Après la décision vendredi de Fitch et Moody's de maintenir inchangée la note de crédit de la France et l'annonce mardi de l'Insee d'une croissance économique supérieure aux attentes au premier trimestre, le gouvernement peut aujourd'hui se gargariser d'être toujours le pays européen le plus attractif pour les entreprises étrangères. Pour la cinquième année consécutive en effet, la France reste sur la première marche du podium européen selon le dernier baromètre EY dévoilé ce mercredi 1er mai. L'économie tricolore fait la course en tête avec 1.194 projets recensés, devant le Royaume-Uni (985) et l'Allemagne (733).
« Dans un contexte de contraction des investissements internationaux en Europe, la France garde une place désirable sur le Vieux continent », explique à La Tribune Marc Lhermitte, consultant au cabinet d'audit.
L'Hexagone est aujourd'hui destinataire de 21 % des investissements étrangers en Europe.
40.000 emplois créés
La performance est d'autant plus remarquable que l'Europe est globalement moins attractive pour les investisseurs. Et que la concurrence est rude avec les Etats-Unis qui déploient l'Industrial Réduction Act (IRA) pour attirer à coups de millions de dollars les investisseurs étrangers. Au total, ces projets ont créé l'an dernier près 40.000 emplois sur tout le territoire. Néanmoins, les investissements sur le territoire hexagonal baissent de 5% par rapport à 2022 (1.259).
« C'est une contraction manifeste mais la France conserve la première marche ».
Sur l'ensemble des projets, l'industrie représente plus de 40 %, soit près de 530 usines implantées où qui se sont étendues. À elle seule cette réindustrialisation a généré 20.545 emplois, avec une augmentation significative des projets de décarbonation et de robotisation, mais aussi des investissements supplémentaires dans la santé ou encore la mobilité électrique. La France reste la destination européenne de premier choix quand il s'agit d'implanter des établissements de Recherche et Développement (R&D) mais aussi d'intelligence artificielle avec 17 nouveaux projets l'an dernier, comme l'inauguration du centre IA de Google, de Méta, IBM, Samsung
En revanche, les secteurs industriels historiques comme la chimie ou l'agroalimentaire sont en perte de vitesse. Il est par ailleurs intéressant de noter que près d'un projet étranger sur deux concerne les zones rurales et les villes moyennes... Les régions qui ont le plus profité de ces implantations sont l'Ile de France, mais aussi les Hauts de France, ou Auvergne-Rhône Alpes.
Les atouts de l'Hexagone
Les dirigeants internationaux mettent en avant les compétences : malgré les pénuries de main-d'œuvre, ils trouvent en France des actifs bien formés. Les infrastructures, comme le réseau de trains, d'électricité, de téléphonie..., sont perçues comme fiables. La façon dont le gouvernement a géré la crise énergétique reste, pour le moment, des atouts par rapport à d'autres pays où le prix de l'énergie s'est envolé. Mais, c'est un point de vigilance important selon l'étude.
Enfin, la qualité de vie dans l'Hexagone reste aussi un avantage aux yeux du entreprises étrangères, même si,petit bémol, des critiques qui n'existaient pas jusqu'ici apparaissent, notamment sur l'insécurité qui progresse dans le pays.
Et nos faiblesses sont ..
Le climat social reste un point faible. Le long conflit contre la réforme des retraites a marqué les esprits. Malgré les réformes menées ces dernières années par le gouvernement, l'instabilité fiscale et réglementaire, mais aussi le coût du travail, inquiètent toujours les patrons étrangers. À noter également, les PME sont moins enclines que les grands groupes à s'implanter ou à envisager un développement de leurs activités en France (58 % contre 77%).
Enfin, 76 % des dirigeants interrogés par EY pensent d'ailleurs que la France peut encore améliorer son attractivité́...
Le camp présidentiel ne va pas manquer de se féliciter de ses résultats après les polémiques sur les dérapages budgétaires de 2023 et de 2024 et avant la note de l'agence Standard and Poor's fin mai, une échéance redoutée avant les élections européennes.
Les efforts renouvelés du gouvernement
En attendant, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie a souligné « la solidité de l'économie française ». Pour le locataire de Bercy, les résultats de ce baromètre montrent que « la stabilité de la politique de l'offre est saluée par les investisseurs. » Le ministre promet de ne pas en dévier. Et pour continuer à séduire les dirigeants étrangers, il parie sur de nouvelles réformes : la simplification de la vie des entreprises, une loi travail 2, la réforme de l'assurance chômage, ou encore le renforcement de notre attractivité financière. Autant d'arguments que Bruno le Maire, mais aussi qu'Emmanuel Macron vanteront lors de la prochaine édition de Choose France qui se tiendra le 13 mai prochain à Versailles.
