Indemnisation, franchise, perte d'exploitation : quelles solutions pour les commerçants victimes des émeutes ?

Pour les propriétaires de commerces attaqués et pillés durant ces derniers jours marqués par des émeutes suite à la mort du jeune Nahel, l'heure est désormais à la déclaration des dégâts pour espérer obtenir une indemnisation. Mais cette dernière de va pas de soi et dépendra des garanties souscrites. La Tribune fait le point.
Coline Vazquez
De nombreux commerçants ont été victimes des émeutes ces derniers jours.
De nombreux commerçants ont été victimes des émeutes ces derniers jours. (Crédits : Reuters)

Vitre brisée, locaux incendiés, marchandise pillée...Les commerçants ont été la cible des émeutes qui sévissent en France depuis six jours après la mort du jeune Nahel, 17 ans, tué par un policier. Malgré la désolation face à la quantité de dégâts constatés, l'heure est désormais à la réparation. Les propriétaires des commerces endommagés doivent, en effet, déclarer les dégâts pour espérer obtenir une indemnisation auprès de leur assureur. Et si le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, s'est montré confiant, appelant notamment les assureurs à réduire le montant des franchises, rien n'est moins simple.

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Déclarer les dégâts au plus vite

C'est la priorité pour les commerçants : déclarer les dégâts liés aux émeutes. Samedi, Bruno Le Maire avait recensé, en quatre nuits de troubles, une dizaine de centres commerciaux et plus de 200 enseignes de la grande distribution attaqués et pillés - dont 15 incendiés -, ainsi que 250 débits de tabac, également 250 agences bancaires, des magasins de toutes tailles et des établissements de restauration rapide. Ce lundi, il a toutefois indiqué ne pas disposer d'un bilan actualisé.

De son côté, Alain Di Crescenzo, président de CCI France (les chambres de commerce et d'industrie) estimait dimanche que l'« on en est à plusieurs milliers de commerces ». Il a d'ailleurs appelé à donner la priorité dans les commissariats aux commerçants afin qu'ils déclarent facilement leurs sinistres. Bruno Le Maire a, lui aussi, incité les victimes à les déclarer rapidement : « Un appel suffit, ou un mail, ou un SMS ! », a-t-il assuré, précisant que « nous avons prévu d'étendre si nécessaire d'étendre les délais de déclaration ». Actuellement, les assurés doivent déposer plainte auprès des autorités de police et déclarer leurs dommages à leur assureur dans les cinq jours à compter de leur connaissance du sinistre. De plus, plusieurs préfectures ont renforcé leur dispositif pour faciliter les dépôts de plainte, et donc les indemnisations.

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France Assureur a, elle, affirmé que les membres de l'organisation sont « tous mobilisés » pour répondre aux victimes des émeutes, affirmant qu'« accélérer l'indemnisation est particulièrement crucial pour permettre aux professionnels dont l'outil de travail a été dégradé voire détruit de redémarrer rapidement leur activité »

De son côté, le groupe bancaire BPCE, également assureur, a annoncé, ce lundi, mettre en place un« rallongement du délai de déclaration de sinistres, porté à trente jours calendaires » pour ses clients assurés. Ces derniers bénéficieront également d'une « simplification de la déclaration » grâce à un « élargissement des preuves acceptées (témoignages, photos et autres justificatifs en l'absence de facture) », précise le groupe dans un communiqué.

De quoi répondre aux inquiétudes des professionnels à l'instar de Philippe Coy, président de la Confédération des buralistes, qui alertait dimanche : « Je ne pense pas que les experts seront assez nombreux dans des délais courts, il faudrait que chaque sociétaire puisse photographier les dégâts pour pouvoir réparer sans attendre une expertise ».

Quels dommages indemnisés ?

Reste à savoir quels dégâts sont concernés par les indemnisations. Selon le Code des assurances, les assureurs ne sont théoriquement pas tenus de couvrir les pertes et dommages occasionnés par des émeutes ou mouvements populaires. Les dommages matériels subis par un commerce ou un immeuble sont pris en charge par la garantie « émeutes et mouvements populaires », précise, en effet, l'organisation professionnelle, France Assureurs, sur son site, affirmant toutefois que « la quasi-totalité des contrats d'assurance couvrant les commerces et les immeubles prévoient cette garantie ». « L'assuré sera alors indemnisé suivant les niveaux de couverture qu'il aura souscrits (incendie, vol, bris de glace) et sur les autres dégradations subies par le bien assuré », est-il ajouté.

En ce qui concerne la « perte d'exploitation », qui couvre la perte de marge brute liée à la fermeture d'un commerce, sa souscription est facultative. « Cette garantie couvre les pertes de marge brute issues d'une fermeture totale ou partielle de l'établissement du fait d'un dommage matériel couvert par la garantie "émeutes et mouvements populaires" », indique encore France Assureurs.

