LE 3 OCTOBRE, EMMANUEL MACRON a très longuement déjeuné avec François Bayrou à l'Élysée. Même si les deux hommes sont en contact régulier, ce repas avait un goût particulier. Douze jours plus tard, le maire de Pau se retrouverait sur le banc des accusés. Le procès des assistants du MoDem au Parlement européen allait s'ouvrir au tribunal correctionnel de Paris pour cinq semaines.
Cet automne, ce ne sera pas le seul. Deux ministres du gouvernement Borne vont également devoir se défendre. Du 6 au 17 novembre, Éric Dupond-Moretti est convoqué par la Cour de justice de la République pour « prise illégale d'intérêts ». Le garde des Sceaux est soupçonné d'avoir profité de sa fonction gouvernementale pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu des différends quand il était avocat. Du 27 au 30 novembre, c'est Olivier Dussopt qui comparaîtra, lui, pour « favoritisme » devant le tribunal correctionnel de Paris. Le ministre du Travail se voit reprocher d'avoir favorisé, alors qu'il était député et maire d'Annonay (Ardèche), une société de traitement de l'eau dans la conclusion d'un marché public à la fin des années 2000.
Attachement affectif
Chacun de leur côté, les deux membres du gouvernement assurent que ces rendez-vous ne les détournent pas de leur mission. « Cette procédure ne m'a jamais interdit de travailler », déclarait le 15 octobre Éric Dupond-Moretti sur France Inter. Olivier Dussopt ne s'exprime pas publiquement sur ce qui l'attend. « Il est au travail, dit son entourage. Il se consacre à sa tâche. Il veut convaincre de sa bonne foi sur le dernier point qui reste en suspens [une procédure de marché public], comme il a convaincu le parquet sur les quatre autres points qui ont été classés. »
Cette conjonction calendaire n'arrange pas les affaires d'Emmanuel Macron. Dans l'opinion, cela peut faire mauvais effet. Politiquement, ces trois hommes pèsent dans son système. François Bayrou est son premier allié. Si le patron du MoDem était condamné et devait démissionner de la présidence de son parti, cela déstabiliserait la majorité. Éric Dupond-Moretti occupe la cinquième place du gouvernement et Olivier Dussopt la septième. S'ils étaient amenés à quitter leur poste, ce serait une difficulté. Le président a également un attachement affectif pour chacun d'eux.
Sous sa présidence, Emmanuel Macron a mis un terme à la jurisprudence Balladur selon laquelle un ministre mis en examen devait automatiquement quitter ses fonctions. Il a estimé qu'elle n'était plus adaptée à une époque où la judiciarisation était devenue parfois automatique et que la présomption d'innocence devait l'emporter. Cela l'amène aujourd'hui à devoir gérer un automne de procès. ■ L.V.