première présidente du Parlement européen, les femmes ne représentaient 16,6% des eurodéputés. Aujourd'hui, environ quatre sur dix sont des femmes. Ce chiffre se situe « au-dessus de la moyenne mondiale des parlements nationaux (26,5% début 2023) et au-dessus de la moyenne européenne des parlements nationaux (31%) », notent Rosamund Shreeves et Ionel Zamfir dans un rapport du Service de recherche du Parlement européen publié au printemps 2023.  « Cependant, il existe de grandes différences entre les États membres » ajoutent les chercheurs. Le pourcentage actuel de femmes eurodéputées varie de 15% pour la Roumanie, en bas du classement, à 57% pour la Finlande, à la première place. Un peu moins de la moitié (38) des 79 eurodéputés français sont des femmes.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 07/03/2024 à 22:01
Signaler
bonjour, dans nos régions de l'ouest une femme entrepreneure c'est banal, le plus marquant est madame Roux épouse beneteau . des gens de croix de vie, lui construisait des bateaux de pêche en bois elle la famille de la grande quinquaillerie. entr...

à écrit le 07/03/2024 à 17:37
Signaler
"67% des cheffes d'entreprise gagnent moins de 1.500 euros par mois" Pour résumer, on les baptise cheffes d'entreprises avec des salaires d’ouvrières.Mais ça fait bien sur le CV et chez les voisins :"Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? ,je suis c...

à écrit le 07/03/2024 à 8:29
Signaler
Alors tout d'abord il y a une inégalité de patrimoine , de capitaux et de réseau de départ, entre les femmes, tout comme entre les hommes, celle-ci est institutionnalisée faussant déjà fortement a donne du dynamisme entrepreneurial. De cette logique ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.