La France de nouveau au bord de la crise de nerfs

Entre tensions, attaques, et divisions croissantes, le pays traverse une période tumultueuse. Par Marc Bassets, correspondant d'El Pais à Paris.
(Crédits : latribune.fr)

Au début de l'automne, la France semblait fatiguée. On avait l'impression, à la rentrée, que rien ne se passait, après la période convulsive de la réforme des retraites et les émeutes en banlieue. L'été avait été politiquement rude en Espagne, où une campagne électorale virulente avait laissé le pays polarisé et sans majorité parlementaire claire. Ici, par contre, les querelles politiciennes apparaissaient moins intenses. Les initiatives législatives, moins spectaculaires. La rue, ce contre-pouvoir qui ne cesse de fasciner à l'étranger, était vide de manifestants. La France s'ennuyait. Et moi, depuis six ans correspondant pour le quotidien El País, un peu aussi.

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Tout a basculé. Le massacre perpétré par le Hamas le 7 octobre en Israël, les bombardements israéliens sur Gaza et les milliers de morts ont été un réveil. Et le meurtre par un islamiste de Dominique Bernard dans son lycée d'Arras, le 13 octobre, nous a rappelé cette triste singularité française : dans quel autre pays être professeur est-il un métier où on met sa vie en danger ? Aujourd'hui, en France, on meurt à coups de couteau pour avoir montré des caricatures, comme ce fut le cas de Samuel Paty. On meurt simplement d'être ce qu'on est : un prof de français. Et on meurt assassiné par des enfants de l'école publique, laïque, républicaine. Je crains que cela devienne une routine.

« Le tragique peut surgir partout », me disait à Arras, quelques heures après le meurtre de Dominique Bernard, un professeur du même lycée. En France, et c'est là une différence notoire avec l'Espagne, la guerre au Proche-Orient touche une fibre intime : en raison de sa population musulmane et juive, de la mémoire récente des attentats, et aussi du nombre de Français victimes du Hamas le 7 octobre.

L'Espagne a des leçons à tirer

La France est de nouveau un pays au bord de la crise de nerfs. L'Espagne a des leçons à tirer du déchirement de la gauche après le refus de Jean-Luc Mélenchon de qualifier le Hamas de terroriste. En Espagne, les amis de Mélenchon sont au gouvernement du socialiste Pedro Sánchez. Et c'est avec étonnement qu'on assiste à l'incroyable transformation du principal parti d'extrême droite, fondé par d'anciens collabos, en un parti de l'establishment. Le fameux cordon sanitaire, qui dans mon pays est montré par certains progressistes comme un exemple à suivre, va-t-il définitivement se briser ?

Le moment est révélateur d'une société française conservatrice. La droite l'est, par définition. Comme la gauche, à sa manière : le mouvement contre la réforme des retraites n'avait-il pas pour but de « conserver » un âge de la retraite ou des acquis sociaux ? Et le centre est conservateur : les politiques de « loi et ordre » prennent à nouveau les devants. Il y a une France qui a peur. Et une autre France (et une Europe) qui a peur de cette France qui a peur.

Il y a une question qui m'est souvent posée en Espagne ces derniers temps : « Marine Le Pen va-t-elle être la prochaine présidente de la République ? » Je réponds : « Il reste quatre ans. C'est trop tôt pour le savoir. » Je ne suis plus sûr de ne pas me tromper.

Commentaire 1
à écrit le 22/10/2023 à 12:50
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rien n'est comparable au martyre de l'Ukraine

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