Émeutes : « Le succès des réseaux sociaux repose sur la radicalité des messages »

Emmanuel Macron a pointé du doigt la responsabilité des plateformes dans la diffusion de messages appelant à la violence, ce qui aggrave selon lui les tensions dans les banlieues. En cause : une mauvaise volonté des réseaux sociaux et le pseudonymat qui incite à l'irresponsabilité, pointe Alexandre Lazarègue, avocat spécialisé en droit du numérique. Pour La Tribune, il revient sur les blocages qui demeurent dans l'application du droit sur ces plateformes.
Coline Vazquez
Selon le président de la République, les réseaux sociaux jouent « rôle considérable » joué « dans les événements de ces derniers jours ».
Selon le président de la République, les réseaux sociaux jouent « rôle considérable » joué « dans les événements de ces derniers jours ». (Crédits : Pixabay / CC)

Prenant la parole au sujet des émeutes qui se déroulent en France depuis trois jours, Emmanuel Macron a pointé du doigt le « rôle considérable » joué par « les plateformes et les réseaux sociaux », « dans les événements de ces derniers jours ». « Nous avons vu sur plusieurs d'entre elles, Snapchat, TikTok et plusieurs autres, à la fois l'organisation d'événements violents se faire, mais aussi une forme de mimétisme de la violence ce qui, chez les plus jeunes, conduit à une forme de sortie du réel », a-t-il dénoncé. En conséquence, le chef de l'Etat entend contraindre ces acteurs à « organiser le retrait des contenus les plus sensibles » et à communiquer « l'identité de celles et ceux qui utilisent ces réseaux sociaux pour appeler au désordre ou pour exacerber la violence ». Des mesures déjà prévues par la loi, qui peinent néanmoins à être appliquées.

LA TRIBUNE : Emmanuel Macron veut contraindre les plateformes à retirer les contenus signalés comme appelant à l'organisation d'événements violents et à communiquer l'identité de leurs auteurs. Mais n'est-ce pas déjà ce que prévoit la loi ?

ALEXANDRE LAZARÈGUE - Oui. Il existe, en effet, plusieurs textes de loi dans ce but. À l'échelle européenne, le digital service act (DSA) qui date du 19 octobre 2022 va contraindre les réseaux sociaux, s'ils veulent avoir accès aux 350 millions de consommateur que représente le marché européen, à respecter la loi en leur imposant une réglementation assez rigoureuse.

Lire aussiMort de Nahel : « Le risque est un embrasement comme en 2005 », Frédéric Dabi (Ifop)

À l'échelle de la France, la loi pour la confiance dans l'économie numérique, qui date du 21 juin 2004, permet de retirer des images, vidéos et messages et de demander l'identité de ceux qui ont émis ces contenus. Ce texte a d'ailleurs été régulièrement réformé pour renforcer la présence du droit sur les réseaux sociaux.

Car, pendant très longtemps, les réseaux sociaux se sont présentés comme une boîte aux lettres, considérant qu'ils n'avaient aucune responsabilité vis-à-vis des messages diffusés. Ils se considéraient ainsi comme de simples intermédiaires impliquant qu'il faille se retourner contre les individus. Or, s'ils n'ont pas de responsabilité a priori, ils doivent laisser aux utilisateurs la possibilité de notifier les contenus problématiques, qu'ils doivent supprimer dans les meilleurs délais. Au-delà des utilisateurs, le ministère public peut lui aussi s'adresser à un réseau social pour demander la suppression de messages et aussi demander qu'on lui transmette des informations sur l'identité des individus. Depuis quelques années, un parquet a d'ailleurs été créé à cette fin et qui est dédié aux problèmes de cybercriminalité et au respect des règles sur les réseaux sociaux. Sur le papier, tout a donc été fait pour que ces procédures soient accélérées, mais, la justice étant ce qu'elle est, cela reste relativement long.

Lire aussiYouTube, Twitter, TikTok, Facebook: et si le vrai problème était moins leur statut d'hébergeur que leur modèle économique?

En effet, cette réglementation ne semble pas toujours appliquée. Quels sont les freins?

Les réseaux sociaux représentent un marché très monopolisé occupé par quelques entreprises très puissantes avec lesquelles collaborer n'est pas chose aisée. Nous sommes donc un peu à la merci de ces groupes qu'on peine à contraindre à respecter la loi.

D'autant qu'ils ne sont pas situés en France. Ils sont soit en Californie ou au mieux en Irlande où se trouvent leurs sièges sociaux européens. Cela rend donc difficile pour les autorités européennes d'imposer des contraintes à leur égard.

