
L'inflation alimentaire frôlait en septembre le seuil des 10% (+9,9% selon l'Insee), alors même que la hausse des prix à la consommation a décéléré légèrement depuis deux mois en France. Dans les rayons, certains produits de première nécessité ont vu leurs prix fortement grimper ces derniers temps : +29% pour la viande surgelée, +22% pour la viande au rayon boucherie, +20% pour les pâtes, +16% pour la margarine et le beurre, +15% pour l'huile et le café, d'après le dernier relevé effectué par le cabinet d'analyses IRI France, qui scrute les achats des consommateurs après leur passage en caisse. Il y a encore à peine un an, ces hausses n'étaient pas un sujet. Mais depuis décembre 2021, le cabinet d'analyses observe une lente et régulière poussée inflationniste sur les produits alimentaires.
Les causes sont multiples. Avant même le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022, les aléas climatiques et mauvaises récoltes de l'été 2021, ou encore les dérèglements de la production d'emballages liés à la pandémie de Covid, avaient déjà tendance à faire monter les prix. A cela, il faut désormais ajouter la hausse des coûts de production, de transport, liés à la flambée des prix de l'énergie. Cette hausse des coûts se répercute en rayons à l'issue des négociations commerciales entre les acteurs de l'alimentation (producteurs, industriels de l'agroalimentaire, grande distribution) qui définissent les prix de ventes de denrées alimentaires.
La valse des étiquettes n'est pas prête de finir. « Dans quelques semaines, le lait et les produits laitiers, certaines céréales, comme le maïs, ou encore la pomme de terre, devraient voir leurs prix augmenter, à cause notamment de la sécheresse estivale », souligne Emily Mayer, directrice des études au sein de l'Institut IRi. « On va terminer l'année avec une inflation sur les produits alimentaires de l'ordre de +11% », anticipe cette experte des produits de grande consommation.
Des arbitrages vers des gammes bon marché, le bio boudé
Dans ce contexte, les consommateurs sont de plus en plus amenés à faire des arbitrages. Soit en achetant moins de produits frais, comme la viande au rayon boucherie, des fruits et légumes, ou encore le poisson. Soit en se reportant sur des produits moins chers. « Les achats de premiers prix progressent en volume », indique Emily Mayer.
A l'inverse, les aliments bio, équitables, enregistrent de grosses baisses de ventes en volume. « A la fois parce que les gens achètent moins, mais aussi parce que dans les magasins on a tendance à supprimer un peu ces références pour faire de la place dans les rayons aux premiers prix. Les distributeurs font attention au pouvoir d'achat et mettent l'accent sur les promotions et les produits plus éco ; moins sur les offres du bien consommer », explique-t-elle. « Bien que l'inflation pèse moins fort sur les produits bio, le bio reste malgré tout 40% à 50% plus cher. Et les consommateurs ont actuellement plutôt tendance à aller vers des marques distributeurs, meilleur marché.»
Une tendance observée également par l'Observatoire Société et Consommation (ObSoCo). « Il y a un choc de prix, qui créent des arbitrages », confirme Guénaëlle Gault, directrice générale de l'ObSoCo. D'après leur dernier Baromètre du pouvoir et des intentions d'achats des Français, publié en septembre, la proportion de consommateurs qui affirme privilégier la qualité - quitte à payer plus cher - s'est réduite de 50%, alors qu'elle avait plutôt tendance à progresser (+56%) l'an dernier. « On observe un coup d'arrêt à cette envie de consommer mieux, qui était liée à des raisons de santé et d'environnement », note la directrice générale de l'ObSoCo.
Face à l'inflation, les consommateurs opèrent ainsi des arbitrages sur les gammes, les types de produits, en achetant par exemple plutôt des œufs ou de la viande blanche que de la viande rouge, ou encore en changeant de circuit de distribution, en se tournant par exemple vers des enseignes de la grande distribution qui multiplient les promotions. Certains vont même jusqu'à s'imposer des restrictions sur l'alimentation. « C'est le cas pour un tiers des Français, et pour un sur dix, les restrictions sont même très importantes, affirme Guénaëlle Gault. Parmi ceux qui se restreignent, 43% affirment même manger moins qu'ils ne le souhaiteraient.» Au final, « tout le monde fait attention à sa mesure ».
« Un choc » de l'inflation après Noël
Pour les fêtes de fin d'année, les observateurs anticipent que les Français vont malgré tout se faire plaisir, et dépenser sans (trop) compter, même si l'inflation sur les produits alimentaires est attendue en glissement annuel à près de 12% en fin d'année. Cette tendance inflationniste devrait se poursuivre en 2023. Dans la grande distribution, Michel-Edouard Leclerc, le président du comité stratégique des magasins E.Leclerc, anticipe d'ailleurs « un choc » de l'inflation pour les consommateurs qui « interviendra en janvier et février », dans la mesure où « il faudra passer les hausses de prix des industriels provoquées par l'énergie », explique-t-il dans un entretien lundi aux Echos.
Reste à savoir dans quelles mesures. Le projet de loi de finances (PLF), dont l'examen à l'Assemblée débute ce lundi, comprend notamment un « bouclier tarifaire » de 45 milliards d'euros face à l'explosion des prix de l'énergie. De quoi peut-être atténuer pour l'an prochain cette envolée annoncée.
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