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En Europe, le Royaume-Uni accélère
Sur le Vieux Continent, la concurrence du Royaume-Uni est forte. Outre-Manche, les investissements ont progressé de 6% entre 2022 et 2023, à 985 investissements (contre 929 l'année précédente)
« Au Royaume-Uni, il y a eu un redressement des investissements en 2023. Le Royaume-Uni est très concentré sur les entreprises à capitaux étrangers. Le Brexit a divisé par deux le nombre d'investissements industriels, mais le secteur privé et le gouvernement britannique se sont mis ensemble pour soutenir certains secteurs stratégiques comme le digital, l'industrie et l'énergie », déclare Marc Lhermitte.
Le Royaume-Uni reste un compétiteur très robuste sur l'implantation des sièges sociaux mais aussi les services financiers ou le digital. Si l'on combine ces trois domaines d'activités, 245 projets ont été recensés dans l'hexagone contre 451 Outre-Manche. Ce qui explique que le Grand Londres repasse de peu devant l'Ile de France dans le classement européen des régions. Avec 36 % des implantations, la France est aussi un peu à la peine sur « le greenfield » contre 75 % au Royaume Uni, et 77 % en Allemagne
Après le divorce entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, les craintes d'un plongeon économique de l'économie britannique avaient ressurgi. Mais Londres est restée une place importante en Europe. « Il faut souligner la résistance du Grand Londres qui attire encore beaucoup de sièges européens et a conservé sa place de grand centre financier mondial. L'industrie financière emploie environ 400.000 personnes dans le Grand Londres. Le Royaume-Uni continue de défendre cet actif très important », indique le responsable mondial du cabinet sur la compétitivité et l'attractivité.
L'Allemagne en chute libre
De son côté, frappée de plein fouet par la crise énergétique, l'Allemagne peine à retrouver des couleurs. Le nombre de projets d'investissements a chuté de 12% entre 2022 et 2023 passant de 832 à 733. « L'Allemagne s'effondre en raison de la récession qui inquiète les entreprises allemandes et étrangères », indique le consultant. Après une récession en 2023 (-0,3%), les moteurs de l'économie allemande devraient repartir timidement en 2024 (+0,2%) selon le FMI.
Les économistes du Fonds ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2024 et 2025 (-0,3 point pour les deux années). Plus au Sud de l'Europe, l'Espagne (-6% à la 5ème place), le Portugal (-11% à la 7ème place) et l'Italie (-12% à la neuvième place) perdent également du terrain.
L'Europe frappée de plein fouet par la chute des investissements américains
Cette chute des investissements étrangers sur le sol européen en 2023 est particulièrement marquée (5.694 contre 5.962 en 2022). « Cette baisse en Europe s'explique par une croissance faible qui empêche beaucoup d'entreprises d'investir, une situation énergétique préoccupante et une diminution des investissements américains en Europe (-15%) », souligne Marc Lhermitte.
En cause, l'Inflation reduction of Act (IRA) de Joe Biden mis en place après la guerre en Ukraine. « En 2023, le succès de l'IRA représente environ 15% d'investissement américain en moins en Europe et en France. Les investisseurs américains représentent environ 15% du total. L'Europe a perdu 30% de ses clients américains en quatre ans », souligne l'expert.
A cela s'ajoutent le différentiel de croissance entre l'Europe et les Etats-Unis et le coût de l'énergie. « En Europe, la mobilisation actuelle ne suffit pas. L'IRA est un "super dispositif" pour les entreprises américaines », juge Marc Lhermitte. Reste à savoir ce que va proposer l'Europe après le scrutin crucial de juin prochain pour relancer le moteur économique.
Réindustrialisation : légère baisse en 2023 dans l'Hexagone Le nombre d'investissements étrangers dans le Made in France a légèrement baissé (-3%) entre 2022 et 2023. Au total, 530 projets d'implantations ou d'extensions ont été recensés par le cabinet. «On ne peut plus seulement parler de réveil industriel car la réindustrialisation est réelle », estime Marc Lhermitte. « Mais dans certaines grandes agglomérations, il y a des freins ou des postures qui peuvent paraître choquantes alors que la France a encore besoin d'emplois, d'innovation et de technologies apportées par ces entreprises internationales », nuance l'expert.