"Emmanuel Macron n'a pas réussi en cinq ans à faire reculer le bloc tribunicien qui capte l'électorat populaire" (Frédéric Dabi, IFOP)

Frédéric Dabi, Directeur général Opinion de l'IFOP donne sa lecture de la situation politique au vu des derniers sondages à trois jours d'un premier tour qui semble annoncer un nouveau match Macron/Le Pen, mais un second tour le 24 avril beaucoup plus serré et incertain.
Philippe Mabille
(Crédits : DR)

On disait que les Français ne voulaient pas de ce match retour Macron/Le Pen et pourtant les sondages les placent à nouveau en tête du premier tour de la Présidentielle de 2022. Le candidat Macron avait promis en 2017 de « faire reculer les extrêmes ». A-t-il échoué ?

Son objectif n'a à l'évidence pas été atteint. En 2017, le total des voix Mélenchon/Le Pen/Dupont-Aignan/Asselineau était très élevé, à près de 47%. A trois jours du premier tour de 2022, le total Mélenchon/Dupont-Aignan, Zemmour, Le Pen dépasse 50%.

Mélenchon est d'extrême-gauche selon vous ?

On peut remettre en cause cette qualification et l'addition que je viens de faire. Il n'en reste pas moins que le niveau historiquement bas, voire la quasi-disparition des « partis dits de gouvernement », LR et PS, est amplifié en 2022. Et qu'une majorité de Françaises et de Français se tournent vers un vote de colère et pour les extrêmes. Le bloc Macron reste important, plus élevé même qu'en 2017 : c'est le vote de la France qui va bien, mais Emmanuel Macron n'a pas réussi en cinq ans à faire reculer le bloc tribunicien qui capte l'électorat populaire, crispé après deux ans de Covid dans un sentiment général d'être victime de la mondialisation.

Samedi, les Français vont faire leurs courses et dimanche ils vont voter. Enfin, pour celles et ceux, le quart voire le tiers des électeurs semble-t-il, qui ne s'abstiendront pas. Le choc des prix sur le caddie aura-t-il un impact dans les urnes ? On a le sentiment que le thème du pouvoir d'achat, endossé par Marine Le Pen, a pris le dessus même sur les questions sécuritaires ou d'immigration.

Il est vrai qu'on a observé une mutation récente de la campagne présidentielle vers le pouvoir d'achat, à la faveur de la prise de conscience de l'impact de la guerre en Ukraine sur l'inflation, via en particulier le sujet très sensible des prix des carburants. Cela a pris le pas sur les questions identitaires et migratoires qui avaient fait le succès initial d'un Eric Zemmour face à Marine Le Pen.

D'une certaine façon, on est passé du Grand Remplacement au Grand Déclassement : la mobilité et le risque d'assignation à résidence des Français périphériques, ceux qui ne peuvent pas se passer de leur voiture, a pris une importance majeure avec un impact réel et visible sur la fin du mois de carburants à plus de 2 euros et surtout la crainte d'une poursuite de la hausse si la guerre s'aggrave. Oui, la fin du mois a pris le dessus sur la fin du monde alors que la question du climat était une des principales inquiétudes auparavant.

Derrière l'inflation, c'est aussi toute la question des salaires trop bas, du travail qui paie mal qui ressurgit, avec en ligne de mire le spectre d'un retour des Gilets Jaunes qui ne supportent plus la relégation en périphérie alors que la voiture est pour eux une dépense contrainte à la différence des habitants des métropoles qui ont des transports publics.

Le resserrement très brutal et rapide en cette fin de campagne de l'écart entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen montre une dynamique claire en faveur de la présidente du RN. Emmanuel Macron se serait-il « balladurisé » ?

Les Français ne sont pas sévères avec le bilan du président sortant qui a fait beaucoup pour leur pouvoir d'achat à la faveur de la crise des Gilets Jaunes et de la crise sanitaire, puis énergétique. Dans le rolling Ifop, le président de la République sort en tête de ceux qui peuvent « améliorer la situation financière » des Français. Devant Le Pen et Mélenchon. Mais il y a sans doute un problème de positionnement avec le sentiment d'une campagne en surplomb - président face à Poutine le matin, candidat le soir - qui a inversé sa progression de mars avec l'effet drapeau de la guerre en Ukraine.