Quelle franchise appliquée ?

« Nous avons demandé aux assureurs de faire preuve de la plus grande simplicité dans le traitement des procédures » et de « réduire au maximum les franchises », a assuré Bruno Le Maire, samedi, devant des journalistes après avoir reçu des représentants des commerçants, hôteliers-restaurateurs, assureurs et banquiers à Bercy. Et d'affirmer que la fédération des assureurs a « pris des engagements formels d'étudier la possibilité de réduire les franchises ».

Pourtant, France Assureurs ne s'est pas exprimé à ce sujet dans sa déclaration samedi. Un porte-parole a d'ailleurs confirmé à l'AFP qu'il fallait se tenir à cette déclaration « pour l'instant ».

Le groupe de banque-assurance BPCE a, lui, d'ores et déjà annoncé, dans son communiqué ce lundi, qu'il n'y aurait « pas de franchise appliquée en cas de dommages aux biens » pour les « clients professionnels ».

Un soutien de l'Etat ?

Si les commerçants vont se tourner vers leurs assureurs, pour les principales organisations patronales, l'Etat devra lui aussi mettre la main au portefeuille pour soutenir ces professionnels déjà fortement touchés par la crise sanitaire. Elles ont ainsi appelé ce lundi le gouvernement à mettre en place des mesures de soutien en faveur des commerçants et entrepreneurs affectés par les six dernières nuits de violences.

De son côté, le ministre de l'Economie a d'ores et déjà annoncé un report de paiement de charges sociales et fiscales pour les entreprises en difficulté sera également possible. Mais pour la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), ce report de charges risque de ne pas être « suffisant ». Elle demande donc « des mesures de soutien immédiates et massives » pour les commerçants et buralistes, notamment, qui n'ont pas accès au chômage partiel. « Pour ceux qui ont tout perdu, il est essentiel de leur assurer un moyen de subsistance », insiste la CPME qui plaide pour la mise en place « d'un fonds de secours » ainsi qu'un délai dans le remboursement des prêts garantis par l'Etat (PGE) accordés pendant la crise sanitaire.

L'union des entreprises de proximité (U2P) alerte, elle, sur le fait que « ces entreprises ne pourront reprendre leur activité avant plusieurs semaines, et beaucoup d'autres, notamment à caractère commercial, subissent déjà d'importantes baisses d'activité en raison des émeutes ». Elle demande donc au gouvernement de mettre en place « les dispositifs adaptés » - tels que l'activité partielle et le report de charges -, aux assurances d'indemniser de manière rapide et proportionnée mais aussi aux banques d'accorder aux entreprises concernées « des facilités » de remboursement.

Bruno Le Maire s'est lui aussi adressé aux banques leur demandant « la plus grande compréhension en termes de traitement des échéances » des professionnels concernés. Ce à quoi le président de la Fédération bancaire française, Philippe Brassac, a répondu qu'elles étaient « présentes, pleinement mobilisées pour répondre de façon personnalisée aux besoins de leurs clients touchés par les récentes émeutes ».

(Avec AFP)

Coline Vazquez
Commentaires 8
à écrit le 04/07/2023 à 6:46
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Nous payons des assurances obligatoires pour quoi en fait ?

le 04/07/2023 à 19:50
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Il ne s'agit pas d'assurance obligatoire .Dans le cas présent l'assureur à un devoir de conseil c'est à dire qu'il doit proposer à ses assurés en fonction de leurs situations et de leurs besoins des solutions adaptées .Sur le fond je peine à croire q...

le 05/07/2023 à 7:47
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C'est bien ce qu'il me semble, ils en font des caisses...

à écrit le 03/07/2023 à 23:27
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Malgré ces pleureuses, le CAC40 a fait +2.4% sur une semaine .Peut être parce que les poubelles brulent mais la caravane passe.

à écrit le 03/07/2023 à 22:04
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Presentez les factures chez les juges trop laches.

le 04/07/2023 à 8:55
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En effet la police n'est pas assez réprimandée mais il ne faut pas oublier que policiers et gendarmes font partie de l'entourage quotidien des juges ce qui explique autant de souplesse à leur égard d'une part et d'autre parte le travail des policiers...

le 04/07/2023 à 13:16
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Un policier de 45 ans a été roué de coups par cinq hommes à Mitry-Mory (Seine-et-Marne), ce lundi soir. Il a été hospitalisé et souffre d’un traumatisme crânien. Le parquet de Meaux a ouvert une enquête pour « violences en réunion sur personne déposi...

à écrit le 03/07/2023 à 19:13
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(...) "l'heure est désormais à la déclaration des dégâts pour => espérer obtenir une indemnisation. => Mais cette dernière de va pas de soi et dépendra des garanties souscrites" (...). Est-ce clair à présent, mes détracteurs? 🤗

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