« Quand il faut remonter les manches, je le fais » (Laurie Douaud, CEO chez Ametra Integration)

PORTRAITS DE FEMMES DIRIGEANTES (1/4). Des rencontres, beaucoup de travail et des résultats... C’est ainsi que l’on pourrait résumer le parcours de Laurie Douaud. À 36 ans, elle pilote la société Ametra Integration dans le Maine-et-Loire. Rencontre avec une femme de terrain qui a su affronter des contextes de crise.
Après avoir dirigé l'une des principales usines de Mecachrome, Laurie Douaud a rejoint voilà deux ans Ametra Integration en tant que directrice générale.
Après avoir dirigé l'une des principales usines de Mecachrome, Laurie Douaud a rejoint voilà deux ans Ametra Integration en tant que directrice générale. (Crédits : Ametra Integration)

Originaire de La Roche-sur-Yon (Vendée) et diplômée de l'École nationale d'ingénieurs de Tarbes, en mécanique et génie industriel, Laurie Douaud atterrit chez Alcen pour son premier poste en tant que chargée du développement d'affaires dans l'aéronautique. S'en suivent quatre années de développement commercial export chez le géant Hutchinson, dont près de deux aux États-Unis. De retour en France, elle intègre Mecachrome (pièces mécaniques pour la Défense, l'industrie automobile et l'aéronautique) tout d'abord en tant que directrice commerciale avant de se voir confier à 33 ans les commandes du site nantais début 2020.

Une ascension sur laquelle revient le président du groupe, Christian Cornille.

« C'est une personne ambitieuse, volontariste, engagée et courageuse. C'est pourquoi nous lui avions confié des responsabilités importantes. Elle avait cette capacité à être à la fois une commerciale efficace avec une dimension managériale très forte et une proximité avec les hommes et les femmes de l'entreprise. »

Pour Laurie Douaud, devenir directrice de cette usine qui faisait 24 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 160 personnes a été un réel challenge. « C'était beaucoup de pression d'autant que deux mois après mon arrivée il y a eu le confinement », se souvient-elle. Sa mission : redresser la barre d'une entreprise en perte de vitesse. « À cette époque, je n'avais pas de contraintes personnelles et j'étais très investie. » Elle n'hésite pas à se retrousser les manches. « Avec cette crise, on a dû s'adapter. J'ai emballé des pièces et tondu la pelouse le week-end. » Jusqu'à devoir gérer un plan social. Une période « compliquée » et « éprouvante » sur laquelle elle ne préfère pas s'étendre. « On n'en sort pas indemne », lâche-t-elle. Christian Cornille embraye : « Elle a été capable d'expliquer le pourquoi et le comment et de gérer au mieux la situation dans l'intérêt de toutes les parties (salariés, entreprise, clients) ».

Une période dont se souvient bien Florence André, secrétaire générale adjointe de la fédération patronale L'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) de Loire-Atlantique qui ne tarit pas d'éloges à l'égard de Laurie Douaud. « Elle place l'humain au cœur de sa mission de dirigeante, elle est dans le dialogue. Très à l'écoute, elle est aussi très ferme avec un courage managérial fort ».

Être dans une dynamique de croissance

Suite à cet épisode social chez Mecachrome, l'envie d'autre chose la taraude. Repérée par un chasseur de tête, elle prend alors en 2022 la direction de la société Ametra Integration (intégration électrique et électronique pour l'aéronautique, la défense, l'industrie et le médical) dans le Maine-et-Loire, guidée par l'envie d'un nouveau challenge professionnel. « Les résultats de cette entreprise stagnaient. Il fallait la remettre en position de croissance », explique Laurie Douaud. Sa méthode : « donner le cap, réussir à fédérer le Codir [comité de direction, ndlr] autour d'orientations stratégiques et aller ensemble vers cette ligne directrice ». Une stratégie payante. La société flirte aujourd'hui avec les 30% de croissance : 14,3 millions de chiffre d'affaires en 2023 contre 11 millions un an plus tôt. Prochain objectif : 17,8 millions d'euros pour 2024.