Le président reste un rempart face aux crises et au risque de désordre. S'il ne s'est pas « balladurisé », selon moi, car il sera au second tour, il est resté trop statique. Mais il y a en effet une forme de « chiraquisation » de Marine Le Pen que beaucoup de Français jugent « sympathique ». Je n'irais pas jusqu'à dire que les chats de la présidente du Rassemblement national ont le même impact que le fameux « Mangez des pommes » de Jacques Chirac en 1995, mais il y a un peu de ça. L'un des enjeux de dimanche sera de constater de quel côté est la dynamique. Une présidentielle, ça se gagne sur une incarnation et une projection autant que sur un bilan ou un programme. L'incarnation d'Emmanuel Macron est forte, mais il suscite aussi du rejet.

Macron peut-il compter au second tour sur un front républicain comme en 2017 ?

Le second tour, c'est une nouvelle élection qui commence. Quel sera l'écart entre Macron et Le Pen ? Qui sera premier ? Combien feront Mélenchon, Zemmour et Pécresse ? Quelle sera leur place sur la ligne d'arrivée ? Quel sera le niveau réel de l'abstention ? Beaucoup de choses peuvent encore se jouer dans la dernière ligne droite.

2022, c'est différent de 2017. Le débat de 2017 entre Macron et Le Pen s'est fait avec un rapport de force de 59% contre 41%. Le match est plus serré au second tour cette fois, avec selon l'Ifop 52% contre 48%. On n'est pas dans la marge d'erreur, mais la principale inconnue sera en effet l'existence ou non d'un barrage républicain contre Marine Le Pen et l'entrée du RN à l'Elysée, la remobilisation ou non des abstentionnistes, le vote des retraités et des personnes âgées, pour l'heure plutôt en faveur de Macron.

La dynamique Mélenchon est forte aussi. Le discours du « vote utile » est-il de nature à démentir les sondages pour lui permettre d'affronter Macron au second tour ?

Sa dynamique est réelle : Mélenchon est passé de 13,5% mi mars à au moins 17,5%, proche de son score de 2017, un peu plus de 19%. C'est le troisième homme de 2022 et c'est sa dernière chance donc il joue gros. La logique de vote utile est perceptible dans la chute de Jadot vers les 5% et de Roussel dont le soufflé est retombé au même niveau qu'Hidalgo, autour de 2,5%. Le problème, c'est que la dynamique Mélenchon ne prend pas sur la dynamique Le Pen auprès de l'électorat populaire. Mélenchon et son Union Populaire est hégémonique à gauche, mais il reste à distance de la qualification, faute de rassemblement en sa faveur.

Va-t-on assister après le premier tour à la Grande Disparition de LR et du PS, tel que nous les avons connus ?

LR va connaître sa troisième défaite de suite depuis 2012 avec l'échec de Sarkozy face à Hollande. 2022 va porter un nouveau coup aux deux partis qui ont alterné pour gouverner la France. Sera-t-il fatal ? En tout cas, le hiatus se creuse encore plus entre le poids de ces deux partis traditionnels qui gouverne et domine à l'échelle locale des villes, des départements et des régions mais a disparu du paysage politique à l'échelon national. Je pense que LR va affronter un temps de recomposition brutal qui dépendra de l'ordre d'arrivée entre Zemmour et Pécresse et des reports de voix en cas de second tour Macron/Le Pen. Quelle sera la position dimanche soir des ténors des Républicains, Ciotti, Wauquiez, mais aussi Pécresse et Sarkozy. Qui appellera à voter pour qui ? La soirée électorale sera intéressante.

C'est une élection présidentielle qui va accélérer en l'amplifiant la recomposition du paysage politique français. Si c'est le troisième « 21 avril 2002 » de la gauche et la troisième défaite consécutive de la gauche de gouvernement, et le troisième échec de Mélenchon, cela ouvrira la voie à des changements profonds de stratégie dont on aura sans doute une première photographie avec les élections législatives de juin prochain.