Ils font un peu ce qu'ils veulent car ils n'ont finalement pas intérêt à ce qu'on supprime des messages violents, extrêmes ou radicaux. Le succès de ces plateformes repose sur la radicalité des messages qui y sont échangés. Contrairement à ce qu'ils disent, les réseaux sociaux ne sont pas qu'une boîte aux lettres. En effet, de nombreuses études [à commencer par le leaks des Facebook Files, Ndlr] montrent que les algorithmes de ces plateformes favorisent les messages radicaux et mettent beaucoup moins en avant les messages qui font consensus ou qui font la promotion du vivre ensemble. C'est incontestable. Nous sommes dans une économie de l'attention. Le but est de vous faire rester le plus possible sur le réseau social pour que vous puissiez être touchés par la publicité. Néanmoins, le Digital Services Act prévoit d'imposer une transparence quant à cet algorithme sur lequel sont basées ces plateformes, afin de savoir comment il est construit et fonctionne.

Deuxième élément : l'anonymat. Aujourd'hui il est possible de s'exprimer sous couvert d'anonymat. On peut, en effet, tromper les réseaux sociaux sur son identité en créant un compte avec un pseudonyme et il devient donc difficile de parvenir à vous identifier. Car lorsque vous vous exprimez dans l'anonymat, il y a une sorte de désinhibition quant aux propos que vous tenez car vous savez que vous ne serez pas démasqués et donc vous n'engagez pas votre responsabilité. Mais, les opposants à la levée de l'anonymat plaident pour le fait qu'il a permis à des lanceurs d'alerte de communiquer sur des informations ou de dénoncer des faits.

Notons également que de nombreux messages sont éphémères [ceux échangés sur Snapchat par exemple ont une durée limitée dans le temps, ndlr] et cela pose des difficultés pour se retourner contre les auteurs des messages concernés. Il faut demander la preuve, le contenu concerné, aux réseaux sociaux. Ces derniers peuvent archiver ces éléments au-delà des 24 heures de diffusion, et ce, dans une durée de temps réglementée. Mais encore faut-il qu'ils fassent preuve de bonne volonté.

Quelles évolutions selon vous ?

Le législateur, en France et en Europe, n'a pas cessé depuis ces dix dernières années de renforcer, contrôler, réguler les droits sur les réseaux sociaux et pourtant on voit bien qu'on n'y arrive pas. Ce qui pose encore et toujours la question de la levée de l'anonymat. Elle s'est déjà posée dans les débats, mais a été exclue pour l'instant. C'est pourtant une vraie question.

Lire aussiLoi Avia, fin de l'anonymat : des fausses solutions au vrai problème de la haine en ligne

Quant à la responsabilité pénale des réseaux sociaux, elle ne peut être que difficilement engagée. Il est écrit dans la loi que si le réseau social ne supprime pas le contenu signalé dans un prompt délai, sa responsabilité peut être engagée, mais ça ne s'est encore jamais produit. Aucune décision de justice n'a jamais condamné pénalement un réseau social. Ne faut-il pas alors prendre à bras-le-corps ce sujet et mettre les réseaux sociaux face à leur responsabilité en considérant qu'ils sont pleinement responsables des messages sur leur plateforme ?

Coline Vazquez

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 27
à écrit le 02/07/2023 à 13:48
Signaler
Croyez vous que ces émeutes auraient lieu si vous président aviez fait votre travail correctement en écoutent les manifestants contre la réforme des retraites, gilets jaunes... Et surtout si vous aviez pas imposer vos lois bêtement, ok je sais que vo...

le 03/07/2023 à 14:17
Signaler
2027 highway to FN

à écrit le 02/07/2023 à 9:37
Signaler
Ce sont les réseaux sociaux qui ont développé les "iPhone" ou le contraire ? Posez vous la question de la véritable cause car ceux-ci ne seront que des conséquences !

à écrit le 01/07/2023 à 20:03
Signaler
Les réseaux sociaux sont les seuls lieux où on peut insulter, organiser la violence, harceler publiquement . Par l'écrit ou la déclaration cela est puni juridiquement . Chercher l'erreur. L'erreur c'est l'anonymat . Pourquoi tolérer cette entorse au ...

le 02/07/2023 à 7:57
Signaler
"Les réseaux sociaux sont les seuls lieux où on peut insulter, organiser la violence, harceler publiquement" Ben non la Police a le droit de faire tout cela également. Je préfère les réseaux sociaux dans lesquels il suffit de ne pas aller pour ne pas...

à écrit le 01/07/2023 à 13:18
Signaler
"la diffusion de messages appelant à la violence" Ce n'est pas LA violence, c'est de la mauvaise expression ciblée et manipulatrice. La diffusion permet l'organisation géographique, la synchronisation de l'action et la motivation. Elle agrége ceux qu...

à écrit le 01/07/2023 à 12:01
Signaler
Une des causes de l'embrasement, c'est justement le dévoiement d'un outil formidable pour la démocratie que sont les réseaux sociaux. Mais il y a un énorme hic qu'Elon Musk a eu beaucoup de mal à adresser face à Christel Heydemann (et Mme Lapix au JT...

le 01/07/2023 à 13:47
Signaler
Sauf que les "réseaux" sont intrinsèquement A-SOCIAUX. La "société", c'est de vivre ensemble (au milieu de) les autres; TOUS les autres. Or ces réseaux sont tous orientés "communautaire". Càd excluant ceux qui ne voient pas "comme moi". C'est d'aill...

