
Le mécanisme de protection pour contrôler les investissements étrangers dans les secteurs stratégiques français semble avoir porté ses fruits en 2022. Pour rappel, le seuil maximal de capital qu'un acteur étranger peut accaparer dans une entreprise française dite stratégique avait été abaissé à 10% en 2020, contre 25% précédemment. « Dès qu'une entreprise veut prendre 10% du contrôle d'une entreprise française, j'ai la possibilité de m'opposer à cette prise de contrôle », expliquait en décembre le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire.
Le rapport annuel d'activité des investissements étrangers en France (IEF) révèle ainsi que « l'activité du contrôle des IEF est restée stable en 2022, avec 325 dossiers soumis à la direction générale du Trésor, contre 328 en 2021 », a expliqué le ministère dans un communiqué mardi 9 mai.
194 demandes n'aboutissent pas
Concrètement, ce mécanisme empêche les acteurs étrangers d'avoir un poids trop important dans le vote des décisions stratégiques d'entreprises sensibles. L'investisseur étranger (non-européen) franchissant le seuil de 10% des droits de vote d'une société cotée stratégique doit le notifier à Bercy. Ce dernier peut alors décider d'un examen plus approfondi, voire bloquer l'opération s'il l'estime contraire aux intérêts français.
« Les demandes d'autorisation d'investissement, lorsqu'elles ne sont pas retirées, peuvent (...) faire l'objet d'une décision » d'autorisation, avec ou sans conditions, ou refus, explique le ministère.
Ainsi en 2022, « sur les 325 dossiers, 194 demandes d'autorisation n'ont pas abouti et 131 opérations d'investissements dans le champ du décret IEF ont été autorisées, précise Bercy. 53% de ces 131 opérations ont été assorties de conditions de nature à garantir la préservation des intérêts nationaux ».
« La protection des technologies et des entreprises clés pour la sécurité économique du pays est une priorité », a commenté Bruno Le Maire mardi 9 mai. Le ministre de l'Économie a annoncé en décembre dernier que la mesure serait prolongée jusqu'à fin 2023. Le gouvernement souhaite même la pérenniser au-delà de cette échéance.
Des investissements dans la défense et les infrastructures
Les secteurs dits « stratégiques » sont la défense et la sécurité (armes, matériel de guerre, ainsi que certaines technologies avec un usage militaire comme la cryptologie), ainsi que les infrastructures, biens ou services essentiels (énergie, eau, transport, santé publique, sécurité alimentaire...). La défense et les secteurs proches, dits « sensibles par nature », représentent 24% des autorisations d'investissements en 2022, dont plus des trois-quarts ont été assorties de conditions, selon le rapport annuel.
Quelque 52% des dossiers autorisés portaient sur des infrastructures, biens ou services essentiels et 24% sur les deux secteurs à la fois. Au global, le nombre de décisions d'investissements a atteint un record l'année dernière. L'agence Business France rapportait fin février que 1.725 projets ont été recensés en 2022, contre 1.607 un an auparavant (+7%). Malgré la guerre en Ukraine et l'explosion des prix l'année dernière, de nombreuses multinationales ont privilégié l'économie tricolore. « 2022 est la résultante d'un triptyque sur la fiscalité, le droit du travail et la capacité de la France à résister. La France a su contenir son inflation », déclarait le directeur de l'agence Business France Laurent Saint-Martin contacté par La Tribune.
(Avec AFP)