Philippe Mabille
Commentaires 31
à écrit le 09/04/2022 à 9:02
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Je serai quand mème curieux de savoir de quoi se compose l'électorat Macron a l'heure actuelle , hormis les adeptes de LREM . Quelle catégorie n'a pas été impactée d'une façon ou d'un autre par cinq ans de règne du monarque...

à écrit le 09/04/2022 à 9:01
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Je serai quand mème curieux de savoir de quoi se compose l'électorat Macron a l'heure actuelle , hormis les adeptes de LREM . Quelle catégorie n'a pas été impactée d'une façon ou d'un autre par cinq ans de règne du monarque...

à écrit le 08/04/2022 à 16:56
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Cet article insinue qu'il y a les bons ...et les mauvais candidats. Mais c'est très relatif celui qui est mauvais pour vous est bon pour moi. On a toutes les chaines tv en France on voit ce qu'il se passe en Ukraine. Moi j'ai pas envie que des person...

à écrit le 08/04/2022 à 14:11
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1. Les Français ne sont jamais contents 2 Ils pensent que diriger un pays est facile 3 Beaucoup d'entre eux pensent qu'on n'est pas obligé de rembourser une dette, voire de respecter une limite de vitesse (s'il n'y a pas de radar bien sûr) 4 Ils ...

le 08/04/2022 à 17:24
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@Chamechaude , quand on est nul , pas bon avec le résultat que l'on connait , on plit ses click et ses clacks et on ne demande plus son reste , on fait profil bas . 600 milliards de dette ,il ny a rien argumenter , cela prouve qu'il a été incapable d...

à écrit le 08/04/2022 à 11:01
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Maintenant qu'il est établi que nos gouvernants ne gouvernent rien et ne sont que des communicants . Nous pouvons élire n'importe qui ,il prendra sa feuille de route d'un cabinet d'expertise américain ,d'un lobbie americain ,d'un fond de pension amé...

le 08/04/2022 à 12:33
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a vouloir satisfaire les technocrate de bruxelles contre les francais il ne faut pas etre surpris par le rejet des electeurs le president a oublier sa fonction et ceux qui l'on elu cela fait le troisième avertissement apres sarko et hollande et...

le 08/04/2022 à 13:04
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Remarque pertinente. Dans la matrice en gestion de la Boston Consulting Group on appelle ca des vaches a lait. Il faut les traient jusqu'à la dernière goutte.

à écrit le 08/04/2022 à 10:49
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Septembre 2019 Edouard Philippe et ses ministres vont pouvoir laisser libre cours à leur goût des sondages. Le 6 août dernier, la réponse du Premier ministre à une question écrite du député socialiste Régis Juanico révélait que Matignon avait comm...

à écrit le 08/04/2022 à 10:21
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Si ce que vous appelez le "vote tribunicien" est si haut, c'est qu'il y a un manque d'offre politique. Il devrait y avoir au moins une quinzaine de partis représentés substantiellement à l'assemblée nationale. Avec un scrutin proportionnel intégral, ...

à écrit le 08/04/2022 à 10:07
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c'est surtout que l'électorat général n'a pas bougé en 5 ans. Mélenchon, Macron et Le Pen retrouvent leur niveau de 2017, et l'addition de Zemmour et Pécresse donne le niveau de Fillon. ... à part ça, on voit mal comment Macron aurait pu faire recule...

à écrit le 08/04/2022 à 9:47
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un quinquennat d incompréhension d une politique qui se dit en marche. ! ! mais plutôt en marge d une population divisée. un échec détresse a l hôpital

à écrit le 08/04/2022 à 9:40
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Macron comme Jospin en 2002 n'a pas voulu s'abaisser à faire campagne. La sanction qui vient est parfaitement méritée

le 09/04/2022 à 20:53
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Quelle sanction ?

à écrit le 08/04/2022 à 9:38
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Pour sa décharge car se qui est vrai aujourd'hui le sera demain, la France ne pilote plus sa monnaie (certaines vilaines langues disent heureusement) et nombre de décisions sont prises dans des instances supranationales...