à écrit le 01/07/2023 à 12:00
Signaler
Encore merci aux 2 vieux Giscard et Chirac qui ont opté pour le regroupement familial

le 02/07/2023 à 8:49
Signaler
600 pages consacrées à la vie politique de Valéry Giscard d’Estaing ont été publiées en 2018 dans les librairies de France. À la tête de cet ouvrage publié aux éditions de l’Observatoire, le journaliste Éric Roussel. Il a passé près de 20 heures à éc...

à écrit le 01/07/2023 à 11:31
Signaler
On aura rarement vu un chef d'état accumuler autant de crises en aussi peu de temps; bien sur, la responsabilité en incombe à bon nombre de ses prédécesseurs et à un parlement fantôme; ses capacités l'ont assurément prédestiné au rôle de fonctionnair...

le 01/07/2023 à 12:28
Signaler
Ne le poussez pas à prendre ses prédécesseurs comme excuse parce qu'il a appuyé sur l'accélérateur ! ;-) Et ne soyez pas dupe de son cirque; jonglerie, prestidigitation et clownerie !

le 03/07/2023 à 11:13
Signaler
Macron est heureux de cette nouvelle crise. Il fait semblant d'être accablée par celle ci mais depuis qu'elle est là on ne pare plus de la réforme des retraites... A part un retour du covid pour enfermer le peuple chez lui, il pouvait pas espérer m...

à écrit le 01/07/2023 à 11:25
Signaler
Bienvenue aux Jeux Olympiques de Paris 2024 ! Venez vous faire peur dans un escape game grandeur nature où le gibier ce sera vous...

à écrit le 01/07/2023 à 11:11
Signaler
Le cas français demeure emblématique sur la scène internationale des pays développés (et depuis longtemps), pourtant on ne compte plus les pays confrontés à la capacité de nuisance des réseaux sociaux. Alors pourquoi l'ensauvagement exponentiel de la...

à écrit le 01/07/2023 à 11:09
Signaler
Madame Le Pen je nous prédis un avenir radieux

le 01/07/2023 à 11:50
Signaler
Cela ne fait plus ni envi ni peur, la même soupe néolibérale.

à écrit le 01/07/2023 à 10:51
Signaler
Dans une France surendettée qui vient de passer allègrement les 3.000 milliards de dettes après 63 milliards de plus au 1er trimestre 2023, n'en n'est plus à pauyer quelques centaines de millions d'euros supplémentaires avec ces émeutes, ces pillage...

à écrit le 01/07/2023 à 10:39
Signaler
Les "capitalistes" ont toujours préféré manipuler "l'extrême droite"quand la gauche commençait à les contrarier ! :-)

à écrit le 01/07/2023 à 7:53
Signaler
On cherche des alibis à la violence, alors que la seule réponse à tous les maux de la société française , c'est l'absence de place de prison et de centre éducatifs fermés pour faire exécuter les peines de prison. La meilleure preuve c'est d'avoir cor...

à écrit le 30/06/2023 à 21:32
Signaler
Les baveux de gauche donc tolérants sui découvrent internet vont donc voter une loi contre la violence d'extrême droite car il ne faut pas stigmatiser l'électorat tolérant de gauche dont les élus proposent de décapiter Macron dans la bienveillance d...

le 01/07/2023 à 7:17
Signaler
Dans l'histoire l'extrême droite a toujours été la plus violente et la plus dangereuse et de très loin, c'est la peur des actionnaires qui faussent al donne qui préfèrera toujours le fascisme qu'elle pourra contrôler au gauchisme qu'elle pourrait con...

à écrit le 30/06/2023 à 21:20
Signaler
Ah pardon je croyais que c'était parce qu'un jeune s'était fait exécuter, je suis trop distrait...

à écrit le 30/06/2023 à 20:09
Signaler
Encore et toujours, on s'attaque aux conséquences, mais rien n'est fait sur les causes, à croire que l'on veut éviter une cohésion nationale pour ne pas perturber cette construction européenne dogmatique ! ;-)

à écrit le 30/06/2023 à 20:06
Signaler
Encore et toujours, on s'attaque aux conséquences, mais rien n'est fait sur les causes, à croire que l'on veut éviter une cohésion nationale pour ne pas perturber une construction européenne dogmatique ! ;-)

le 30/06/2023 à 20:28
Signaler
S' intéresser aux causes reviendrait à recenser derrière chacune d' elles et à chaque instant, l' empreinte des globalistes puisque ce sont eux qui tirent les ficelles de la géopolitique occidentale. La presse mainstrea...

à écrit le 30/06/2023 à 19:27
Signaler
Pourquoi donc les mainstream contrôlent- ils l' information? Sur ce qui se passe en France, F Asselineau écrit " LA FRANCE À FEU ET À SANG ? MACRON SE TRÉMOUSSE SUR LA MUSIQUE D'ELTON JOHN ! Complètement hors sol, l'imposteur de l'Élysée ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.