Césars 2024 : les femmes au firmament

La réalisatrice Justine Triet a triomphé au cours d’une cérémonie marquée par l’appel de Judith Godrèche à la solidarité du métier.
Charlotte Langrand
Vendredi, à l’Olympia, après la prise de parole de Judith Godrèche, Justine Triet a été sacrée meilleure réalisatrice.
Vendredi, à l’Olympia, après la prise de parole de Judith Godrèche, Justine Triet a été sacrée meilleure réalisatrice. (Crédits : © STÉPHANE DE SAKUTIN/AFP)

Vingt-quatre ans que cela n'était pas arrivé. Vendredi soir, lors de la 49e cérémonie des Césars, à l'Olympia, Justine Triet est devenue la deuxième femme cinéaste à décrocher le césar de la meilleure réalisatrice, après celui de Tonie Marshall en 2000. Anatomie d'une chute a remporté cinq autres prix : meilleur film, meilleur acteur dans un second rôle (Swann Arlaud), meilleure actrice (Sandra Hüller), meilleur scénario (Justine Triet et Arthur Harari) et meilleur montage (Laurent Sénéchal). Ces récompenses s'ajoutent à la moisson de trophées attribués à son long-métrage dans de multiples festivals, dont la Palme d'or à Cannes en 2023, et aux cinq nominations pour les Oscars, le 11 mars.
La soirée tient lieu de sacre pour celle dont le discours cannois, politiquement engagé sur la réforme des retraites, n'avait pas été du goût des pouvoirs publics. Justine Triet a cette fois-ci choisi de s'adresser aux femmes, d'abord dans un vibrant hommage à la réalisatrice Sophie Fillières, disparue en 2023, puis avec ces mots : « Je voudrais dédier ce césar à toutes les femmes, celles qui se sentent coincées dans leurs choix, dans leur solitude, celles qui existent trop et celles qui n'existent pas assez, qui réussissent et qui ratent et enfin celles qu'on a blessées et qui se sont libérées en parlant. » Un soutien discret à l'autre femme de la soirée : Judith Godrèche.

Applaudie par une salle debout, l'actrice est à l'origine d'une seconde vague MeToo dans le cinéma français depuis qu'elle a déposé plainte pour viol contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon. Seule face à la grande « famille » du cinéma, elle l'a exhortée à plus de solidarité : « La parole se délie, l'image de nos pairs idéalisés s'écorche [...]. Serait-il possible que nous puissions regarder la vérité en face ? Depuis quelque temps, je parle, je parle, mais je ne vous entends pas ou à peine. Où êtes-vous ? Que dites-vous ? » Comme pour marquer la fin de l'omerta, Judith Godrèche a prévenu : « Il faut se méfier des petites filles. Elles touchent le fond de la piscine, elles se cognent, elles se blessent mais elles rebondissent. »

L'Allemande Sandra Hüller, meilleure actrice

La discrétion des autres discours revendicatifs sur MeToo a été compensée par le palmarès, qui a mis les femmes dans la lumière, dont celles d'origine étrangère. En plus des brillantes Adèle Exarchopoulos (meilleure actrice dans un second rôle pour Je verrai toujours vos visages) et Ella Rumpf (révélation pour Le Théorème de Marguerite), Valérie Donzelli et Audrey Diwan ont reçu le césar de la meilleure adaptation pour L'Amour et les Forêts ; la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania a décroché celui du meilleur documentaire pour Les Filles d'Olfa, et l'Italienne Chiara Malta, avec Sébastien Laudenbach, celui du meilleur film d'animation pour Linda veut du poulet ! La Québécoise Monia Chokri a raflé le trophée du meilleur film étranger face à des réalisateurs confirmés, dont Christopher Nolan, récompensé par un césar d'honneur. Enfin, Sandra Hüller, sacrée meilleure actrice, a commencé ses remerciements par un tout étonné : « Mais... je suis allemande ! »
Trois chants de femmes ont aussi résonné dans l'Olympia. D'abord le Si j'étais président de Gérard Lenorman, entonné en ouverture par la présidente de la cérémonie, Valérie Lemercier : « Si j'étais président, je nommerais bien sûr Mickey Premier ministre [...]. Simplet à la Culture me semble une évidence. » L'Iranienne Golshifteh Farahani a appelé à la paix avec Imagine de John Lennon. Le plus beau moment de tendresse revient à Jamel Debbouze, déclarant son admiration à Agnès Jaoui, qui lui a « appris à respirer ». En recevant son césar d'honneur, celle-ci a salué Jean-Pierre Bacri et sorti son ukulélé pour tenter de rassembler en chanson : « Bien sûr, il reste des choses à régler pour atteindre la parité [...], l'argent va toujours aux mêmes [...]. Pourtant, ce soir j'ai choisi de chanter, du cinéma français, l'exceptionnelle vitalité. »
Cette soirée singulière s'est aussi distinguée par les cinq césars remportés par Le Règne animal de Thomas Cailley, le soutien au monde agricole de Raphaël Quenard, meilleure révélation masculine pour Chien de la casse (meilleur premier film) de Jean-Baptiste Durand, et les appels au cessez-le-feu à Gaza, notamment d'Arieh Worthalter, meilleur acteur (Le Procès Goldman). Une pensée pour les talentueux oubliés du palmarès : Hafsia Herzi dans le beau Ravissement d'Iris Kaltenbäck, et l'époustouflant Melvil Poupaud dans L'Amour et les Forêts.

Charlotte Langrand

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Commentaire 1
à écrit le 25/02/2024 à 10:01
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Nous n'avons pas vu la même émission, eh oui pas de bol j'ai été obligé d'assister à ce spectacle affligeant. Le seul grand moment c'était bel et bien le discours de Judith Godrèche mais franchement on a bien vu que la profession se sentait obligée d...

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