à écrit le 08/04/2022 à 9:36
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Qu'auraient faits les "prétendants" d'extrême droite et d'extrême gauche durant ces 5 années ? Pas mieux et sans doute pire, un peu comme les 3 premières années de Mitterand qui nous on conduit à l'inflation, la dévaluation ( plus possible aujourd'hu...

le 08/04/2022 à 9:47
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Ah ! Sacré Churchill ! ^^

le 08/04/2022 à 13:33
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7,3 % d'inflation en Allemagne, c'est quoi ? sinon une devaluation impossible dans cette belle UE

à écrit le 08/04/2022 à 9:36
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Qu'auraient faits les "prétendants" d'extrême droite et d'extrême gauche durant ces 5 années ? Pas mieux et sans doute pire, un peu comme les 3 premières années de Mitterand qui nous on conduit à l'inflation, la dévaluation ( plus possible aujourd'hu...

à écrit le 08/04/2022 à 8:47
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M.Macron a commis une énorme erreur en ne faisant pas les réformes dont ce pays a besoin en pataugeant dans « le dialogue social ». Vouloir en avertir les français pour gagner de la légitimité lors d’un deuxième quinquennat va s’avérer extrêmement ri...

le 08/04/2022 à 9:35
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C est drôle les commentaires sont toujours à charge … rien de constructif!!! Bref vous oubliez un peu vite les réformes de lla Sncf( statut salarié etc …) la ou tous les précédents gouvernements avaient échoué…, la réforme du chômage…. Puis les événe...

le 08/04/2022 à 9:38
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C est drôle les commentaires sont toujours à charge … rien de constructif!!! Bref vous oubliez un peu vite les réformes de lla Sncf( statut salarié etc …) la ou tous les précédents gouvernements avaient échoué…, la réforme du chômage…. Puis les événe...

à écrit le 08/04/2022 à 8:39
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ca vous etonne? la france va au tas, ne ressemble plus a rien, seme le nivellement par le bas dans un grand cadre egalitariste bien a gauche, les gens comprennent que la seule voie, c'est la descente et vous vous etonnez? he ben quand la transition ...

à écrit le 08/04/2022 à 8:12
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Macron ne peut poursuivre sans être conseillé, ce qui en fait un handicapé pour un deuxième quinquennat!

à écrit le 08/04/2022 à 7:57
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La marge d'erreur des instituts de sondage dont leurs diffuseurs ne parlent jamais est de 5% or en ce moment ils donnent 27 à macron, 23 à le pen et 18 à mélenchon ce qui veut dire qu'ils pourraient aussi tous les trois être ex-æquo mais bon la class...

le 08/04/2022 à 9:43
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La classe moyenne - majoritaire dans ce pays- ne prendra pas le risque de mettre des extrêmes droite ou gauche , elle aurait top à perdre : crise socio-économique, politique et chute du marché immobilier ( donc de la valeur de leur bien )… elle sai...

le 08/04/2022 à 10:29
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"crise socio-économique, politique et chute du marché immobilier ( donc de la valeur de leur bien )…" Tu crois que la colère, la dépression et le mal être font penser ça toi ? T'es bien sûr de toi maurice sur ce coup là ? Quand on est en colère, quan...

le 08/04/2022 à 10:34
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"la classe dirigeante influe sur ces médias de masse afin que ce soit le pen contre mélenchon " Heu macron bien sûr et pas mélenchon ! ^^

le 09/04/2022 à 20:58
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"mais bon la classe dirigeante influe sur ces médias de masse " : et alors, votre vote est influencé par Hanouna ou BFM ? Vous ne savez pas vous faire une opininion par vous même sans regarder la TV ou TWITTER ? Je pense que si. Et bien figurez ...

à écrit le 08/04/2022 à 7:14
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C'est quoi cet article de technocrate, ce langage cette novlangue est incomprehensible. Il faut penser l'avenir le futur et la sécurité de tout le pays et si celà passe par un système antimissile performant, c'est comme en Allemagne c'est necessaire....

le 08/04/2022 à 7:58
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ce n'est pas en insultant les francais qui ne souhaite pas sa vision mondialiste et c'est la l'erreur de la macronie

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