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Laurie Douaud pilote trois sites : celui de Longué-Jumelles près de Saumur (150 personnes), un à Bizerte en Tunisie (90 personnes) et le dernier à Hyderabad en Inde (20 personnes).

Construire sa légitimité de femme

Son style, elle le résume ainsi : « Thinking, fast and slow » (en référence au livre de Daniel Kahneman traduit en français sous le titre Système 1 / Système 2 : les deux vitesses de la pensée ). « Je réfléchis vite et je prends des décisions rapides, c'est ce qui fait ma force. Mais, je dois parfois me temporiser », explique-t-elle, adepte du multi-tâches. La directrice dit avoir instauré un management en étoile. « On avance et on crée un projet autour d'un collectif ». Sa valeur ajoutée : « donner beaucoup d'autonomie aux équipes et m'adapter aux besoins de chaque manager. Je suis toujours très disponible », assure-t-elle tout en étant investie sur le terrain. « Quand il faut remonter les manches, je le fais ». Une manière, selon elle, d'avoir une certaine crédibilité.

D'ailleurs, Laurie Douaud reconnaît qu'elle a dû construire sa légitimité de femme dans un monde industriel dominé par des hommes, ne niant pas certaines difficultés au début de sa carrière. « J'avais 23 ans, j'étais une femme, ingénieur en mécanique, je cumulais tous les défauts, sourit-elle. Mais j'ai fait mes preuves et des hommes m'ont fait confiance. » Florence André acquiesce : « C'est une femme déterminée dans un monde d'hommes, elle affronte et dit les choses ».

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Promouvoir l'industrie

Quand elle regarde dans le rétroviseur, Laurie Douaud mesure le chemin parcouru. « J'ai su saisir des opportunités grâce aux personnes que j'ai rencontrées. J'ai aussi beaucoup travaillé et mis parfois ma vie privée de côté. J'ai obtenu des résultats qui ont été valorisés par mes managers. Ils m'ont fait confiance et donné plus de responsabilités ». De quoi se forger une certaine capacité de fermeté. « Quand il faut être ferme, je le suis. Pour autant, je ne suis pas psychorigide », se défend-elle.

Quant à ses projets pour Ametra Intégration, ils sont clairement définis : « poursuivre la croissance des sites et les actions de développement autour de l'industrie 4.0 ». Ses priorités : « l'excellence opérationnelle, la décarbonation et la cybersécurité ».

Son autre cheval de bataille : promouvoir l'industrie auprès des jeunes via sa nouvelle casquette de présidente du Campus des métiers et qualification Aéronautique Pays-de-Loire-Bretagne, endossée depuis janvier dernier. « C'est important, au plus tôt, de présenter aux jeunes les métiers de l'industrie, leur dire qu'ils peuvent avoir de belles carrières à condition de bosser et que les femmes ont bien évidemment leur place. » Une nouvelle fonction qui n'a pas étonné Florence André à l'UIMM. « C'est en phase avec son côté humain. Elle fait beaucoup pour que l'industrie soit plus attractive et intéresse les jeunes. Elle est alignée dans sa tête, ses actes et son cœur. »

Et dans dix ans où se voit-elle ? « Je n'en ai aucune idée, nous verrons bien les opportunités qui se présenteront », répond Laurie Douaud. Christian Cornille est quant à lui persuadé qu'elle ira loin.

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Commentaire 1
à écrit le 07/03/2024 à 9:14
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"Remonter les manches" "pousser les murs", une chose est certaine l'entreprenariat au féminin ne se fera jamais s'il est calqué sur le masculin, s'il en reprend les codes. Vous pouvez mieux faire que ça mesdames, pas de complexe jamais les hommes dir...

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